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[août 1893]. Je «corrige des épreuves dans une petite chambre claire, dont la fenêtre s’ouvre sur une rue basse qui longe la mer
et s’en va dans les champs de trèfle et de pommes de terre. Et quand je descends dans la rue j’aperçois entre des murs un petit
morceau de la mer, agité comme un mouchoir. Je ne suis pas encore allé sur la plage. Je suis accablé de travail et un peu inquiet
de ma lenteur»…•[Paris 28 septembre 1899], alors que son amie est à Capian pour les vendanges: «J’attends le panier du “petit
blanc”». Il est invité à dîner avec Gaston; il a lu un ouvrage sur Mantegna… «Allez vous au devant de la lune, sur votre petit
chemin, comme une princesse qui fait une visite à une princesse sa voisine?»… •2 octobre [1901]. «J’ai vu ce matin Halévy qui
voudrait entendreMelle Piérat à l’Odéon, qui est très vaste» [en vue des
Noces corinthiennes
]. «Halévy m’a promis de placer le plus
tôt possible
Le Siège d’Orléans
dans la
Revue de Paris
»… Description d’un tableau de Romney qu’elle pourrait vouloir acquérir…
– Subterfuge sous prétexte d’une correction d’épreuves: «P. 213 ligne 14. Écrire. Grande déception de n’avoir pas trouvé de
lettre»… – «Permettez-moi chère madame de vous envoyer ce petit livre un peu ridicule, mais d’un ridicule mélancolique»…
•On joint une P.A.S., 1
er
février 1910 (1p. in-12 oblongue, deuil): «J’interdis formellement, sans limite de temps, la publication
de toutes lettres à moi adressées par madame Albert Arman de Caillavet et de toutes lettres adressées par moi à cette dame»…
12
A
natole
FRANCE. 2 L.A.S., 2 et 1 pages in-8°, à en-têtes. Hôtel Brun Bologna [à Albert
A
rman
de
C
aillavet
].
80/150
•«Nous sommes à Bologne, dans le pays de la mortadelle et des colonnades. Je suis très fatigué, et je regrette la Toscane, où
j’avais trouvé ma patrie. Je ne rêve plus que de mourir à Florence. En attendant nous allons à Venise en passant par Ravenne».
Il lui a fait envoyer plusieurs caisses de bibelots de Sienne et de Florence, d’objets pour M
me
Arman, et de meubles pour
Gaston… •Domaine de Caillavet, Capian, à sa gouvernante Joséphine, la remerciant d’avoir envoyé l’assignation à MM.
Calmann-Lévy: «Ce procès est incomparablement moins grave que celui qu’ils m’ont aidé à régler précédemment»…
13 [
A
natole
FRANCE]. Léontine ARMAN
de
CAILLAVET. 19 L.A., dont 3 signées [
circa
1888-1909],
à Anatole
F
rance
, 48 pages in-8° ou in-12 oblong, la plupart à son chiffre (un deuil).
400/600
Témoignage d’une liaison passionnée. •7 février. Elle applaudit à son courage : «Ajoutant pour vous paraphraser une belle
page à l’histoire de la philosophie […], je tiens à célébrer avec les plus fervents votre noble indépendance d’esprit et cette
magistrale éloquence dont nulle cabale n’arrêtera l’essor »… •27 mai. Elle se réjouit de recevoir une dépêche : «Toutes
les misères ne sont rien auprès de cette horreur de l’absence et de l’incertitude »… • [Juillet-octobre 1888], effusions
amoureuses : «Je ne suis pas raisonnable tu le sais bien toi, et puis je t’aime trop. » • (Mercredi soir)… «Je suis heureuse,
comment ne pas l’être puisque tu m’aimes, et que pour moi tu réserves toute la joie toute la beauté et tout le bonheur du
monde. » •Jeudi matin)… «Souviens-toi, l’intimité est douce avec moi, notre bonheur était enivrant. » •Vendredi matin…
«Mon chéri tu as emporté tout ce qui faisait le prix de la vie pour moi, tu as décoloré tout ce qui n’est pas toi, tu es ma joie
et ma torture, je t’aime de toute la faiblesse que tu as mise en moi, mais mon amour est plein de révoltes et de méfiances. »
•Lundi… Elle se plaint de leur séparation, accuse son amant de la faire souffrir « abominablement. » •Jeudi soir… Jeudi
[Stuttgart 19 septembre 1889]. «Vois si je suis folle mon bien-aimé […]. J’adorerais sentir ma chair mordue par un cilice
que je porterais par amour de toi. Pour toi je souffrirais avec bonheur toutes les épreuves, quant à te sacrifier des plaisirs
est-ce que j’en conçois en dehors de ceux que tu me donnes ? Tu es toute ma vie et toute ma joie »… •Capian 30 juillet
1891. «Je t’aime infiniment il me semble que je ne t’ai pas vu depuis un siècle. Et tu m’apparais avec une douceur infi-
nie. Écris-moi je ne vis qu’en toi »… •Une lettre très exaltée semble correspondre à la révélation de la liaison de France
avec Jeanne
B
rindeau
[1909] : «Tant que j’aurai un souffle, une pulsation, une voix, ce sera pour t’appeler, te désirer, te
disputer. […] L’enfer lui-même ne peut prévaloir contre nous. […] Nous avons rencontré la seule raison d’être de la vie,
un amour qui peut tout noyer, tout abîmer dans la plénitude et dans sa gloire »… •Cependant une lettre de France la
remplit de désespoir et de terreur : «Je te fais horreur n’est-ce pas, tu ne peux plus penser à moi. Ce que je craignais se
réalise, je suis maudite ! »… •On joint une carte postale du Château Caillavet à Capian.
14 [
A
natole
FRANCE]. Léontine ARMAN
de
CAILLAVET. 11 L.A. S. [septembre-décembre
1909] à Noël
C
haravay
, 27 pages de formats divers, 5 en-têtes du Château Caillavet, adresses et
enveloppes.
400/600
Curieuse correspondance confidentielle au libraire et ami intime d’Anatole
F
rance
, sur la liaison que celui-ci entretenait avec
l’actrice Jeanne B
rindeau
. •Capian, 29 septembre: «Je ne sais plus que faire de ce malheureux rêveur incapable de travailler,
irritable et violent et empoisonné je le crains à jamais. Lui qui était la gloire la plus haute et la plus pure de son pays, le voilà qui
en est la risée»… •5octobre: «Notre ami a recommencé à travailler et j’espère que son génie n’aura pas sombré tout à fait dans
cette déplorable aventure». Il ne s’agit pas d’un regain de jeunesse mais d’«une folie sénile provoquée par des pratiques au[x]
quelles l’auteur du
Lys rouge
ne s’était pas abandonné jusqu’ici […] “L’élue de son cœur” possède des talents que l’Académie
ne couronne qu’à huis clos et rétribue sur versements individuels»… Elle eut compris et pardonné «une défaillance discrète»,
mais non «la grossièreté, la brutalité, le cynisme incroyable qui ont présidé à celle-ci»…
F
rance
n’est pas disposé à renouer des
liens que
C
haravay
a aidé à rompre; il est conscient du ridicule et a tout fait pour «fuir l’enchanteresse» qui le poursuivait…
•Bordeaux, 10 octobre. Les propos désobligeants ne sauraient être le fait de
P
ozzi
, un ami dévoué et discret, et elle sait que
B
rousson
«avait essayé le possible pour enrayer la fatale aventure» et qu’il s’était «séparé de
F
rance
en le voyant persister
dans sa folie»… •Capian, mercredi [13 octobre]. Elle réclame des précisions sur la dame qui se dit renseignée par
P
ozzi
et




