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les collections aristophil

de l’émeute et analyste perspicace de ses causes : lassitude physique

et morale, échec de l’oÀensive d’avril, le droit au repos lésé, un

général de brigade prompt à oÀrir ses troupes pour des attaques,

des nouvelles de grèves, manifestations, et de démarches socialistes

en faveur de la paix à l’arrière, les prétendues mutineries d’autres

corps… Roux livre sa propre analyse rétrospective…

1918.

3 janvier

. Lettre à ses parents : « 1917 s’est mal terminé pour nous

et 18 commence mal. Le gouvernement qui prit la peine d’envoyer

une circulaire recommandant de laisser pleine liberté aux Musulmans

de célébrer la naissance du prophète (26 Déc.) n’a pas jugé bon d’en

faire autant pour nous et des éléments de notre division furent mis

sur les grandes routes pour Noël »… Il décrit un voyage en chemin

de fer sans paille ; à l’arrivée ils font une marche sous la neige, la

nuit, alors qu’un autre lieu de débarquement les aurait rapprochés du

cantonnement… Le poste de secours est une salle sans paillasses...

[Einville (Meurthe-et-Moselle)] 28 février

. « Les communiqués, les

journaux surtout auront détruit en nous durant cette guerre la croyance

en la sincérité. […] Cette guerre aura mis en nous un scepticisme

absolu sur la bonté de la nature humaine, sur le désintéressement,

la prévoyance, l’esprit d’ordre et de méthode de la plupart des

français. Dans cette guerre la France est la nation poire, les poilus

les poires du front. Pendant et après la guerre les catholiques sont

et seront les poires et parmi les catholiques les curés seront les plus

poires […] Notre régime républico-maçonnique n’a produit que des

médiocrités »…

28 mai

: « Nous partons à Westontre. Ça bille. Au

retour coucher puis alertés blessés. On bondit. Billage en règle. Enfin

on se décide à emporter le blessé mais un obus arrive au chemin

creux je suis touché. Attaque boche. […] il faut lever les yeux au ciel

car ici-bas il n’y a plus d’espérance. Le fantassin est un damné voué

à l’enfer par l’orgueil, l’égoïsme, la méchanceté et la science de ses

semblables »…

« Sancta Maria Hoorebeke » 11 novembre

. Photos de

soldats s’embrassant ; Loys met en légende : « Seule démonstration

de joie, forcée, d’ailleurs »…

Bibliographie

: Jean-Pierre Guéno, Gérard Lhéritier,

Entre les lignes

et les tranchées

(Gallimard/Musée des lettres et manuscrits, 2014,

p. 20

sqq

.).

du cauchemar. […] c’est la joie partout et ceux qui ne descendent pas

manifester sont de cœur avec les manifestants. Les commentaires

vont leur train et l’unanimité est parfaite »… Le général Bulot vient

parlementer avec un groupe de 600 ou 700 devant la mairie : « lui le

sot a cru d’un mot, d’un geste apaiser l’émeute, retourner cette foule

hurlante et la conduire à sa suite à la bataille, ardente et chantant

la Marseillaise. Désillusion cruelle ! Haï car il l’est et le mérite il est

entouré et ne peut réussir à parler. […] Sur l’odieux Bulot profitant

des instants où la foule ne le presse pas trop des morceaux de bois

sont incessamment jetés, le général est poussé, bousculé, injurié. […]

Je jouissais pleinement de l’humiliation de Bulot d’abord, de la vue

d’une émeute, d’une foule tour à tour sage et déchaînée, attentive

et fractionnée en petits conciliabules, acceptante et irréductible,

applaudissant un chef et hurlant la mort à cet autre à grands coups

de gueule avec de cinglantes injures et des poings tendus »… Bulot

essaie en vain de calmer les émeutiers : « Cris, injures reprennent. Les

bras se tendent renforçant l’ašrmation : on ne remontera pas ! Je suis

dans la stupeur. Quel être que ce Bulot ! Comment lui qui fut toujours

de la dernière grossièreté envers ses soldats, lui qui engueulait du

matin au soir, lui qui fit aller les hommes à l’exercice du matin au soir

malgré la chaleur et sans exception, faisant lui-même la chasse dans

les cabanes, lui qui fit manœuvrer sa brigade le jour de Pentecôte

a l’impudeur d’ašrmer qu’il a toujours eu soin du bien-être de ses

hommes ! Quelle idée a-t-il de nous ? Il nous prend pour des êtres

inférieurs, sans intelligence, bons à mener à coup de bottes. […] Les

morceaux de bois pleuvent, les injures retentissent. Bulot impuissant,

ouvre dans son visage presque noir une bouche convulsée. En vain !

Dans le tumulte nul n’entend. […] Moi je m’abreuve de l’humiliation de

cet être qui nous fit tant de mal. Un soldat porte un mouchoir rouge au

bout d’une trique il promène la loque révolutionnaire devant les yeux

de Bulot et lui en eßeure le visage. Le fanion de la division arraché a

été remplacé par une chaussette »… Roux a collé dans le journal des

feuillets de notes prises sur le vif… Suit le récit de l’arrivée du général

de division MIGNOT, et du dénouement progressif du rassemblement,

aux cris de « à Paris ! », et au chant de l’

Internationale

… Roux insère

aussi d’importantes « notes et réflexions » de l’abbé Bouvier, témoin