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Les livres du XVII

e

siècle se distinguent de même par les reliures armoriées dont ils sont revêtus ou par

leur illustration gravée.

L’édition originale de

L’Apocalypse

de Bossuet (1689) a été reliée à l’époque en maroquin aux armes

du lieutenant de police La Reynie ; l’exemplaire des

Sermons

de Bourdaloue, l’un des prédicateurs

favoris de Mme de Sévigné, est en maroquin du temps portant les fameux emblèmes dorés du baron

de Longepierre ; l’édition originale du traité de

L’Impieté des Deistes, Athees, et Libertins de ce temps

de

Marin Mersenne (1624) a été reliée pour son dédicataire, le cardinal de Richelieu.

Le

Traité abregé des obligations des Chrétiens

de l’abbé de Rancé (1699) est plus remarquable encore.

Manuel de morale à l’usage des gens du monde paru quelques mois avant la disparition de “l’abbé

Tempête”, qui devait susciter l’un des plus beaux livres de Chateaubriand, le

Traité

était une manière

de testament spirituel de l’austère réformateur de la Trappe. L’exemplaire a été relié à l’époque en

maroquin aux armes de Jacques II, le dernier roi catholique d’Angleterre alors en exil en France : le

souverain déchu était un proche de l’abbé de Rancé à qui il avait rendu pas moins de six visites entre

1690 et 1700.

Plusieurs livres illustrés du Grand Siècle méritent d’être relevés : les

Portraits des hommes illustres

de

Perrault, en reliure du temps et complet des deux portraits d’Arnauld et Pascal, censurés pour cause

de jansénisme ; le truculent recueil des

Cent Nouvelles Nouvelles

illustré de 100 vignettes gravées de

Romeyn de Hooghe (exemplaire de choix en maroquin citron du XVIII

e

siècle) ou le ravissant

Jardin

d’ hyver

de Jean Franeau imprimé à Douai en 1616 : ce cabinet de curiosités botaniques est illustré de 52

grandes planches en taille-douce d’Antoine Serrurier figurant fleurs et bouquets. Enfin,

Della cavalleria

de Georg Engelhard von Löhneysen (1552-1622) est une des productions les plus spectaculaires issues

d’une presse privée : imprimé en 1609 au format grand in-folio dans le château de l’auteur à Remlingen

en Bavière, l’ouvrage est une manière d’encyclopédie hippiatrique. Il est illustré de 89 remarquables

figures gravées en taille-douce, dont 23 à double page, et de près de 250 gravures sur bois – une

profusion d’images d’un baroque éclatant.

Le siècle des Lumières occupe une place importante : éditions originales des

Liaisons dangereuses,

de

l’

Histoire des singes

d’Alletz, un livre pionnier de l’éthologie, du

Voyage autour du monde

de Bougainville,

qui devait lancer le mythe du “bon sauvage”, du

Diable boiteux

de Le Sage ou de la

Nouvelle Héloïse

de

Rousseau – parue sous le titre de

Lettres de deux amans

(1761) – exemplaire en maroquin de l’époque.

On y remarque encore un billet autographe de Voltaire à d’Argenson ou les

Contes et nouvelles en vers

de La Fontaine illustrés par Fragonard (1795), ultime embarquement pour Cythère avant la disparition

de l’Ancien Régime.

A côté de ces ouvrages célèbres, on découvre des curiosités dont les bibliophiles sont friands tel le

Cours

des principaux fleuves et rivières de l’Europe

que le jeune roi Louis XV imprima lui-même à Versailles à

l’âge de huit ans sur la presse privée qui lui permit de s’initier aux rudiments du métier d’imprimeur.

L’exemplaire est hors pair : il porte les armoiries de la marquise de Pompadour, future maîtresse du

jeune prote. On relève également la véritable édition originale de

La Guirlande de Julie,

dissimulée dans

une biographie du duc de Montausier parue en 1729 : portant au dos le chiffre doré “PB”, l’exemplaire

provient de la bibliothèque de Joséphine et de Bonaparte à la Malmaison – une guirlande poétique

pour l’épouse du futur Empereur.

Le chapitre consacré au XVIII

e

siècle comprend également une gerbe de 14 éditions originales de Restif

de La Bretonne, le “piéton de Paris”, chroniqueur inlassable des mœurs de la fin de l’Ancien Régime,

dont les aventures galantes défrayèrent la chronique : souvent imprimés par lui-même, ses ouvrages sont

d’ordinaire illustrés de gravures de Binet qui ajoutent une touche de piquant.

Cette vente est riche de près d’une centaine de pièces autographes, du XVI

e

au XX

e

siècle, dont de

beaux ensembles autour de Baudelaire, Flaubert, Hugo, Maupassant, Nerval, Proust et Stendhal.

Plusieurs lettres de ce dernier sont signées de pseudonymes et rédigées dans un mélange d’anglais et de

français destiné à tromper le lecteur indiscret : “

You must take the gouvernail

”, écrit-il ainsi drôlement

à sa sœur en juillet 1810. Les lettres de Baudelaire à sa mère sont émouvantes et celles concernant la

Belgique d’une rage noire. Les lettres de Flaubert à Louise Colet demeurent des chefs-d’œuvre de la

correspondance amoureuse : “

Je suis un des gueulards au désert de la vie

”, lui concède-t-il, quand il avoue,

ailleurs : “

Je lis du Montaigne maintenant dans mon lit. Je ne connais pas de livre plus calme & qui vous

dispose à plus de sérénité.