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Mardi 6 octobre 2020
60.
Edy LEGRAND
(1892-1970) peintre
et illustrateur. 54 L.A.S., 1951-1970, à
Jean
C
ollin
(avec quelques minutes
de réponse)
; environ 120 pages
formats divers, plusieurs à son en-tête
ou
Les Éditions du trente-cinquième
parallèle
, quelques illustrées de
photos de ses œuvres, nombreuses
enveloppes.
800 / 1 000€
Belle correspondance à un admirateur
et client, rapidement devenu un ami
et confident
. Les lettres sont écrites de
Rabat, Assa (confins de Mauritanie), Ifrane
(Haut Atlas), Goulimine (Maroc), puis de
Paris, Lourmarin (Vaucluse) ou New York…
Elle s’ouvre par une réponse à une
demande de dessins ; Legrand termine
alors l’illustration de romans de
M
alraux
:
« J’y suis bien loin de la Bible, mais, presque
toujours, en Orient tout de même – comme
ici – ; et la confrontation des antinomies
Orient-Occident y est étudiée d’une
façon saisissante et combien actuelle !
Car le problème de l’Orient tout entier
est d’autant plus brûlant que la pensée
de l’Occident est plus défaillante, et y
peut mordre moins. C’est notre absence,
là-bas,
en esprit
; non point en canons ou
en machines ! – qui est la cause du drame
actuel » (18 avril 1951)… Il fait des dessins
d’Afrique du Nord pour les éditions Odé,
voyage dans le sud du Maroc, se trouve
très pris par « un petit
Lafayette
pour l’Amérique, après cette
Arabie déserte
de Daughty », et projette un voyage
de travail en Grèce… Ses vœux en 1953 sont illustrés d’une photo de lui-même, palette à la main et chameau aux
pieds… Il évoque des projets d’expositions abandonnés, la perte de ses ateliers, des ennuis de santé, ses droits
d’auteur bafoués… « La France et le monde souffrent, et le temps des artistes, désintéressés et poursuivant leur idée
en silence, est révolu » (22 mai 1954)… Doléances concernant la Bible éditée par Maurice Robert… Commentaires
sur les affaires du Maroc… Il reçoit une commande du gouvernement marocain, puis annonce, le 24 décembre
1956, son départ du pays : il s’est réfugié dans le Vaucluse… Plaintes concernant les soucis que lui cause sa mère ;
« la sérénité, le calme, l’esprit de suite que nécessite le long effort pour amener son œuvre à la lumière, sont autant
de composantes, pourtant primordiales, que l’on ne peut que rêver d’atteindre » (jeudi [14 novembre 1957])...
Nouvelles de ses illustrations, de sa peinture, de ses expositions, de son moral… Il prépare des exemplaires spéciaux
pour Collin… Un croquis d’un exemplaire fastueusement relié des
Fleurs du mal
orne une lettre de décembre
1957… « Enfin, on a bien voulu considérer que j’étais un
peintre
qui faisait de l’illustration (terme honni, paraît-il)
mais non pas un illustrateur qui faisait de la peinture… Pourtant, peintre ou pas peintre, l’illustration est un moyen
d’exprimer sa poésie, son esprit d’invention, son goût du mythe et des grandes œuvres de l’esprit ; c’est donc un
art nécessaire, et, selon moi, d’autant plus haï par les impuissants de l’art, qu’ils ne peuvent pas y prétendre : chacun
peut barbouiller, mais chacun ne peut illustrer Dante ou la Bible ! » (17 décembre 1958)… Un temps, il trouve la
solution à ses difficultés financières en Amérique, mais elle ne fut pas pérenne. « Vous savez, par ouï-dire, la situation
des arts en France. À part quelques batteleurs, qui vendent n’importe quoi – et qui ne sont pas de véritables artistes
– les autres végètent : le marché américain (qui faisait vivre entièrement les arts à Paris) est définitivement fermé »
(10 septembre 1966)… Il vient de perdre Albertine, dont l’affection fit d’elle sa véritable mère. « Car, si j’ai eu une
“mère”, dans mon enfance, l’être qui m’a donné le jour s’est vite égaré dans la futilité des sentiments, et fut d’une
telle incompréhension à mon égard – mon père fut pire encore – que je me considérais, à l’âge d’homme, comme
orphelin ». Il l’a enterrée à Lourmarin, non loin d’Albert
C
amus
dont il illustrait l’œuvre pour Saurel jusqu’à ce que
Gallimard y prétende, l’excluant peut-être : « Vie difficile que celle de l’artiste non engagé… dans les affreuses
combines de la chimie sociale d’aujourd’hui, et qui voulut rester libre, et non classé dans un groupe »…Il est aussi
question d’illustrations pour les
Fioretti
,
Les Frères Karamazof
, des œuvres de Camus et de Pierre Benoit... Etc.
On joint
un catalogue d’exposition, et quelques L.A.S. de sa femme Myriam.




