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bouche d’un directeur de journal. Vous avez eu du succès à

l’Écho

. Il a fallu vous augmenter. Du moment que vous avez du succès, c’est

très bien ; mais dès que le succès, a exigé une augmentation, alors vous êtes perdu »... Cela lui rappelle sa propre expérience au

Gaulois

...

[Les Damps début octobre

1892

]

. Mirbeau ne sait où trouver le grand voyageur, et il a tardé à écrire à

R

odin

, « notre Michel-Ange »,

pour recommander Huret à Lord Leighton ; mais Rodin était à Sancerre. Il pense « qu’on a dû écourter vos pages sur la Russie. [...]

Votre vieux juif était bien émouvant, pourtant. Enfin on ne fait jamais ce que l’on voudrait »... Il presse Huert de venir à Paris pour la

pièce d’Hervieu, et d’y amener Eugène

T

ardieu

 : « Il est charmant et très artiste, et ce qui vaut mieux, très bon, je crois. Vous avez de la

chance d’avoir trouvé, dans la vie, un tel compagnon. Moi, il me semble, que si j’étais soutenu par un autre Tardieu, je ferais des chefs-

d’œuvre »...

[1

er

décembre]

. Il demande, incrédule, s’il est possible que Huret collabore à

La Révolution

de Camille de

S

ainte

-C

roix

, et

s’il compte sur ce dernier « pour l’œuvre de démolition, projetée sous l’œil paternel de Fernand

X

au

. Ah ! que je vous mépriserais, mon

cher Huret. Rassurez-moi vite. Il m’est terrible de penser que vous avez pu commettre cette prostitutionnelle infamie. [...] vers quels

socialismes marécageux, vers quels paludéens collectivismes promenez-vous votre actuelle hure, ô Huret ? »...

[24 janvier

1893

]

. Mirbeau

regrette de n’avoir rien de déshonorant à lui conter de Sainte-Croix, mais il ne l’aime pas, parce que pour se venger des bontés de

Mirbeau, jadis, « il a écrit, dans je ne sais plus quel journal, que j’étais un dangereux rastaquouère, que je passais ma vie dans les tripots,

et que, sans doute, j’y trichais. Que toute ma vie n’était faite que de mensonges, et que je ne pensais jamais rien de ce que j’écrivais ;

bref, que j’étais un vulgaire farceur »... Mais Sainte-Croix lui est indifférent, car il n’a pas de talent : « les outrages ne m’irritent plus. Il

y en a qui me font rire. Ainsi de Bauër »...

Carrières sous Poissy [9 juillet

1897

]

. Mirbeau invite son « ami paresseux et lubrique » à venir

déjeuner avec Paul

H

ervieu

et Léon

D

audet

...

[15 septembre]

. Autre invitation avec

Z

ola

et Mme Fasquelle : « J’ai dit à M

de

Fasquelle

que vous étiez très amoureux d’elle, et que vous étiez un amant héroïque, capable de renouveler les douze chevauchées d’Hercule. Et

là-dessus, elle s’est mise à rêver »... Recommandations à l’égard de

P

orel

, directeur du Vaudeville, et mari de

R

éjane

 : « Excitez Porel...

Maintenez-le en état d’érection dramatique... Et si, par-dessus le marché, il fallait faire une... minette laborieuse et savante à madame...

Eh bien !... »...

Nice [début avril

1901

]

. Mirbeau secoue Huret : « vous qui pouvez tout faire, des tas de chefs-d’œuvre !.. Quand on a votre œil, et vos

coups de sonde dans l’âme des hommes... c’est un crime ! »... Lui-même a terminé une très grosse pièce,

Les Affaires sont les affaires

,

qu’il a lue à

C

laretie

 : « Il est épaté... Il la trouve admirable, extraordinaire, etc. [...] Je crois du reste qu’elle n’est pas mal... et qu’il y

a là un type d’homme d’affaires bien venu... Claretie me presse de la lire au Comité… […] J’ai contre moi Mounet, Leloir, Féraudy.

Pourtant Claretie ne peut croire que leur irréductibilité ne tombe pas à la lecture »...

[Paris, vers le 26 mai]

. Il a vu l’acteur

H

uguenet

, et

lui a lu la pièce : « Il est ravi. Il la jouera, au Gymnase. Et il croit à un gros succès... Quant aux cabots de la Comédie, je les ai envoyés

“chier !”. Il n’y a pas d’autre expression. Ce pauvre Claretie faisait peine à voir... Au fond, cela a été dirigé plus contre Claretie, que

contre moi. Mais je me suis donné le plaisir de les traiter... comme ils le méritent »...

[Veneux-Nadon début août]

. Envoi de sa préface

à

Tout yeux, tout oreilles

d’Huret, avec remarques critiques sur son chapitre sur le Maroc… « Je ne sais plus quoi écrire au

Journal

. Ils

ont une telle suspicion de ma prose que quand j’écris le mot : “oiseau” ils s’imaginent que c’est une injure à Leygues, à la religion, au

nationalisme. Et je suis forcé de donner des explications, qu’on ne croit jamais »...

Dimanche [1

er

septembre]

. Il se plaint de

F

asquelle

,

dont la grossièreté et la sottise deviennent intolérables. « Il ne fait rien pour mon livre [

Les Vingt et Un Jours d’un neurasthénique

] :

au contraire il fait tout contre lui. Comme il m’a déclaré que c’était un livre idiot et mal fait et qu’il ne devait pas se vendre à plus de

cinq mille, il est maintenant fort humilié qu’il se soit vendu à quinze mille »... Il n’a pas non plus su exploiter l’incident Ollivier, et il

juge que « l’opinion de

T

olstoï

sur la

Femme de chambre

n’a aucune importance ayant appris de Mendès que Tolstoï n’est “qu’un vieux

con” »... Il termine en parlant du séjour chez lui de Pierre

Q

uillard

et Alfred

J

arry

, « l’exquis, le délicieux, l’admirable père Ubu », en

même temps que le colonel

P

icquart

[Mi-septembre]

. L’accident de voiture arrivé à sa femme fait davantage apprécier les vrais amis,

comme Huret et Bourdon, alors que « les Fasquelle ont été odieux d’indifférence et de muflerie »...

[24 septembre]

. Sa femme va mieux.

Les

N

atanson

sont venus au début de l’accident, mais plus maintenant, et les Mirbeau se sentent abandonnés de tout le monde. « Et

quand je pense à ce que ma femme et moi avons été pour

M

isia

quand elle était malade, quand je pense que, l’année dernière, nous nous

sommes détournés d’un voyage en Autriche et en Suisse, pour venir passer quinze jours avec elle, à Rheinfelden, où elle était seule. […]

Je suis triste, bien triste. Et si vous voyiez ce qu’est ma femme ; quel grand courage, quel grand cœur » »...

[Vers le 6 octobre]

. Sa femme

paraît mieux, mais lui est surmené. Il se réjouit de refuser sa pièce [

Les Affaires sont les affaires

] à Franck : « J’ai comme une idée que

ma pièce sera jouée, beaucoup plus tôt qu’on ne croit, au Théâtre Français et par Huguenet »...

8 octobre

. Réponse à l’enquête d’Huret

sur le Comité de lecture du Théâtre Français [l’enquête provoquera la suppression effective du Comité]. Mirbeau souligne l’absurdité

de priver l’administrateur général de la Comédie du droit de représenter les pièces de son choix. « Les comédiens sont faits pour jouer

les pièces, non pour les juger. Ils n’ont pas l’objectivité et le désintéressement littéraires qu’il faut ». Il relate la conduite scandaleuse

de Leloir pendant la lecture de la pièce... Il vante la parfaite loyauté de Claretie, qui ne croyait pas à un refus du Comité ; peut-être les

comédiens voulaient-ils lui rappeler « qu’eux seuls étaient les maîtres, ainsi que le veut cet absurde décret de Moscou, dont il est très

fâcheux qu’il n’ait pas brûlé, avec la ville où il naquit, un jour de malheur »...

[13 octobre]

. Il demande un rectificatif à ses propos sur

le Comité de lecture…

[Fin novembre]

. Claretie prétend qu’Huret lui-même trouve « très dangereux » que la jeune fille de la pièce ait

un amant : « ne dites donc jamais de ces choses-là, à Claretie, qui a peur de tout, qui a peur de son ombre. Le voilà qui est maintenant

terrifié, à l’idée de mon personnage, et qu’il va encore, de ce fait, essayer de reculer la représentation. [...] Ce qu’il faut, c’est le rassurer,

toujours le rassurer et encore le rassurer. On ne le rassurera jamais assez. Et quoi qu’on fasse, on lui laissera toujours dans l’esprit des

craintes chimériques. Pour l’amour de Dieu, tâchez de rattraper cela avec Claretie, et de façon à ce que ce n’ait pas l’air d’un rattrapage »...

[Vernon 24 septembre 1903]

. Il presse Huret de l’accompagner en Allemagne, où l’on représente les

Affaires 

: « venez à Berlin. Peut-être

qu’à nous deux, nous rapporterons, dans notre valise, vous la Lorraine, moi l’Alsace. Et qu’est-ce qui ferait un nez, c’est Coquelin ! »...

Cormeilles-en-Vexin [vers le 18 juillet

1905

]

. Au retour de Normandie, il écrira sur les deux bouquins de son ami [

En Amérique

],

quoiqu’il n’écrive plus rien, et s’achemine rapidement vers le cercueil : « Je suis usé, archi-usé... Mon rôle est fini sur la terre, et j’en ai

un autre qui commence, dessous ! Mais je veux vous prouver mon amitié et que je n’ai jamais cessé de vous aimer de tout mon cœur.