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Je suis certain que dirigées par vous les œuvres de Beethoven doivent avoir une autre physionomie
que celle à nous
connue par les auditions du promenoir Lamoureux ou du perchoir Colonne
[les chefs d’orchestre Charles Lamoureux
et Édouard Colonne, à la tête de sociétés de concerts]
.
Je ne suis pas étonné le moins du monde que vous ayez été content de l’effet produit par la gradation lente de
l’
Andante
à l’
Allegro
de
Leonor
.
Cette façon de préparer l’explosion du ff m’avait moi-même frappé extrêmement
quand je l’entendis exécuter à Londres par
Malher
(de Hambourg)
[Gustav Mahler, alors chef d’orchestre à l’Opéra
de Hambourg]
lors d’une représentation de
Fidelio
. Quant au reste, je suis convaincu que vous avez dû le faire
travailler
avec amour
; dans ces dispositions-là le résultat est certain.
Ainsi vous êtes content de votre orchestre et de votre public qui vous le rend.
Tout est pour le mieux et je comprends
que vous vous félicitiez des résultats de cette campagne. D’abord à votre point de vue personnel c’est une vraie grande
joie que de conduire les partitions qu’on aime le plus et de les faire comprendre dans le sens où vous-même les
comprenez. Ensuite et d’une manière plus générale, il est très avantageux de montrer qu’en France nous pouvons avoir
aussi de vrais chefs d’orchestre si la routine ne s’y opposait...
Je sais parfaitement à quoi m’en tenir, comme vous, sur l’art de Bréville, mais enfin quand on s’entend opposer par
Dutacq et Boëllmann
[les compositeurs Amédée Dutacq et Léon Boëllmann]
que sa musique rase le public, un “et la
vôtre donc !” vous monte involontairement aux lèvres et se traduit par des périphrases plus ou moins affligeantes
pour l’amour-propre de vos interlocuteurs...
Quant à Doret
[le chef d’orchestre suisse Gustave Doret]
...
il voulait jouer
absolument
votre symphonie ou celle de
Franck mais je crois que ce n’était ni par amour pour vous ni par amour pour Franck ; c’était à mon avis simplement
pour se tailler une petite cote avantageuse...
[Paul Dukas évoque ensuite le compositeur et chef d’orchestre
Dominique-Charles Planchet, le chef d’orchestre Eugène d’Harcourt qui était à la tête d’une société de concerts, et le
compositeur Émile Challet.]
Eh ! bien ça y est. Beethoven et Schumann sont vengés !
Il y a des détails du plus haut comique que
Bordes
[le
compositeur Charles Bordes, un des fondateurs de la Schola cantorum avec d’Indy]
m’a donnés et que vous ferez bien
de vous faire raconter à votre retour.
Je travaille au second tableau de
Brunnhilda et je puis songer à ma symphonie
J’ai vu Gallet hier et il m’a encore
pressé de terminer le plus rapidement possible. Il va falloir aussi composer les parties manquantes et cela ne me sourit
guère.
Figurez-vous que Gallet a envie d’un ballet dont Saint-Saëns ne veut à aucun prix
. Alors le brave Gallet s’est
adressé à moi pour le composer. Ce léger supplément de travail, voyez-vous cela !
Je lui ai répondu que j’étais
l’homme du monde le moins fait pour faire tourner des tutus en musique.
D’ailleurs de toute façon ce ballet serait
absurde car l’œuvre n’en comporte pas et je suis tout à fait de l’avis de Saint-Saëns.
[Le compositeur Ernest Guiraud
avait composé une grande part de la musique du drame lyrique
Brunehilda
, sur un livret de Louis Gallet, mais il était
mort en
1892
avant d’achever son travail. C’est Saint-Saëns et Dukas qui se partagèrent la tâche de compléter l’ouvrage,
qui fut créé à l’Opéra en décembre
1895
sous le titre
Frédégonde
.]
Et
Fervaal
, que devient-il
[opéra de Vincent d’Indy
qui serait créé en
1897
]
? Avez-vous emporté vos manuscrits et trouvez-vous le temps d’écrire une page par ci par là ?
Mon frère est ravi de vous avoir rendu service.
Nous avons su... l’accueil triomphal et tout espagnol qu’on vous a
fait
. Si vous avez quelques moments, tenez-moi au courant de vos faits et
gestes
. Cela m’intéresse énormément...
»
186. ENESCO
(Georges). 2 portraits dédicacés et une lettre autographe signée. 1913-1914 et s.d.
500 / 600
– Portrait dédicacé au recto. Format
20
x
18
,
5
cm sur un feuillet
30
,
5
x
23
,
8
cm monté sur carton fort. Reproduction
d’un dessin de Beppe Fabiano, publié en supplément au
Monde musical
du
30
mai
1914
, ici enrichi d’un envoi
autographe signé à Yvonne
Astruc
: «
À Vovonne. Je ne mettrai pas la même chose qu’à Jacques
[le violoniste Jacques
Thibaud, ancien condisciple de Georges Enesco au Conservatoire de Paris]
, mais je le pense, très sincèrement aussi.
Le Pion. 1914
»
– Portrait dédicacé. Cliché photographique Adèle, tirage
208
x
153
mm, appliqué sur papier blanc et monté sur carton
souple gris. Envoi autographe signé au recto à Yvonne
Astruc
: «
– Le tyran scie-pion à s
te
Vovonne, martyre,
affectueusement... 1913.
»
Élève préférée du maître, la violoniste Yvonne Astruc
(
1889
-
1980
) dirigerait elle-même dans les années
1930
-
1940
une École instrumentale où elle l’inviterait à donner des cours magistraux. Georges Enesco dirait d’Yvonne
Astruc : « [C’est] la seule qui m’ait suivi chaque jour et qui conanaisse à fond toutes mes pensées concernant mon
enseignement du violon. »
–
Lettre autographe signée à Jean Huré.
Paris, «
ce jeudi »
: «
Je voulais vous écrire... je voulais écrire à votre élève...
Je suis débordé, croyez-moi ! Je joue déjà un tas d’œuvres nouvelles,
et je me suis arrangé en sorte que je puisse le
faire convenablement... mais tous les plans ont dû être tirés d’avance, et maintenant il n’y a plus place pour rien !...
C’est dommage que M
r
Martinot soit si pressé, car je lui aurais donné la 1
re
audition de son œuvre au commencement
de la saison prochaine. Excusez-moi auprès de lui, et pardonnez-moi vous aussi...
À bientôt le 5tette !... »




