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[Manuscrit] JUCHEREAU de SAINT-DENIS. Antoine, Baron
de (1778-1850).
Empire Ottoman. Considérations militaires
et politiques sur l’état actuel de l’empire Ottoman et sur la
nouvelle campagne entre les Russes et les turcs. Mai 1829
.
Manuscrit in-folio, pièce signée: « Bon de Juchereau de St Denys»,
Paris, 25 mai 1829. 34 pp.1/2 à l’encre brune. Mémoire historique
et géographique dans lequel cet «ex agent de France prés le gouver-
nement de la Grèce » donne son point de vue pour amener l’empire
ottoman à faire partie de la « civilisation européenne».
«
Mes anciens rapports avec le gouvernement ottoman et les relations que
j’ai réussi à établir pendant mon séjour récent en Grèce entre moi et le
Pacha, gouverneur des châteaux des Dardanelles, qui était un de mes
élèves de l’école du génie militaire à Constantinople, m’ont procuré des
renseignements utiles et m’ont mis à même de pouvoir apprécier la position
actuelle du Grand Seigneur, les dispositions des Osmanlis et les ressources
de la Turquie, sous le rapport de sa défense dans sa lutte terrible contre
ses ennemis invétérés
[…]
J’ai fait connaitre dans mon ouvrage sur les
révolutions de Constantinople entre 1807 et 1808, les causes réelles de la
décadence de l’empire Ottoman et les ressources, qu’il possède encore, pour
sortir de l’état critique où il se trouve et pour conserver son indépendance
[…]
On croit que dans la campagne qui s’ouvre en ce moment, l’intention
du gouvernement Russe est de mettre en mouvement contre la Turquie une
armée de 250,000 hommes. Les Turcs, de leur coté, ont augmenté leurs
moyens défensifs. La nation animée par l’exemple d’un prince belliqueux
et électrisée par les événements glorieux de la dernière campagne, dirige
des masses nombreuses vers les lieux menacés. Convaincu qu’une guerre
de retranchements est la seule qui lui convienne pour résister aux troupes
instruites et disciplinées qui marchent contre lui, le gouvernement Turc a
fait faire pendant cet hiver des travaux immenses dans toutes les places qui
peuvent être attaquées, dans toutes celles qui se trouvent sur les principales
communications, ainsi que dans les passages les passages les plus impor-
tants et dans plusieurs défilés des grands et des petits Balkans
[…]
Les
grandes difficultés que les Russes ont à vaincre dans leur lutte actuelle avec
l’empire ottoman, la nécessité où se trouve la Porte, de désirer la paix afin
d’achever son organisation militaire et de consolider le pouvoir suprême du
Sultan Mahmoud sur qui reposent entièrement en ce moment l’existence de
la Turquie et sa régénération politique, enfin l’attitude passive des Turcs, à
l’égard des grecs, donnent lieu d’espérer que sous la médiation de la France
et de l’Angleterre la paix entre la Cour de Petersbourg et celle de Constan-
tinople pourra être rétablie avant la fin de cette campagne
[…]
Admis
dans la civilisation européenne et devenu tranquille, puissant et prospère
l’empire ottoman sera une des parties les plus importantes de notre conti-
nent et par son contrepoids, dans l’équilibre général servira à conserver le
repos de l’Europe
[…]
Bibliographie : De Juchereau de St Denys :
Révolution de Constanti-
nople en 1807-1808, précédée d’observations générales sur l’Etat de l’Em-
pire Ottoman
. Paris, librairie de Brissot-Thivars 1819.
1500 - 1800
€
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[PHILHELLENISME] Théophile FEBURIER. Mémoire sur
l’indépendance de la Grèce, c.1829.
Manuscrit autographe, signé
«
Théophile Féburier
», in-folio de 12 pages et demie et un feuillet blanc
écrit à l’encre noire sur papier vergé filigrané.
«
Au mois de janvier 1829, le Péloponnèse, libre de la présence des arabes,
commençait à se laver de leur souillure, et les stigmates de leurs fers s’ef-
façaient peu à peu. Les habitans décimés rentraient au sein des ruines de
leurs villes, et leurs mains relevaient ce que la fureur brutale d’Ibrahim
avait renversé. L’espérance consolait le cœur des pauvres; le désespoir trou-
blait l’âme de la plupart des chefs. Les premiers entouraient le président
de bénédictions les autres l’environnaient de haines et d’intrigues
[…]
La
famille des Pétrobey-Mavromichale est à la tête de la faction opposée au
président
[…]
Dépossédée par le président du pouvoir souverain dont elle
jouissait dans le Maïna depuis deux si
è
cles, elle a juré de se le ressaisir
[…]
Le comte Capo d’Istria à son arrivée en Grèce comprend de suite
sa position et la nature des dispositions de tous les chefs qui l’entourent; il
désarme le peuple et ses chefs avec lui, car il se fait remettre les places fortes
qu’ils s’étaient partagées et bientôt il détruit les ambitions vaniteuses dont
ils s’étaient nourris
[…]
Quelle révolution !
[…]
Au moment où je trace ces
lignes, le sort du gouvernement grec se décide. Il lutte contre les intrigues
nationales et étrangères
; un
chef connu travaille depuis trois mois à se faire
livrer par l’assemblée un pouvoir que lui a refusé le président au mois de
janvier dernier
[…]
S’il arrivait que le président se retirât il ne le fera, j’en
suis certain, que lorsqu’il sera hors d’état de régir la Grèce, dont les meneurs
parviendront à priver le gouvernement de toute indépendance, lorsqu’ils
le verront privé de toute ressource, de tous secours pécuniers étrangers, et
lorsque lui même sera convaincu qu’il faut renoncer à l’espérance d’un sub-
side assuré, en d’autres termes que l’on ne veut pas franchement l’existence
d’une Grèce
[…]
A mon sens, l’intérêt bien manifeste de la France, je le ré-
pète parce que je le crois profondément, est le maintien au pouvoir du comte
Capo d’Istria. Notre intérêt est de le soutenir en même temps que nous
devons travailler à la formation d’une Grèce. C’est le seul moyen d’être un
jour payés de nos sacrifices, de dédommager notre commerce de ses pertes,
et de lui préparer des chances de profit dans un avenir prochain. Il faut le
dire aussi ; jusqu’à ce jour on a dépensé de grosses sommes et l’on a fait peu
de choses. La délivrance de la Morée n’est qu’une œuvre sans résultats si
la Grèce antique ne sort pas de ses ruines
. […]
La présence de nos troupes
a suffi pour nettoyer la Morée de ses oppresseurs ; mais en proclamant la
Grèce délivrée, on se trompe. On n’a pas délivré la Grèce ; le mot de Grèce
est ici fort improprement appliqué à un coin de terre. Supposons que ses
limites s’arrêtent à l’isthme, que le sultan s’obstine à ne pas vouloir faire
une concession plus grande, et qu’on lui cède enfin. Il ne suffira pas d’avoir
pris une détermination décidé que les limites au nouvel
état
s’arrêteront à
telle montagne, il faut encore que cette population qui, seule, sans secours,
a trouvé le moyen de faire pendant huit ans ce que nulle autre n’a fait à
aucune époque, y souscrive
[…]
De tout ce que j’ai exposé plus haut je
crois pouvoir conclure que si la politique européenne permet qu’un état
grec se constitue sur des bases suffisamment larges et fortes, l’Europe jouira
bientôt d’un spectacle qui ne se renouvelle qu’à des âges éloignés. On verra




