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Armoiries de la famille Pelletier de Chambure
Nous dispersons aujourd’hui une véritable bibliothèque de fa-
mille comme on n’en trouve plus, jamais partagée, jamais visi-
tée, jamais photographiée, jamais déplacée depuis deux siècles.
Transmise de père en fils, complétée à chaque génération, plus
qu’une collection bibliophilique apocryphe, c’est un outil d’in-
tellectuel qui est proposé aux amateurs. Phénomène rare, cet
ensemble s’est contenté, jusqu’à présent, de faire le voyage du
libraire au relieur et du relieur à la propriété pour ne plus la
quitter.
Dans leur jus, ces sobres et élégantes reliures, n’ont pas subi
une égratignure. Reflet des goûts et des préoccupations d’un
« honnête homme » de la Monarchie de Juillet, elles nous res-
tituent le parfum irremplaçable des grandes bibliothèques
d’alors : universalité des sujets, grandes séries, belles dorures,
variété des peaux et originalité des papiers cuves. On pense aux
bibliothèques du
Val-Richer
de Guizot, du
Sassy
du chancelier
Pasquier, du
Broglie
de Madame de Staël ou de la
place Saint-
Georges,
chez Adolphe Thiers
.
La Terre de
La Chaux
͕ ďĞƌĐĞĂƵ ĚĞ ƚƌŽŝƐ ŐĠŶĠƌĂƟŽŶƐ
d’érudits
Même si certains
écarts
étaient déjà dans la famille depuis le
XVI
e
siècle au moins, la Terre de
La Chaux
fut constituée en
tant que telle par Mathurin Pelletier (1623-1692), seigneur de
Chambure
(actuelle commune d’Alligny-en-Morvan) et de
Guijon
(actuelle commune de Saint-Léger-de-Fourches).
L A B I BL I OTHÈQUE
DU CHÂT EAU DE L A CHAUX
Et c’est ainsi qu’après avoir donné trois générations de notaires,
les Pelletier étaient revenus au métier dont ils tiraient leur patro-
nyme
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, pratiqué cette fois-ci à grande échelle, industriellement.
Bourgeois de Saulieu, ledit Mathurin, enrichi par les tanneries de
la petite bourgade, avait pu, à force de patience et d’acquisitions
répétées, se constituer un joli fief morvandiau en plein règne de
Louis XIV.
Transmis ensuite par les femmes, il revint, quatre générations
plus tard, dans l’escarcelle des descendants de son fondateur,
grâce à un habile arrangement familial.
Eugène-Andoche de Chambure (1813-1897)
Le bénéficiaire, Eugène-Andoche
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de Chambure (1813-1897) fut
le modèle du gentilhomme campagnard cultivé du XIX
e
siècle.
Il avait, pendant sa jeunesse parisienne, côtoyé Ozanam, Bal-
lanche, Vigny et Victor Considérant. Son admiration simultanée
pour Joseph de Maistre, son inscription dans le sillage de La-
martine et de Lacordaire nous laisse entrevoir une personnalité,
certes solidement ancrée dans l’Eglise, mais non dépourvue de
fibre sociale. Il s’était lié d’amitié tant avec Montalembert, l’écri-
vain catholique, avec lequel il partageait l’amour de l’Eglise et
des lettres, qu’avec le peintre Millet, son locataire parisien.
Encadrés par une abondante chevelure, ses traits émaciés
Portrait d’Eugène-Andoche




