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les collections aristophil
LES ANNÉES 1920 - 1930
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LÉGER FERNAND
(1881-1955)
Manuscrit autographe signé
adressé
à Léonce ROSENBERG.
Vernon, septembre 1919, 12 pages
à l’encre sur papier dont 8 grand
in-folio étroit et 4 in-8. (Taches, trous,
petites déchirures marginales avec
manques et restauration à l’adhésif
sans gêne pour la lecture, quelques
annotations à la mine de plomb).
8 000 / 10 000 €
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LOUŸS PIERRE
(1870-1925)
Journal quotidien, manuscrit
autographe signé.
Janvier 1882, à l’encre sur cahier
d’écolier in-12 ligné, couverture
moirée.
600 / 800 €
Journal autographe quotidien de Pierre Louÿs
alors écolier de 11 ans en vacances dans la
maison familiale de Dizy (Marne).
« […] Il fait ce matin un temps abominable qui
m’empêche d’aller suivre le cours de chimie
de Mr. Robinet. J’emploie ma matinée à
arranger mon aquarium dans lequel j’ai mis
hier quelques animaux aquatiques qui y vivent
en assez bonne intelligence […] ».
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LOUŸS PIERRE
(1870-1925)
Daphnis et Chloé
,
manuscrit autographe.
S.l.n.d. [vers 1894-1895], 27 pages
à l’encre in-8 oblong montées sur
onglets. Demi-maroquin bleu canard,
dos à 4 nerfs titré or, tête dorée, étui
(Semet & Plumelle).
1 500 / 2 000 €
Note autographe inédite à l’encre de Pierre
Louÿs, « l’Imbécilité du sujet », sur le conte
pastoral Daphnis et Chloé de Longus, auteur
grec du IIIe siècle.
« […] Daphnis, chevrier de quinze ans a un
troupeau de cinquante chèvres qu’il fait saillir
et qu’il double à chaque portée. Il couche
toutes les nuits avec Chloé bergère de treize
ans, qui voit ses béliers. Ils veulent s’unir et
ne savent pas il faut que Lykaïnien révèle à
Daphnis le secret de l’amour. Se peut-il qu’un
tel sujet le plus bête in the world ait mis au
monde Daphnis et Chloé ? […] ».
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LOUŸS PIERRE
(1870-1925)
,
RÉGNIER HENRI DE
(1864-1936)
,
HÉROLD ANDRÉ-FERDINAND
(1865-1940)
Neuvaine de sonnets
,
manuscrit autographe signé.
Bruxelles, dimanche 18 février 1894,
16 feuillets à l’encre.
1 500 / 2 000 €
Manuscrit autographe de 16 sonnets au
verso de 16 feuillets simples signés par Pierre
Louÿs, Henri de Régnier et André-Ferdinand
Hérold.
Note autographe de Pierre Louÿs : « Je
composais pour la première fois en
ineptie poétique et à 23 ans et 2 mois,
j’étais handicapé par le vétéran qui en
avait 30 et même par le second (29) ».
Manuscrit de sonnets fantaisistes à trois
mains dont certains sont très libres.
Elle ne commence d’ailleurs pas, elle existe
depuis que le monde est monde […] ».
L’on joint
une transcription dactylographiée
ancienne.
bibliographie
DEROUET,
Une correspondance d’affaires.
Correspondances Fernand Léger-Léonce
Rosenberg 1917-1937
, Cahiers du Musée
national d’art moderne, Paris, 1996.
Longue lettre autographe signée adressée à
son marchand Léonce Rosenberg, sous forme
d'autobiographie artistique, abondamment
raturée et corrigée. La correspondance
Léger-Rosenberg est au cœur des
problématiques avant-gardistes : à partir de
1917, Léger signe un contrat avec Rosenberg,
un des premiers galeristes à soutenir
l’avant-garde et notamment les cubistes.
Il entretint avec lui une correspondance
essentielle pour comprendre les enjeux
de l’avant-garde artistique sur la période.
Il répond ici à une « profession de foi » de
Rosenberg qui séparait les artistes en deux
courants, l’un méditerranéens et l’autre
nordique, en optant nettement pour les
premiers.
« […] Je pense ceci d’abord : c’est que nous
sommes la génération qui aura vécu et assisté
au développement brusqué de l’humain dans
tous ses sens. On croyait peut-être tenir des
extrêmes avant la guerre. On s’est trompé.
Les chiffres ont été poussés à leur extrême
tension. Tout ce qui fait un homme (joie,
souffrance moral et physique, endurance,
égoïsme), tout cela a été tellement surchauffé
que le petit cercle est devenu grand ; on
l’a élargi violemment, tellement que la
convulsion dure encore, durera longtemps,
car on a perdu en équilibre. Pour ce qui nous
concerne, on a poussé comme les autres.
La pression s’est manifestée plastiquement
par une hypertrophie des tempéraments
et par une course à l’extrême. On s’est
trouvé dans l’espace sans frein. ça a été
beau. Jamais le monde n’avait assisté à un
spectacle pareil. Les « Sud » ont développé
au maximum les contrastes de matières.
Les « Nord » ont exaspéré la forme et la
couleur. Les extrêmes ont rendu et rendent
encore. Quand même, on enregistre un
certain recul dans les poussées, les tensions
diminuent. Une normale tend à s’établir. Le
public effrayé se rapproche doucement et
prend pied ou rentre dans un Humain plus
moyen, plus respirable. Y a-t-il perte en
qualité plastique, en originalité, je ne sais.
L’avenir le dira. L’excès d’originalité nuit à
la valeur en durée. On se sent de cela, et
la course est l’inquiétude d’un équilibre, ce
chiffre si dangereux et difficile se fait jour.
Vous, votre parti est pris, il vous est dicté,
dites-vous, par votre climat, vos hérédités.
Vous ne le croyez pas en diminution, vous
voyez le « Sud » menant toujours la danse. Le
Sud-Chef. Moi, je ne suis pas de votre avis.
Sans le « Nord », cette guerre enregistrait une
énorme diminution de la valeur latine. Nous
étions absorbés, je le pense, et en position
très critique pour se remettre debout. C’est
quelque chose, cela. Le poids du Nord, que
je reconnais, a été surtout matériel, a sauvé
la situation. Mais le poids matériel est fait
d’infimes choses qui percent et qui vont
éclorent. Ces gens-là ont le globule rouge
pour eux, l’amour de la vie, du mouvement.
Le Sud a dépassé son apogée, sa courbe
est descendante. Les races méridionales
inférieures sont usées terriblement. Le chaud
tue plus que le froid. L’évolution sociale russe
et ses énormes conséquences, c’est encore
le Nord, cela. Ce sont ces hommes-là qui
habitent avec nos tableaux, qui les aiment.
Ils produiront aussi un jour. Walt Withman
[sic] avec toutes ces bavures est un colosse
qui annonce bien des choses. 10 Remarquez
que je ne tiens nullement à me poser en
prophète, ce sont des faits enregistrés et n’y
voyez que cela. Mais il y a bataille, je crois.
Il ne semble pas, malgré leurs titres ironiques,
que les sonnets mis en musique par Fauré,
d’Indy ou Debussy, ne l’aient jamais été.
Ces sonnets écrits un dimanche de
désœuvrement par trois talents, amis à
l’époque, ne seront publiés qu’un siècle
plus tard en 1983 aux éditions « A l’Écart ».
Pierre Louÿs, le benjamin des trois, les avait
pieusement conservés.
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