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aussi phosphorescentes que la phosphorée ; la pennatula
cynomorium de Pallas, qui est l’alcyonium epipetrum de
Gomel, et un de mes vérétilles est la plus phosphorescente
de toutes. Ses polypes sont longs d’un pouce et larges
de 4 lignes ; je lui ai trouvé un estomac, avec des intestins
intermédiaires entre ceux des méduses et ceux des astéries.
J’ai remarqué aussi qu’une pennatule n’est réellement qu’un
seul animal, qui a seulement des bouches et des intestins
multiples, mais dont la volonté locomotive est une, et où le
système nutritif résultant de tous ces intestins multiples
est également un ; cela éclaircira singulièrement la théorie
physiologique des coraux, et autres Zoophytes. J’ai eu des
yeux de
thon
plus gros que des yeux de bœuf. J’y ai revu en
grand tout ce qu’
H
aller
avait vu en petit sur les truites, et j’ai
rectifié beaucoup de ses observations. Si je suis réellement
nommé secrétaire [de l’Institut], et dispensé de mes fonctions
d’inspecteur, je resterais ici quelques semaines de plus […],
et ce séjour me fournirait de quoi entretenir l’Institut et de quoi
nourrir le Bulletin pendant un an »…
30 nivose (20 janvier)
. Il
évoque le curieuxmonstre dont lui a parlé son ami, et un protégé
à recommander au premier Consul. Il travaillle à un mémoire
sur le
Laplysia
, retravaillé à neuf : « Cet animal est à lui seul
un sujet presque inépuisable ; autant j’en ouvre d’individus,
autant j’y trouve de particularités remarquables ; par exemple
je viens de trouver dans le troisième estomac, des crochets
aigus, de substance cartilagineuse très nombreux, et dont la
pointe est dirigée en avant. Ils m’avaient échappé jusqu’ici,
parce qu’ils n’adhèrent pas plus à la veloutée, que ne le font
les pyramides de même nature qu’on trouve dans le second
estomac J’ai bien certainement constaté le fait des grandes
veines qui s’ouvrent librement dans la cavité de l’abdomen.
J’ai fait du système nerveux un dessin qui j’espère te fera
plaisir par ses détails et son exactitude. La Laplysie cependant
malgré toutes ses beautés, ne m’absorbe pas tout entier ; j’ai
beaucoup travaillé sur les oursins ; j’ai trouvé que leurs dents
s’usent comme celles des quadrupèdes herbivores, et qu’il y
a de même par derrière une substance qui se durcit à mesure
que le devant diminue »… Il compte faire une anatomie du
calmar, et « réfuter les sottises de
T
ilesius
sur les branchées de
la seiche »…
10 pluviose XI (30 janvier 1803)
[lettre complète,
mais une petite note sur le feuillet d’adresse a été déchirée].
Auguste Bataille lui portera le mémoire sur le laplysia ; Cuvier
travaille à présent sur les seiches, trouvant à Marseille de
grands mollusques comme à Paris on trouve des lapins ou
des poulets : « il suffit de demander »…
Montpellier 22 ventose
(13 mars)
. « Me voici dans la ville médicale par excellence, je
suis tout fier d’avoir vu les Fouquet, les Gouan, et tous les
autres fameux docteurs dont toute l’Europe vient rechercher
les ordonnances ;
D
umas
m’a fait dîner avec les principaux
aujourd’hui, et il m’a fait voir ce matin les portraits de ceux
[…] morts les uns depuis plus de cinq cents ans ; les autres
depuis moins. Toutes leurs salles en sont pleines, et c’est
vraiment une idée imposante ; on y voit Arnauld de Villeneuve,
et Rondelet et Rabelais de joyeuse mémoire, et Vieusseux, et
Chirac »… Quant aux vivants,
G
ouan
ressemble à Lamarck, et
F
ouquet
a une tournure plus noble qu’aucun médecin de Paris.
« Draparnaud, Baumes &c ne chassent pas avec ceux là ; le
premier surtout paraît abhorré ; je ne sais en vérité pourquoi,
car hors son égoïsme d’amour propre, il ne manque ni d’esprit
ni de connaissances. Il m’a donné un bulla lignaria et m’a fait
voir les pierres de Cette et de Gibraltar où j’ai reconnu des
machoires d’écureuils fossiles. J’ai aussi vu, et tenu le fameux
os humain fossile de Gouan, et c’est un os de cerf plus que
jamais pour moi »…
Bordeaux 6 germinal (27 mars)
. Il s’étonne
de n’avoir obtenu que 25 voix sur 45, que presque la moitié
ne voulût pas de lui. « Tu as raison de dire que les gens qui
me jugent impérieux ne me connaissent pas ; ce n’est pas de
moi-même que je me juge ; mais je vois que tous ceux qui ne
veulent pas fréquenter ma société seulement pour des vues
d’intérêt, s’attachent à moi. Il faut donc bien que je ne sois
pas si dur ; je peux bien te parler de cela puisque j’ai à me
justifier ; mais enfin voilà dix ans que je suis aimé d’une femme
sans qu’elle se soit plainte une minute de mon caractère ; je
peux te dire encore que je viens d’exciter une passion violente
qui aurait pu faire bien du mal à celle qui l’a ressentie ; mais
vos bégueules, et ignorantes bourgeoises, n’aiment que les
calembourgs et le ton de cotterie ; aussi j’y renonce pour
jamais ; je me suis arrangé je crois pour passer doucement
ma vie »… Cependant il n’a jamais été aussi embarrassé de sa
vie qu’à présent, « entre vous trois, Geoffroy, Brongniart et toi ;
je voudrais que vous arrangeassiez entre vous lequel je dois
servir »…
7 germinal (28 mars)
. Son conseil est de faire le livre
sur l’histoire naturelle, mais refuser celui sur la minéralogie :
« pour te mettre au courrant tu perdrais un temps précieux,
et faire un livre élémentaire d’une science qu’on ne possède
pas parfaitement, c’est se condamner à faire un mauvais
ouvrage »…
25 germinal XI (15 avril 1803)
. « Je sais encore tout
le détail de l’affaire de l’élection ; et les sots calculs qui m’ont
fait envoyer à Bordeaux, et la manière ridicule dont ils ont été
trompés, par deux sots qui n’ont pas assez de crédit pour
intriguer. Enfin il entrera probablement à l’Institut quelqu’un qui
aurait besoin d’aller d’abord au collège »…
[Fécamp]
. Il presse Duméril de venir le retrouver ; il n’y a
pas de raison de rester pour la distribution des prix… Il se
livre à quelques remarques ironiques sur le Sénat et le
gouvernement…
[Valmont]
. « Je travaille toujours ; j’ai fait un
plan superbe pour mon cours du lycée » ; il ne fera pas de
géologie pour ne pas déplaire à
B
rongniart
, « mais j’y ferai
une histoire de l’homme très détaillée, où je traiterai du globe
comme séjour de l’homme, de l’influence de la nature de
chaque pays sur le genre de vie des hommes qui l’habitent, de
l’antiquité du genre humain, et autres questions importantes
de philosophie et d’histoire naturelle, qui m’amèneront
naturellement à traiter celles de la Géologie »… Il parle de
l’avancement de leur ouvrage, auquel il travaillera cet hiver.
« J’ai prié mon frère de vous engager à choisir pour moi des
instruments de dissections pour monter le petit laboratoire qui
sera à côté de ma bibliothèque »…
4 000 / 5 000
€




