37. MALRAuX (André). L
ETTREAuTOGRAPHE SIGNéE à uN CRITIquE
, datée le
3 juillet
[1933], 2 pages in-8 (209 x 133mm),
à l’encre noire sur un feuillet in-8 sur papier à en-tête de la
N.R.F
., sous chemise demi-maroquin moderne.
2 000 / 2 500 €
E
XCEPTIONNELLE LETTRE LITTéRAIRE SuR
L
A
C
ONDITION HUMAINE
.
Dans cette lettre remarquable et très dense, Malraux répond à un critique, qui vient de consacrer un article à
La Condition
humaine
. Il se propose de revenir sur
quelques points, qui me paraissent dépasser le roman en cause.
D’abord, l’horreur de
certaines évocations :
les quelques livres sérieux sur les guerres civiles de Sibérie
[…]
: rapports des Croix rouge suisse et
hollandaise, et surtout les journaux de Divinger, dépassent de loin ce que j’ai raconté.
Cela l’a fasciné :
Je crois qu’il existe
un roman de la fascination, dont les Possédés et les Hauts de H
[urle-]
Vent seraient des exemples illustres. Et c’est pourquoi,
lorsque vous dites que mon nihilisme s’illustrerait aussi bien par des scènes de la vie ordinaire, je le crois volontiers, mais
pas pour moi.
Second point, Malraux répond à la critique selon laquelle tous les dialogues se ressemblent :
Considérez pourtant que, à
part Hemmelrich, tous ces hommes sont plus ou moins des intellectuels. Donc, des hommes qui ont choisi le risque de
mourir. Il est naturel qu’ils y réfléchissent, qu’ils en discutent. J’ai toujours vu les révolutionnaires discuter éperdument,
tantôt tactique ou doctrine, tantôt éthique. Où je vous suis acquis, c’est lorsque vous dites que leurs dialogues se ressemblent.
Oui. Soucieux de choisir ce qu’il y avait en eux de plus haut, et peut-être en moi de plus particulier, je les réunis tout
[sic]
dans un certain monde. Mais
[…]
l’une des tendances du roman européen n’est-elle pas précisément la création d’un tel
monde ?
Il s’interroge sur la qualification de son livre, par les Allemands, de
roman expressionniste
:
Mon livre écarté la
question me paraît valoir réflexion.
La Condition humaine
, ultime volet d’une trilogie romanesque inspirée de séjours en Indochine dans les années 1920,
obtiendra le Prix Goncourt le 7 décembre 1933.
38. MALRAuX (André).
L
ACLOS
. M
ANuSCRIT AuTOGRAPHE SIGNé
en tête, [1939], 27 feuillets in-4 et in-8,
numérotés 1 à 22 (dont 2bis, 2ter, 13bis dactylographié, 17bis et 17ter avec deux lignes dactylographiées)
montés sur onglets et interfoliés de feuilles de vergé gris. Relié en un volume in-4 (272 x 225 mm), demi-maroquin
bordeaux à coins, dos à nerfs ornés d’encadrements de filets dorés, tête dorée (
F. et A. Maylander
).
10 000 / 15 000 €
u
NIquE MANuSCRIT DE LA CéLèBRE éTuDE SuR
C
HODERLOS DE
L
ACLOS
, parue dans le tome II de l’ouvrage collectif
Tableau
de la Littérature Française
(Gallimard, 1939). En 1970, Malraux la publie à nouveau dans
Le Triangle noir
avec deux textes
sur Goya et Saint-Just. Elle sera reprise en préface à l’édition Livre de Poche, puis Folio-Gallimard, du roman.
L’étude s’ouvre par une lettre autographe adressée à
son cher Professeur,
le médecin et passionné de littérature Henri Mondor
(1 page in-12,
7 juin 1945
), auquel Malraux offre ce
manuscrit récupéré
. Sur la page de titre autographe qui suit, datée du
même jour, dédicacée et signée, l’auteur précise qu’
Il n’existe pas d’autre manuscrit
.
B
IEN quE DE PREMIER JET
,
CE MANuSCRIT EST TRèS PROCHE DE LA VERSION IMPRIMéE
. Par ses formules brillantes et ses subtiles
analyses, Malraux met en évidence l’originalité et la modernité des
Liaisons dangereuses.
Il débute par une synthèse du
roman :
Laclos entreprend de raconter une anecdote de sa jeunesse : une femme abandonnée par son amant décide de faire
coucher n’importe qui avec la fiancée de celui-ci, pour qu’il soit trompé avant même son mariage. Il y ajoute l’histoire
d’une autre femme qui, séduite et quittée par un complice de la 1re, meurt de chagrin.
Puis il en définit l’essence même
:
Les Liaisons sont le récit d’une INTRIGUE
[…]
Intriguer tend toujours à faire croire qq. chose à qq. un.
[…]
Le problème
technique du livre est de savoir ce qu’un personnage va faire croire à un autre. D’où une ronde d’ombres Louis XV à la
merci des deux meneurs du jeu.
Pour Malraux, Laclos renouvelle la notion d’intelligence,
idée passionnelle et mythique
. Il analyse aussi une autre nouveauté :
La passion s’est métamorphosée : elle était fatalité, elle devient désir
. Mais, observe-t-il,
le premier caractère de ce livre, qui ne
parle que de passion, c’est de l’ignorer presque toute. Une seule y paraît : l’amour qu’éprouve Mme de Tourvel
[…]
Les cartes
sont simples, dans ce jeu qui n’a que deux couleurs : la vanité, le désir sexuel.
Décelant dans les deux protagonistes principaux
des
Liaisons,
la naissance et le prototype de la figure de
l’intellectuel
, il explique pourquoi ce livre est novateur :
Valmont et
Mme de Merteuil sont les deux premiers personnages de la fiction qui agissent en fonction d’une idéologie
.
Il réalise ensuite des rapprochements avec Balzac, Stendhal, Flaubert et Dostoïevski :
de Laclos à Dostoïveski, de Valmont
à Ivan Karamazoff, la part organique et souterraine de l’homme ne cessera de grandir.
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André MALRAUX
(1901-1976)




