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laissent pressentir un romantique appliqué et concentré. Chez
lui, on devine de la douceur, on perçoit l’homme de cabinet plu-
tôt que le mondain, l’érudit plutôt que le chasseur, le discret plu-
tôt que le tonitruant.
Après avoir collaboré à différentes revues littéraires, livré
quelques sonnets demeurés méconnus, il se maria en 1834 à
Marie-Herminie Dareau, une lointaine parente bien dotée, ap-
partenant à une bonne famille de robe, issue de plusieurs géné-
rations de conseillers à la Chambre des comptes. De retour dans
la terre de ses pères, il se lança dans de nombreuses expériences
agronomiques, dont les riches archives de
La Chaux
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peuvent
témoigner, expérience dont il rendit compte dans le
Journal de
l’Agriculture
sous le titre de
Un domaine du Morvan
. Dans le
même temps, il sut tout à la fois, agrandir son pré carré jusqu’à
constituer un ensemble de plusieurs centaines d’hectares, enré-
siner opportunément, comme son voisin de
La Roche-en-Bré-
nil
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, les taillis de chênes et de châtaigniers rabougris des alen-
tours, creuser plusieurs étangs, bâtir le château qui nous abrite
aujourd’hui, fonder la chapelle devenue sépulture familiale,
planter le beau parc romantique de vingt-huit hectares parvenu
jusqu’à nous, terminer la rédaction de l’œuvre de sa vie
Le Glos-
saire du Morvan
, se faire réélire conseiller général pendant un
quart de siècle et se constituer une immense bibliothèque.
Outil de travail d’un intellectuel, plutôt que collection d’un
bibliophile, cet ensemble de plusieurs milliers de volumes, so-
brement mais soigneusement reliés, est le reflet des préoccu-
pations éclectiques du maître des lieux. L’essentiel des reliures,
belles, provinciales et classiques, date de la Monarchie de Juillet.
Comme dans toute bibliothèque de l’époque, on y trouve beau-
coup de religion certes, avec ici une prédilection pour Fénelon,
mais aussi de l’Histoire des idées, avec l’indéniable préoccu-
pation sociale d’Eugène-Andoche, de l’Histoire tout court, de
l’économie, de l’agronomie (
La Chaux
oblige), de la linguistique
(
Glossaire
oblige), de la littérature du XVIIIe siècle, ainsi que les
inévitables dictionnaires en tous genres. On retrouve aussi des
productions amies comme celles de Sainte-Beuve ou de Monta-
lembert, un bel ensemble sur les prisons, de la numismatique,
des ouvrages sur le tabac, vraisemblablement hérités du père du
colonel (cf. ci-dessous) et auquel ce dernier avait dû sa fortune,
quelques livres de droit, mais peu, alors qu’il y eut quand même
deux générations de Chambure avocats au Parlement. C’est sans
doute qu’étant désormais inutiles, on les avait abandonnés dans
la vieille maison familiale de Saulieu lors de l’installation dans le
nouveau château, à l’exception toutefois d’un manuscrit XVIII
e
sur le Parlement de Bourgogne.
Voici donc le point de départ de la bibliothèque de
La Chaux
,
fruit des achats du premier bibliophile du lieu, deuxième biblio-
phile de la famille.
Le château de La Chaux




