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les collections aristophil
1915
. « Les gens sont inquiets. Vraie panique, beaucoup disent que
les Allemands approchent. On a tellement peur de les voir revenir
qu’à tout instant on s’aÀole et chaque fois que nos pièces tirent plus
que de coutume on croit à une attaque victorieuse. […] La nuit et la
neige amplifient le son. Ce sont d’énormes et fréquents coups de
gueule. Jamais encore nous n’avions entendu pareille canonnade »…
Plus tard, il attribuera cette attaque funeste pour les 23
e
et 133
e
R.I.
au désir du général BULOT, dont on avait célébré dernièrement la
promotion, de se distinguer. « Un peu de vérité sur l’attaque du 27.
Sous les ordres du L
t
colonel Dayet du 133 le 2
e
bataillon du 23 devait
attaquer. Le colonel Dayet fit tous ses eÀorts pour que l’attaque n’ait
pas lieu, la jugeant vouée à un échec. Le général Bulot maintint ses
ordres. L’attaque partit, le colonel Dayet la suivit, sa cravache à la
main, cherchant manifestement la mort qu’il trouva. Le résultat fut
aÀreux : 230 hommes perdus dont 130 tués. Pas d’autre résultat que
ces morts et une solide haine des soldats pour le général Bulot »…
22
décembre
. « Pas de nouvelle de Joseph. Nul ne l’a vu, ça me paraît
bizarre »… Les circonstances des jours précédant la mort de Joseph,
et des dicultés pour obtenir de ses nouvelles sont racontées dans
le détail.
24 décembre
. Lettre de Loys annonçant à ses parents la
mort de Joseph : « L’attaque eut lieu et réussit très bien. J’appris que
Joseph était parti avec la deuxième vague d’assaut afin de soigner les
blessés restés sur le terrain […]. Il n’a pas souÀert car il a été tué net.
Bien heureux ceux qui meurent pour la justice, car ils verront Dieu »…
1916.
[Secteur de Quiry-le-Sec (Somme)] 1
er
juillet
. « Très chaud soleil.
Violente canonade. Le soir revue de la division par JOFFRE assez
loin de Quiry. J’aurais voulu y aller. Le major me fit rester avec des
brancardiers pour nettoyer le pays. Succès de l’oÀensive. À peu près
toute la 1
re
ligne est enlevée. Succès anglais »…
11 juillet
. « Couvert
les Allemands qui battent en retraite, le régiment de Roux se trouva
à Maerke-Kerckem, en Flandre-Orientale (Belgique), au moment de
l’armistice.
Nous ne pouvons donner ici qu’un rapide aperçu de ce document
exceptionnel, où le récit des marches et des combats alterne avec
des notes sur les tranchées, les postes de secours, les pertes (dont
des états nominatifs, en 1918), les chefs sur le terrain et l’état-major
lointain, la propagande, ainsi que des impressions personnelles,
rumeurs, preuves d’incompétence et d’injustice militaires et de
préventions contre le clergé, et des remarques sur l’état d’esprit des
soldats, les dégâts matériels, la détresse humaine, la lassitude teinte
d’amertume avec lesquelles on a accueilli la fin…
1914-1915.
[Saint-Jean d’Ardières (Rhône)]
1
er
août 1914
. En vacances
avec Joseph chez leurs parents, Loys apprend la mobilisation : « Me
voilà content. Il y a dix ans que j’attends la guerre. Je me suis fait une
âme héroïque dès mon jeune âge par mes lectures et mes rêveries
et je partirai sans pleurs. […] J’ai à venger : mon bisaïeul Louis Garde,
capitaine de la Grande Armée et mon grand-père Philibert Monnet
grenadier au 17
e
de ligne sous Louis-Philippe et qui non combattant
en 1870 a tant versé de larmes sur nos revers. […] Je note sur mon
carnet les principaux anniversaires d’anciennes guerres »…
Saint-Dié
(Vosges) 14 novembre
. Joseph écrit à leurs parents : « Loys et moi
venons d’être proposés pour l’avancement. Loys pour le grade de
sergent et moi pour celui de caporal. Mais… ns av. refusé pcq’il aurait
fallu ns séparer et quitter notre ambulance »… Loys ajoute : « J’ai
refusé mais avec un certain regret. Il aurait été bon d’être sergent et
surtout d’aller au service “de l’avant”. Ça me pèse tant d’être bêtement
caporal d’ordinaire »… Et de confier à son journal, le 16, sa honte d’être
resté « un piteux caporal infirmier »…
[Secteur de Saint-Dié] 27 janvier




