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HISTOIRE
précisés non seulement le sujet et la date, mais souvent aussi l’heure, la
luminosité (soleil, ombre, pluie), le temps de pose et des informations
techniques : « pellicule détériorée par le thioxydant Lumière », etc. Les
dernières photographies du 6
e
album sont postérieures à la guerre :
pèlerinages à divers sites, décoration de l’abbé Roux de la médaille
militaire (1921) et de la Légion d’honneur (1960).
En guise d’avis au lecteur, Loys Roux écrit : « J’ai durant la guerre
noté à peu près tous les jours les évènements et mes impressions.
Mais je ne rapporterai ici que l’intéressant et l’utile. » Et d’ajouter,
à l’encre rouge : « J’ai relu ce journal et j’ai pensé qu’il valait mieux
gratter certains passages et certains noms, pour ne pas nuire à des
réputations. » Pourtant il dénonce nommément, et à de nombreuses
reprises, le major militaire incompétent de son bataillon, et il renonce
à supprimer des passages violents de son journal à l’époque des
mutineries : « Pourquoi cacher la vérité aux lecteurs ? »… Également à
l’encre rouge, il a noté des anniversaires de faits de guerre de l’histoire
de France (batailles, investissement de villes, traités de paix, depuis
la guerre de Cent Ans jusqu’à celle qu’il a vécue), des commentaires
éditoriaux (notamment sur les « fotos »), et des références à
L’Imitation
de Jésus-Christ
. Malgré son avertissement de discrétion,
Mon
journal de guerre
demeure un vibrant témoignage de l’expérience
de cet aumônier-infirmier, et de celle des poilus qu’il suivit. Auprès
d’eux, Loys fit la campagne d’Alsace d’août 1914, celle de Lorraine
de septembre, la guerre de positions dans le secteur de Saint-Dié,
d’octobre 1914 à décembre 1915 ; il fut en Alsace et à la bataille de
la Somme, et prit part aux campagnes de 1917 et 1918. Poursuivant
289 photos, et environ 160 documents), 1917 ([7]-473 p., 352 photos,
et environ 130 documents), 1918 ([7]-600 p., 289 photos, et environ
140 documents). Roux y a joint un
Historique du 23
e
R.I.
manuscrit
relié au début et à la fin des volumes, en complément des années
concernées.
Les
photographies
de
Mon journal
sont le plus souvent de petit
format (en moyenne 6 x 11 cm). Celles des albums sont de grandes
épreuves (environ 17 x 23 cm). Dès le 8 novembre 1914, Joseph
écrivait à leurs parents : « Ns sommes très bien placés ici pour
tirer de superbes photos de la guerre. Donc envoyez-ns mon petit
appareil 9 x 12 pas celui de Loys q. je ne connais pas assez bien. Le
mien. […] N’oubliez pas de regarder si la poire est dedans. Envoyez
l’appareil avec les châssis mais sans plaques. Ns ns débrouillerons
pour le reste. Cepdt. joignez-y 1 ou 2 pochettes de papier au gélatine
bromure 8 x 12 de 24 feuilles chacune, du Lumière »… Joseph reçoit
le paquet le 24 novembre : ses premières photos émaillant le
Journal
montrent les corvées, leur ocier gestionnaire, un abbé, des tombes
dans un jardin et un trou d’obus, des maisons bombardées et une
fabrique incendiée par les Allemands… Le reportage photographique
qu’il commença alors, et qui fut poursuivi par son frère et d’autres, à
toute heure et par tous les temps, montre la guerre telle qu’un poilu
pouvait la connaître : tranchées, boyaux, barbelés, fusées éclairantes ;
brancardiers, prisonniers de guerre, soldats en masque à gaz et civils
en fuite ; villages, champs et forêts dévastés ; corvées et instants de
repos ; blessés et morts ; enterrements sommaires ou cérémonieux ;
régiments coloniaux ou alliés ; moments de camaraderie… Sont




