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53

T

rès

belle

et

importante

correspondance

scientifique

et

amicale

à

« 

l

ami

de

son

cœur

 »

et

son

collaborateur

pour

les

L

eçons

d

anatomie comparée

. [Constant

D

uméril

(1774-1860), médecin et

naturaliste, fut professeur d’anatomie à l’École de Médecine,

et professeur d’erpétologie et d’ichtyologie au Muséum.]

Fontainebleau [16 brumaire XI (7 novembre

1802

)]

. Il a pris la

décision d’autoriser son frère à se marier : « Je ne vois pas

d’autre moyen de m’entourer d’un peu de gaîté. J’aurai au

moins le contentement des autres pour consolation de mon

malheur ; […] je ne pompe que les poisons de la mélancolie ;

mon caractère est comme ces fruits à pulpe sucrée, à amande

amère ; j’amuse les autres et je pleure »…

[Tain 25 brumaire

(16 novembre)]

. Il voyage : « ma voiture est un vrai cabinet où

je travaille tant qu’il me plait. Ses 4 glaces en font une espèce

de serre chaude, et lorsque je regarde elles me présentent

la plus superbe lanterne magique ; pays enchanteur »… À

Lyon, il a passé deux soirées charmantes avec la famille

J

ussieu

, et fait une excursion sur les hauteurs environnantes

avec Jussieu et Gilibert, déjeunant avec ces naturalistes dans

une hutte du temps des Romains. Les Lyonnaises sont toutes

charmantes : « je ne m’étonne plus que Madame Biot en soit.

C’est là je crois qu’il faudrait choisir sa maîtresse ; mais il

faudra l’emmener ailleurs. Au bout de 4 jours on doit s’ennuyer

dans une ville sans lettres, sans société, et dont le spectacle

est détestable »…

Marseille 1

er

frimaire (22 novembre)

.

Depuis 9 jours il visite de petites écoles « pleines d’écoliers

ignorants et de maîtres imbécilles » ; il a cependant acheté

des poissons de la Méditerranée dont il envoie les squelettes

à M. Rousseau et dont il met les viscères dans l’esprit de vin ;

il a aussi recueilli des mollusques. Il va partir pour Aix, Saint-

Maximin, Brignoles, Draguignan : « chemin à se rompre bras

et jambes, et des voleurs par-dessus le marché »…Il revient

sur sa mélancolie affective : « Les passions vrayes flétrissent

trop le cœur ; elles le rendent incapable d’être heureux ;

c’est comme en chimie ; rien n’est moins combustible que

ce qui est brulé ; voilà le secret de mon cœur ; c’est une

cendre épuisée »…

Draguignan 8 frimaire (29 novembre)

.

Vives plaintes au sujet des routes atroces, et des écoles,

avec anecdote sur un « prétendu maître » de géométrie ; il

ironisesur une Société d’émulation digne du Vaudeville. Il a

vu à Aix un nommé

B

oyer

de

F

onscolombe

, « qui se dit grand

amateur d’insectes ; mais tu ne lui as pas répondu ; si ses

lettres lui ressemblent je ne m’étonne pas de ton silence »…

Nice et Fréjus 13-15 frimaire (4-6 décembre)

. Les routes sont

si mauvaises que la duchesse de Cumberland, hivernant à

Nice, a dû faire arranger le chemin par des soldats. Cuvier

admire cependant le climat, la végétation, les parfumeries

de Grasse, le gibier et quelques bonnes surprises, comme

un maître d’école versificateur à Callian, ou le sous-préfet de

Grasse « qui a une très belle bibliothèque et qui au courant des

choses les plus nouvelles ». Il raille cependant le goût de ce

dernier pour Delisle de Salles et Gérando, avant de s’indigner

de l’ignorance des instituteurs : à Nice, « un pauvre diable qui

ne sait pas le latin, mais seulement l’anglais », n’a enseigné

que cela, « et les élèves de l’école centrale qui baragouinent

un peu de mauvais anglais, ne peuvent pas expliquer une fable

de Phèdre. Le reste est à l’avenant. Il y a des grands garçons

de quinze ans qui ne savent pas écrire deux mots de français

correctement. Ce sont de pauvre moines italiens qui leur

donnent des leçons particulières, en vérité on ne peut deviner

sur quoi »… Il raconte son dangereux passage du Var à gué…

Marseille 24 frimaire (15 décembre)

. En quinze jours, aidé d’un

ami de Deleuze, il a « déjà recueilli beaucoup de poissons.

J’ai fait dégrossir les squelettes de quelques-uns, mais ce qui

me tardait depuis longtems j’ai recommencé mes anatomies

de mollusques, pas celle du

Murex tritonis

, grosse coquille

dont l’animal ressemble fort à celui de Buccinum andatum,

que j’ai disséqué l’année dernière, mais dont la grandeur me

donnera des résultats curieux »… Il a d’ailleurs d’autres choses

dans son bocal. « Je veux tâcher de rester digne de toi, et du

rôle que j’ai eu dans les sciences ; si l’ambition m’a tenté un

instant, j’espère que cette faute n’aura pas d’influence durable

sur ma vie. Je serais au désespoir même d’être ministère,

aux depends des travaux que je crois m’être réservés »… Il

ne s’étonne pas du succès de M. de

C

andolle

 : « Je lui écris

aujourd’hui même ainsi qu’à Biot et à Lacroix »…

Marseille 18 nivose (8 janvier

1803

)

. Duméril, Geoffroy et Biot lui

annoncent une bonne nouvelle : « je serais tiré d’une manière

honorable de la chienne de galère où je suis, et je serais placé

au poste qui me convient le mieux […] Je dissèque toujours

à force ; j’ai eu des pennatules vivantes de 3 espèces, toutes