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Protégé de madame Du Barry, Trudaine, Angiviller, Necker, Calonne, il acquit une aura internationale, suscitant
l’admiration de l’empereur d’Autriche comme du futur tsar Paul I
er
(dédicataire du présent ouvrage) mais tomba
en disgrâce auprès de Louis XVI en 1789. Il connut la prison sous la Terreur, mais cette période d’inactivité
professionnelle lui permit d’avancer la composition de son traité
Architecture
.
U
N RATIONALISME
LYRIQUE
ET
SOCIAL
. Si quelques traits rappelant les travaux d’Antoine Lepautre (1621-1679) et de Gabriel
Pierre Martin Dumont (1720-1791) peuvent se déceler dans le style personnel original de Claude-Nicolas Ledoux,
d’autres prédécesseurs l’ont marqué d’une in uence autrement décisive : Andrea Palladio (1508-1580), pour le recours
aux formes pures ; Jacques-François Blondel (1705-1774), théoricien du néo-classicisime qui fut son professeur, pour
la recherche rationaliste d’une unité parfaite entre fonction, usage et décoration d’un bâtiment ; et Giovanni Battista
Piranesi (1720-1778), découvert par Claude-Nicolas Ledoux alors qu’il était employé auprès de l’architecte Louis-
François Trouard (1728-1804), pour l’exaltation de la liberté et de la puissance créative.
Plus largement, son travail est irrigué par la pensée encyclopédique, globalisante et rationaliste du XVIII
e
siècle, et
par les conceptions sensualistes Condillac inspirées de Locke, telles que l’abbé Marc-Antoine Laugier les adapta au
domaine architectural. Considérant la vue comme le premier des sens, et adoptant un symbolisme marqué, il se
rapproche ainsi des tenants de l’architecture dite « parlante », tels Étienne-Louis Boullée (1728-1799). En outre, par la
valeur exemplaire et démonstrative qu’il assigne aux bâtiments pour guider le peuple à la vertu, il se rattache à la
sensibilité artistique moralisante telle que l’illustrèrent Diderot, Greuze ou David.
U
N RÉFORMISME UTOPIQUE NOVATEUR
. L’apport majeur de Claude-Nicolas Ledoux tient dans sa conception utilitariste
radicale de la création architecturale, qui lui fait subordonner les formes à leurs fonctions ou aux idées qu’elles
doivent suggérer, toute ornementation super ue étant rejetée – il n’y a pas jusqu’à la nature qui doive être
structurée architecturalement pour le bien-être de homme.
Fortement marqué par les idéaux francs-maçons sur l’harmonie et le bonheur, Claude-Nicolas Ledoux, redé nit
l’architecte non plus seulement comme un praticien adapté aux besoins de son temps, mais plus ambitieusement comme
un acteur déterminant dans la réforme de la société, et élargit en conséquence son rôle à l’urbanisme. S’inspirant du
traité Du
Contrat social
de Rousseau et des doctrines physiocratiques, il souhaite donner une expression architecturale
à une nouvelle société utopique, non plus cloisonnée hiérarchiquement, mais articulée en différentes sphères d’activité
conjointes. Quand il construisit les fabriques et maisons ouvrières de la Saline royale d’Arc-et-Senans, de 1775 à 1779, il
avait envisagé d’associer cette usine modèle à la ville idéale de Chaux qui, elle, ne put voir le jour.
« Son rêve d’une ville destinée à abriter un monde moralement et socialement meilleur [...] marque une percée décisive,
considérée comme l’expression architecturale de la révolution sociale de la n du xviiie siècle [... Pour lui, ce n’était]
pas seulement une réaction de défense contre une différenciation sociale croissante [...], mais, plus profondément, la
tentation de créer, au moment même de la révolution industrielle, une société fondée non sur le travail et la technologie
mais sur les échanges sociaux, les passions et les complémentarités culturelles » (
Utopies
, Paris, BnF, 2000, pp. 32 et 136).
S’il ne fut pas le premier, Claude-Nicolas Ledoux fut assurément le plus ambitieux architecte à l’origine de cette
tradition utopique, par son originalité, l’ampleur et l’universalité de ses conceptions. Malgré le rejet ou la dénaturation
dont ses idées furent longtemps victimes, son in uence se t sentir dans les courants saint-simoniens et fouriéristes, et
jusque dans les projets de Jean-Baptiste André Godin (1817-1888), Tony Garnier (1869-1948) ou Le Corbusier (1887-1965).
J
OINT
: P
FNOR
(Rodolphe).
Monographie du château d’Anet construit par Philibert de L’Orme en
MDXLVIII
.
Paris, chez
l’auteur, 1867. In-folio, (4)-44-(16 dont la dernière blanche) pp., en feuilles, état médiocre avec mouillures.
É
DITION
ORIGINALE
. L’historique est de l’archéologue et historien de l’art Henri Raison Du Cleuziou (44 pp.), et la notice
descriptive est de Rodolphe Pfnor lui-même (4 pp.). 56 (sur 57) planches hors texte, dont une double à double
numérotation et 2 en couleurs, d’après les dessins de Rodolphe Pfnor.




