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LIVRES & MANUSCRITS

22.

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961). L.A.S. « LFC » à Théophile Briant. Paris, [23 avril 1942]. 2 pp. in-4

sur papier orange. Enveloppe timbrée jointe.

Amère et haineuse lettre

. Il est heureux d’avoir eu de ses nouvelles, mais il lui reproche d’oublier ses amis : « La prochaine fois ce sera le

tramway tout entier (et non pas le rail) qui te ramènera. Raison. Ton opéra tu l’as dans le dos. Tu comprends bien que Samuel [le directeur

de Flammarion] a fait le nécessaire.

Lui ne t’a pas pris pour un juif. Sois tranquille

. Touché par ton article mais écœuré́ du voisinage

Le

Sidanaer qui est un affreux sale vomi prétentieux con qui donnait dans la critique sous Blum et s’arrangeait pour chier mes livres à

tous détours

. Lui-même nul comme 36 vaches, moins le lait. Je vais lire le Songe. Je te dirai.

Crever pour crever tu es mieux là-bas qu’ici.

Tu as la mer et la mer c’est tout

 ».

1 000 / 1 500 €

23.

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961). L.A.S. « LFCéline » au journaliste lyonnais Charles Deshayes.

Copenhague, 20 juillet [1947]. 2 pp. in-folio. Enveloppe timbrée jointe.

Lettre désespérée d’exil

. « Vous avez certes mille fois raison mais d’autre part,

j’ai toujours au cul un mandat d’arrêt en bonne et due

forme

(article 75). Voilà qui est morose et absolu. Ma situation ici est donc trop fragile trop précaire pour que je songe à trouver à nous

aider. Je serai vite rappelé l’ordre […]. Et le rappel à l’ordre serait le retour à la Prison ici ou Fresnes. Ensuite on s’expliquerait sur mes

os.

Car enfin je n’ai plus tant de forces : je le sais bien pardi que tout ceci n’est que canaillerie, imposture, monstrueuse cabale !

Tous

ceux qui la montent cette cabale ont la force et la force légale ! Ils me l’ont prouvé jadis !

Ils m’ont réduit à rien, exilé, ruiné, encagé, fait

endurer mille morts crevé au ¾

. La force légale tout est là. Je ne crois à rien d’autre. Je ne croirai jamais qu’à une amnistie en bonne et

due forme – générale. Tout le reste est babillage et dangereux babillage.

Dans la fosse aux pythons ! Et la France n’est pas le pays des

amnisties. C’est un pays au cœur dur

. 10 ans après la Commune ! 20 ans après 1918 ! Et encore because une autre guerre ! On ne se leurre

plus à mon âge.

Il est plus que probable que je crèverai de misère et en exil

. C’est tout. Ma santé fléchit je le sens. Je ne tiens pas bien

l’exil. J’ai trop souffert de la prison. Je n’ai plus aucun moyen de gagner ma vie.

J’ai tout perdu

. Dois-je encore faire l’insurgé ? C’est pire

l’imbécile ? Pardi nous le savons tous qu’il n’y a plus de politique purement française. Il s’agit d’une raison d’état ou de raisons d’alliances

bien sordides avec tel ou tel bloc. Mais qu’ai-je moi pauvre individu à me mêler de ces hautes tractations entre Princes ! Je m’y fais broyer

! La preuve ! Et c’est bien fait pour moi. Je n’avais qu’à m’occuper de mes oignons « mon jardin ». Voilà l’atroce et irréfutable leçon de

l’expérience. La loi pour soi, tout le reste n’est qu’honneur. « Il est des vices et des vertus de circonstances » écrivait Napoléon, « et nos

suprêmes épreuves sont au-dessus des forces humaines ».

J’ai tâté beaucoup ces suprêmes épreuves ! 14-18 ! 39 ! Ici ! Trop ! Beaucoup

trop pour une pauvre vie !

Vive la loi, cher ami, d’où qu’elle sorte ! N’en demandons pas davantage. »

2 000 / 3 000 €

24.

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961). L.A.S. « LFCéline » à ses « chers amis » [Descaves]. Copenhague, 15

mai [1948]. 2 pp. in-folio.

« Le Maître est fêté pour son courage et son incomparable talent. Tout cela est dans l’ordre. On ne retrouvera pas demain une plume

comme la sienne.

Je voudrais pouvoir l’écrire dans la presse française, moi qui n’écris jamais dans les journaux, je me lancerai avec

joie ! Hélas ! Quelle tourmente aussitôt ! Quelle tornade de rage !

Naud mon avocat s’est rendu au parquet pour mon compte,

il n’a

rien trouvé de plus à mon dossier que ce que l’on reproche à Montherlant, à La Varende, à Giono

, à cent autres qui ne s’en portent

pas plus mal.

Je suis vraiment l’objet d’un traitement de choix. D’une haine fignolée

. Et je ne vois guère les choses s’arranger.

Trop

de gens se sont fait des situations dans la répression

. Et Dieu sait si en France on s’accroche aux « situââtions ». Il faudra attendre

au moins 10 ans comme les Communards. La France n’a pas beaucoup de cœur. C’est une race « légère et dure » disait Voltaire. Sauf

exceptions […]. Vous parlez de l’été comme s’il était déjà fini... La rentrée en ville.

On en pleure d’y penser nous qui sommes sortis du

monde habitable, dont chaque heure est une angoisse, qui ne devons voir personne, parler à personne, n’être reconnu de personne.

Les saisons pour nous n’ont plus de sens. C’est la haine notre saison 

».

1 200 / 1 500 €

25.

Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961). L.A.S. « Ferd » à Théophile Briant. Copenhague, 11 février [1950]. 2

pp. in-folio. Enveloppe timbrée jointe.

« Fichtre vieux, à l’essentiel ! Il faut que ce providentiel Lambert joigne tout de suite Albert Naud [son avocat] […].

Qu’on étouffe pas cette

déposition capitale

(comme on en a bien envie !) qui peut me sauver la glotte ! Oh, il y en aurait bien d’autres des dépositions favorables !

mais où joindre les témoins !

C’est un procès de sorcellerie ! Cauchons ! Cauchons partout ! J’irais si j’étais pas si malade

. J’ai essayé de

me lever il y a 3 jours... on m’a ramené d’un fossé...

Mais l’honneur d’abord ! France d’abord ! Vive la mort aussi ! Si douce ! Ces gens qui

vous veulent tant de bien ! à mort !

qu’ils hurlent, quels cons ! Je t’écrirai après la corrida ! »

1 200 / 1 500 €

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