13
toujours, comme au premier jour, lorsque je pénètre dans une
bibliothèque inconnue, toute chatoyante de reliures, humant
l’odeur des cuirs, attentif au parquet crissant sous mes pas, ca-
ressant les chagrins, prenant les volumes tour à tour, découvrant
papiers cuves et ex-libris, jouissances inatteignables dans la salle
de lecture aux normes d’une bibliothèque publique et à l’heure
d’Internet.
Tout au long de sa vie, Talleyrand n’a cessé de vendre ses bi-
bliothèques successives, et pourtant Dieu sait s’il les aimait.
Les collections de livres, seules avec les collections d’arbres
qui ne soient pas contre nature, sont faites pour laisser vieillir
ensemble les éléments qui les composent, soit. Mais, comme
les forêts qui ne montent pas jusqu’au ciel, les bibliothèques
privées ne sont pas éternelles, et c’est mieux ainsi, puisqu’une
dispersion programmée et réfléchie sait faire plaisir à d’autres
générations de bibliophiles.
Aujourd’hui pèse sur les seules épaules de mon cousin germain
7
la lourde charge de la propriété, à l’heure où la vocation de
La
Chaux
n’est plus uniquement agricole, mais également touris-
tique et culturelle. Pour survivre, la vieille maison de famille doit
se tourner vers l’écotourisme vert et l’organisation d’une série de
colloques scientifiques et concerts en hommage à notre grand-
mère, la fondatrice de la Société de Musique d’Autrefois. Grâce
aux admirables plantations poursuivies par sa mère dans le parc
d’Eugène-Andoche et aux aménagements de la myriade de mai-
sons attenantes qui constituent son lot quotidien, il a choisi de
se défaire des livres. Les arbres prennent aujourd’hui leur place,
une page se tourne, et « c’est pour que rien ne change», comme
aurait dit Lampedusa.
François-Louis a’Weng,
de l’Académie Internationale de Généalogie
Le logis des Moines au Domaine de La Chaux
1
Sous l’Ancien Régime, le pelleƟer est celui qui travaille les peaux.
2
Prénom donné en souvenir de l’église
Saint-Andoche
de Saulieu dont les PelleƟer étaient marguilliers héréditaires depuis toujours.
3
Avec les archives Champeaux de
La WeƟte Verriğre
, les archives Chambure de
La Chaux
consƟtuent les plus importantes sources de la remarquable thèse de Marcel Vigreux,
WaLJsans et notaďles du Dorvan au yIye siğcle
(Château-
Chinon, 1987).
4
Montalembert,
op. cit
.
5
Abbé CHARRAULT,
La Chaux et le ĮeĨ de Chamďure
. Autun, 1923.
6
décorateur de renom.
7
qui, comme votre serviteur, n’eut pas la chance de connaître son père, fauché prématurément.
livres0415_exe.indd 13
09/04/15 13:48




