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36. LARBAuD (Valery).

R

OUGE

J

AUNE

R

OUGE

. M

ANuSCRIT AuTOGRAPHE SIGNé

,

[1924], 9 pages in-4 (297 x 197 mm), sous chemise demi-maroquin noir

moderne.

3 500 / 4 500 €

E

SSAI POéTIquE ET PROPHéTIquE DE

L

ARBAuD DéPEIGNANT L

’E

SPAGNE MODERNE

.

Rouge Jaune Rouge

a été publié en 1924 en tête d’un numéro spécial d’

Intentions

(avril-mai), consacré à la littérature espagnole, et repris en 1927 dans le recueil

Jaune Bleu Blanc

.

Ayant séjourné en Espagne en 1897-1898 et 1905-1906, puis vécu à Alicante de 1916 à

1920, Larbaud livre ses impressions d’un pays qu’il connaît mieux que personne. Grand

voyageur, il confronte les souvenirs de son premier séjour avec la situation de l’Espagne

en 1924 et assure qu’une “

génération nouvelle

” se lève. Sur ce point, cet essai présente

une dimension prophétique, l’auteur pressentant l’apparition de ce que l’on appellera “

la

génération de 1927

”.

Larbaud dépeint Madrid et Séville en 1898 comme des villes modernes, avec des vestiges

de l’

époque isabéline

, qu’il compare plus loin au Second Empire français :

Nous aspirions

une odeur de fumées d’usines, d’œillet et de cigares, et nous nous perdions dans une large

vie nocturne aux pas et aux voies innombrables, fête perpétuelle dans l’attente de l’aube.

Au-dessus de tout cela il y avait les nouvelles d’une guerre conduite, d’un palais rose entouré

de beaux jardins, aux deux extrémités de la terre.

Pour lui, l’Espagne est le

plus rajeuni, le

plus fantaisiste des trois vieux royaumes occidentaux, le plus d’avant-garde

, elle enseigne

la continuité qu’il y a entre l’Europe et l’Amérique

[...]

Apprendre l’espagnol, quel

accroissement de richesse !

S’abandonnant à ses souvenirs, Larbaud glisse de l’essai à un

SuPERBE POèME EN PROSE

,

à LA

GLOIRE DE L

’E

SPAGNE

:

Terre métropole aussi les Indes orientales, le seul de nos pays qui ait

osé adopter un vêtement pris à l’Extrême-Orient, et parer ses femmes des géantes roses de

soie épanouies au-delà du Gange et de la Chersonèse d’Or

[...]

Souvenirs de cette jeune

Espagne dans la vieille Angleterre, de Séville dans Bristol, la Séville pauvre des flibustiers

[...]

Chansons qui coulez infatigablement sur les rues et au fond des cours ; larges vols des

habaneras qui meurent dans les doux cris de la félicité parfaite ; appels des fêtes de nuit ; eau

de neige, eaux des fontaines aux beaux noms ; voix du boléro dans la lumière calmée des après-

midi provinciaux ; longs bandeaux de soleil aux terrasses de toute une ville blanche et pure

sous la grande nuée d’or d’une montagne ; réflecteur de la mer sous le ciel d’été tout lumière

et sans couleur, au bout des plaines blanches tachetées d’oliviers et d’amandiers transparents,

ou au fond des vallons de terre rose sous les sombres couronnes des orangers

[...]

et vous sous

le toit neigeux de la mantille, manola dans la voiture, impatiente de partir, toute douceur taciturne

et longues franges de soie.

En quête d’

une vision plus claire du passé

[...]

et une expression durable du présent,

Larbaud

évoque ses lectures espagnoles (Galdos, Valera, Rubén Dario, Ganivet, etc.) et des auteurs

modernes :

Voici Unamuno qui éclaire tout ce que nous avions entrevu dans l’ombre à côté de

nous

[...]

Azorin qui nous explique notre petite ville et les vieux livres de la bibliothèque provinciale

[...]

don Gabriel Miro, homme de notre terre

[...]

Ortega y Gasset

[...]

et seul dans sa tour au centre

de notre capitale, Ramón Gomez de la Serna

.

Larbaud termine en souhaitant la bienvenue en France à ces

hommes qui nous expliqueront l’Espagne

nouvelle.

Le texte est conforme à la version publiée, hormis quelques mots en moins dans le dernier paragraphe

(

Œuvres

, Pléiade p. 911-917).

L’

uNE DES PLuS BELLES éVOCATIONS JAMAIS FAITES DE L

’E

SPAGNE MODERNE

.

Valery LARBAUD

(1881-1957)

ci-contre lot 36