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*108.
Giuseppe VERDI
(1813-1901). L.A.S., Busseto S
t
Agata 5 avril 1864 ; en italien
(encadré avec photographie).
1 500/2 000
Deux mots en hâte pour dire à son correspondant d’aller lui acheter pour 30 francs de l’emprunt
italien. C’est pour son cuisinier qui veut devenir capitaliste. Il enverra demain un mandat de 400
francs. Si ce n’est pas suffisant, qu’on lui fasse crédit pour quelques jours…
*109.
Richard WAGNER
(1813-1883). L.A.S., Paris 11 août 1860, [à Agnes
S
treet
-
K
lindworth
] ; 4 pages in-8 très remplies ; en allemand (encadrée avec un portrait
photographique).
9 000/10 000
T
rès
belle
et
longue
lettre
écrite
la
veille
de
son
retour
en
A
llemagne
après
un
exil
de
onze ans
. [Le roi Johann I de Saxe venait d’accorder à Wagner une amnistie partielle : il pouvait
séjourner dans tous les états d’Allemagne, sauf la Saxe. À Paris, où ses concerts parisiens ont
été un échec financier, l’Opéra a reçu l’ordre de Napoléon III de monter
Tannhäuser
. En mars, il
avait donné deux concerts à Bruxelles, où il avait été reçu par le diplomate Georg Klindworth et
sa fille Agnes
S
treet
-K
lindworth
(1825-1906), pianiste et élève de Franz Liszt.]
« Sie sind wirklich di Güte selbst, theuerste Freundin ! » Elle est la bonté même, et sera toujours
pour Wagner comme une lumière plus belle. Mais elle ne peut se représenter la véritable nature
de sa souffrance. Il n’agit pas par ambition ; et s’il peut faire jouer à Paris son
Tannhäuser
, c’est
parce qu’il attend de la réalisation de cette performance et de ses effets un véritable apaisement
intérieur. Rien au monde, même la plus importante considération pour sa situation matérielle,
ne pourrait le décider à cette réalisation, dès lors qu’il devrait faire la moindre entorse, la moindre concession quelle qu’elle soit. Sur ce
point il ne pourra jamais entrer en conflit avec lui-même…
Depuis qu’il a laissé son amie à Bruxelles, il a été tellement dépassé par les soucis, qu’il n’a trouvé aucune envie pour quelque
épanchement que ce soit, et les témoignages d’enthousiasme l’ont notamment touché de façon incroyablement amère. Cela s’est un
peu éclairci à présent, il peut au moins à nouveau ouvrir son esprit à des soucis plus nobles qu’à cette époque-là. Mais il doit renoncer
cet été à tout rafraîchissement extérieur, et pendant ces beaux jours, son seul refuge dans la nature sera le bois de Boulogne ! Il va
cependant user ponctuellement de la grâce du Roi de Saxe, en partant quelques jours sur les bords du Rhin, pour notamment rendre
visite à la Princesse de Prusse [Augusta] à Coblence, avec laquelle il doit avoir une discussion personnelle, afin de savoir une fois pour
toutes à quel point il peut se fier à cette dame quant à la future représentation de ses nouvelles œuvres [les trois premières parties de
la Tétralogie :
Das Rheingold
, Die Walküre et
Siegfried
, ainsi que
Tristan
]. Et il profitera de l’occasion pour aller chercher sa femme de
Soden [Minna Wagner était en cure à Bad Soden]. Il ne pourra partir que 5 ou 6 jours en tout.
Puis il en vient au récit du voyage de son amie chez Franz
L
iszt
, qui confirme ce que tous lui en ont dit. Quant à son chagrin, il n’a
qu’une chose à pleurer, et c’est sa dépendance à une femme [Carolyne von Sayn-Wittgenstein], qui l’attriste énormément. Rien ne trahit
cependant qu’il ressent du chagrin, mais il se désole seulement pour la peine que chaque relation lui apporte, sans vouloir en reconnaître
la raison. On ne peut pas l’aider, même pas le consoler. Wagner s’inquiète beaucoup pour lui : il ne peut pas être franc sans blesser Liszt,
qui est si sensible en ce moment.
Wagner envisage un voyage en Allemagne dans la seconde moitié de l’hiver, et il ira rendre visite tout d’abord à Liszt. Quant à son
propre avenir , il lui est complètement inconnu. L’Allemagne lui est ouverte, mais en réalité il n’y a pas d’asile pour mon art… [
Auch
meine Zukunft ist mir ganz unbekannt :
Deutschland steht mir offen, aber nun erst
gewahre ich recht, dass ich eigentlich für
meine Kunst gar kein Asyl habe
.]
Il ne peut plus s’intéresser sérieusement
à la politique. Il n’a plus la conscience
des changements de la situation
mondiale, car il ne peut pas ressentir le
fondement du monde : ainsi lui échappe
un intérêt passionnant et divertissant ;
il a en revanche l’unique avantage de
précisément reconnaître l’essence du
monde dans des incidents isolés de la vie
en apparence insignifiants, alors qu’ils
se perdent en de grandes dilatations du
temps et de l’espace de manière indéfinie
et méconnaissable, si bien que nous
croyons entrevoir les réalités, là où il ne
planent par essence rien d’autre que des
illusions trompeuses »...
Sämtliche Briefe
, XII, 196.
* * * * * *
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Musique et Spectacle




