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On a relié en tête une émouvante lettre autographe signée d’Alfred Douglas adressée
à Octave Mirbeau, le 7 juillet 1895, le jour même de la publication de
S
ur un
livre
:
Monsieur,
Je ne peux m’empecher de vous écrire un mot pour vous remercier de tout mon cœur pour votre
article sur « Dorian Gray » dans le Journal. En le lisant je n’ai pas pu retenir mes larmes tant
j’étais touché ; et je me suis dit « il faut que j’envoie cette article à Oscar ça va lui faire plaisir
de savoir que meme quand il est en prison Octave Mirbeau ne hésite pas de le reconnaitre comme
un grand artiste. » et tout d’un coup je me suis rapellé que je n’avais pas moyen de lui faire meme
cette ce plaisir, parce qu’il m’est defendu de lui envoyer une des lettres.
Je vous prie monsieur de vouloir bien me pardonner de la liberté que je me suis permis en vous
écrivant, mais vous m’avez allumé une toute petite chandelle dans l’obscurité profonde de ma vie.
Veuillez agréer mes compliments et mes remerciments de ma part et aussi de la part de mon ami
Oscar Wilde. Que ça ne soit pas un « morituri te salutant ! »
Alfred Bruce Douglas
(Lettre autographe signée sur papier à en-tête de l’Hôtel Continental au Havre, 2 pages in-8.)
Lettre bouleversante qui rend justice au courage et à la fidélité de Mirbeau, le jour même de la parution
de son article du
Journal,
dans lequel il faisait un éloge dithyrambique du
Portrait de Dorian Gray
dont la première traduction française venait de paraître. Eloge du roman mais aussi de son auteur,
et dénonciation de sa condamnation et des conditions de sa détention. Il notait, perfide : “L’Angleterre
se reconnaît, se mire, s’exalte, se purifie dans Shakespeare, qui chanta ce vice infâme et le commit”,
ajoutant plus loin ce que d’autres écriront cinquante ans plus tard à propos des romans de Jean Genet :
“N’y a-t-il point, dans la débauche la plus crapuleuse, une minute mystérieuse où l’homme le plus brut
atteint aux plus hauts sommets de la vie, et conçoit l’infini ?”
10 000 / 15 000
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