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Mardi 6 octobre 2020
306.
Joseph-François MICHAUD
(1767-1839) historien. L.A.S., [Mansourah] « semaine du 8 avril »
[1831], à
Jean-François
M
imaut
consul général de France au Caire
; 2 pages et demie in-fol., adresse. 100 / 150€
Intéressante lettre de l’historien des Croisades vers la fin de son voyage en Orient entrepris en mai 1830
.
Il arrive au terme de sa course à Mansourah et à Damiette : « je vais reprendre tristement la route d’Alexandrie
en traversant le delta ; […] nous avons vu à une lieue du Caire une kanche [kange] renversée, montrant la quille à la
place du mat ; quand j’ai demandé comment cela était arrivé, on m’a répondu que dieu l’avait voulu ainsi. Dieu n’a
pas permis que pareille chose nous arrivât, et je m’estime très heureux ». À Mansourah, le Dr Canova l’a conduit
sur les bords du canal d’Achmoun : « Nous avons reconnu le lieu où campaient les croisés, le lieu où campaient les
musulmans ; j’ai vu le terrain exhaussé où St Louis parut armé de son épée d
’Allemagne
, le
petit pont
que deffendit
le sire de Joinville ; lorsque nous revînmes de notre promenade, on m’a montré la maison de l’eunuque Lokman où
le roi de France fut enfermé. J’ai trouvé quelque chose qui n’est pas moins précieux pour moi, c’est une chronique
arabe de Mansourah ; […] il ne manque rien à ma joie que de pouvoir lire cette chronique qui n’est point connue de
nos savants ». Il est parti ensuite pour Damiette : « J’ai visité l’emplacement de l’ancienne Damiette, où se trouve
aujourd’hui le village de Lisbet del borg [Ezbet el Borg], le village de la Sour. [...] J’ai eu quelque plaisir à visiter ces
plaines, théâtre de tant de batailles que j’ai décrittes […] Quand je songe à la foule de renegats que produisaient les
croisades, je crois voir le descendant d’un français dans chacun des arabes que je rencontre dans ce pays »...
On joint
une L.A.S. à Mme Berryer : « nous sommes tous des ouvriers de royalisme, et dieu merci, on ne reconnait
point de privilège »…, et un portrait.
307.
Octave MIRBEAU
(1848-1917).
M
anuscrit
autographe signé,
Âmes de guerre
, [septembre 1904] ; 2
pages in-4 et demi-page oblong in-8.
800 / 1 000€
Vibrant article pour dénoncer la non-intervention dans la guerre russo-japonaise
, paru dans
L’Humanité
du 25
septembre 1904.
Il ne peut détacher sa pensée de « cette Mandchourie lugubre et douloureuse, où s’accomplit, se poursuit, avec
l’assentiment de l’Europe, sous la sauvegarde du monde civilisé, et, en quelque sorte, sous sa bénédiction, un
des plus abominables crimes de l’humanité »… Mirbeau ironise sur la désinvolture de ses compatriotes, épris de
plaisirs et réfractaires à une intervention dans un conflit engagé par leurs alliés, ceux qui voudraient attendre la
victoire complète de la Russie, et qui dénigrent les victoires « théoriques, purement métaphysiques » du Japon.
« Attendons deux, cinq, dix vingt années,
s’il le faut… On continuera de se
massacrer là-bas… Mais nous, qu’est-ce
que nous risquons ?.. La vie est bonne,
nos restaurants sont toujours les premiers
du monde… Il y a toujours les plus jolies
filles dans les théâtres de Paris »… On
regarde les deux peuples se battre
comme on observerait une rixe sur la voie
publique : « n’intervenons que lorsque
l’un d’eux sera mort… C’est, d’ailleurs, la
véritable doctrine de la diplomatie. Voyez
comme elle agit avec les Arméniens !.. Elle
aussi, pour intervenir dans ces horribles
massacres, attendque le dernier Arménien
soit tué ! […] Enfin, alliés, non du peuple
russe dont les douleurs infinies, comme
celles de tous les peuples, d’ailleurs, nous
sont absolument indifférentes, mais alliés
du tzar, dont la gloire seule nous importe,
ne soyons pas moins fidèlement tzaristes
que lui, qui a prononcé, récemment, cette
parole héroïque et merveilleuse : “Tant
qu’il me restera un homme et un rouble,
je ne céderai pas !”… Car les hommes
appartiennent au tzar, n’est-ce pas ? […]
Et quand, après des années de tueries
et d’égorgements, les pauvres diables,
échappés au massacre, rentreront dans
leurs foyers, le tzar et le mikado sauront
leur rappeler un respect de la propriété et
de la vie humaine »…




