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Pierre LOTI
. 24 L.A.S. (une non signée), 1884-1894, à Marcel
S
émézies
à Montauban ; environ 50 pages
la plupart in-12 ou in-8, 2 enveloppes.
1 000 / 1 500€
T
rès
belle
correspondance amicale
et
littéraire
, d’abord signée « Julien Viaud » puis « Pierre Loti ».
[Marcel
S
émézies
(1858-1935), de Montauban, avait quitté la magistrature pour se consacrer aux lettres : poète,
romancier, journaliste, érudit, secrétaire général de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Tarn-et-
Garonne, il se lia d’amitié avec Pierre Loti, à qui il rendit visite à Rochefort, et qu’il fit entrer dans la « Compagnie des
Mousquetaires gris de M. de Baugé » sous le nom de
Simbad le Marin
. Il a laissé des
Mémoires de ma vie et de mon
temps
(Montauban, 2004).]
La correspondance commence au début de leur amitié, en 1884, lorsque Sémézies rend visite à Loti à Rochefort :
« vous aurez un désenchantement certain quand vous verrez le garçon tout ordinaire et “comme tout le monde” que
je suis. Tant pis, je vous reçois avec grand plaisir »… Remerciements pour l’envoi d’un poème : bien qu’il n’aime pas
en général les vers, « je les aime quand ils sont jolis et je vous assure j’ai beaucoup aimé le sonnet […] ; seulement
vous avez peint trop beau mon logis, et les femmes vont en rêver »… Séjour de Loti à Montauban : « Merci aux
mousquetaires [
Les Mousquetaires gris
, groupe littéraire fondé notamment par Sémézies] du bon accueil que j’ai
reçu »… Félicitations pour le roman de Sémézies
L’Étoile éteinte
(Ollendorff 1886), « bien joli livre […] écrit par un
garçon de cœur – allons, vous êtes un gentil petit mousquetaire, vous avez du talent et je vous serre la main en
vous prédisant mille bonnes choses pour l’avenir »…
[Octobre 1886]
. Loti l’invite à son mariage et lui demande
l’adresse des Mousquetaires habitant Bordeaux pour les convier à la bénédiction… C’est au tour de Sémézies de se
marier, mais Loti ne peut pas venir… Touchante lettre suite à une fausse couche : « personne mieux que moi ne peut
comprendre votre chagrin » ; il espère que cet incident n’aura pas les mêmes suites graves que pour sa femme (qui
avait vécu la même expérience peu de temps avant), et lui prédit pour l’an prochain un gentil bébé…
[Février-avril 1888]
. Plusieurs lettres pleines d’une excitation palpable, à propos de la préparation du célèbre
dîner
L
ouis
XI que donna Pierre Loti le 12 avril 1888 dans la salle médiévale de sa demeure à Rochefort. Loti expose
d’abord son projet, en détails : « Le dîner aura lieu sous le règne du roi Louis XI, vers 1430. Les mets et la manière de
servir seront conformes aux usages de ce temps-là.
Pour être admis, le costume de l’époque sera de toute rigueur
».
Les invités sont priés de choisir des costumes de couleurs éteintes, comme « saupoudrés de la poussière du temps »,
ainsi qu’un nom d’époque, qui sera annoncé ; peu d’éclairage ; les fourchettes n’existant pas, il faudra s’en passer ;
et « autant que possible on emploiera dans la conversation les formules et le langage du temps »… Loti compte sur
son ami pour faire des recherches « sur les choses dinatoires de cette époque : menus, manière de servir, ustensiles
à mettre sur la table, etc… Songez-vous toujours à votre entrée en Ménestrel ? ». Il le remercie et le félicite : « les
deux pièces que vous avez apprises sont parfaites », il faut les réciter toutes les deux. Il va à Paris commander « un
paon avec ses plumes, qui me semble un mets de rigueur », et veut des indications sur la vaisselle… Sémézies lui
est d’une aide précieuse, mais Loti craint qu’il ait de ce dîner une vision trop grandiose et qu’il soit déçu. Il va faire
essayer toutes les sauces et préparer tous les breuvages. « J’aurai un paon et des hérissons, mais je vais réduire le
menu pantagruélique que vous m’envoyez : ma femme a été terrifiée ! […] et puis 13 valets pour servir ! Il ne resterait
pas de place pour les invités ». Il y aura quatre valets et deux servantes costumés, « trois joueurs de cornemuse et un
sonneur de cor ». Il s’inquiète du problème de l’éclairage, qui doit être authentique, mais son plus gros souci reste les
animations de la soirée : comment donner un mystère ou une farce ? où trouver des acteurs ? C’est encore Sémézies
qui va s’en occuper, à la plus grande satisfaction de son ami... Il faut aussi fabriquer les costumes, et le temps presse.
Il s’interroge : peut-on garder son chapeau à table et porter « des diamants
taillés
» ?… Il s’inquiète des choix des
instruments de musique de Sémézies pour son entrée : la guitare ?, mais la saqueboute est « plus du temps et plus
décorative pour votre entrée ». Sémézies arrivera quelques jours plus tôt pour l’aider… Leurs épouses respectives
s’échangent leur portrait photographique…
[Fin 1888]
. Après la fête, Loti s’ennuie à Rochefort et envie son ami qui
voyage : « Moi je suis resté très sédentaire et morne ; je n’ai vu d’autre mer que celle d’ici […] Je commande un petit
bateau appelé
l’Écureuil
, qui vraisemblablement ne s’éloignera pas avant l’automne de 89, – à moins qu’il n’aille se
faire au Sénégal une légère promenade. L’envie de courir au large et au soleil me travaille terriblement ; si je ne suis
pas déjà parti, c’est que j’attends un petit enfant au mois de février et c’est une grave inquiétude »… Loti encourage
son ami à reprendre l’écriture, heureux qu’il soit revenu sur « votre mauvaise détermination de ne plus écrire. Ce
serait très dommage »…
[Automne 1889]
. Invitation : Il donnera début novembre « une petite soirée en costume oriental, pour inaugurer
mon logis arabe restauré. Tous les costumes musulmans (arabe, turc, persan, etc.) seront admis »… Rendez-vous
sur la Côte d’azur : alors que Loti est en service sur le
Formidable
à Golfe Juan, il serait ravi de revoir son ami
en fin de semaine : « J’ai promis d’aller à la bataille des fleurs »…
[1891]
. Remerciements pour l’envoi de son
« charmant livre »
Sous le dolman
(Ollendorff, 1891). Il accepterait volontiers de le parrainer à la Société des Gens
de lettre, mais il n’en fait pas partie...
[Mai 1891]
. À propos des calomnies dont il est l’objet après sa réception à
l’Académie française : « dans le comique concert d’injures et d’inepties que mon discours a provoquées, on m’a
accusé […] d’avoir eu une grand-mère anthropophage !!! »…
On joint
3 télégrammes, une carte d’invitation et une carte de visite avec ajouts autogr., une dédicace a.s. découpée
de son discours de réception à l’Académie, de Pierre Loti à Sémézies ; une carte autogr. de Mme Julien Viaud au
même ; une L.A.S. d’Émile
P
ouvillon
à Sémézies au sujet de Loti ; et 6 L.A.S. de Samuel Loti-Viaud au même.




