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Guillaume APOLLINAIRE
. L.A.S.,
9 rue Henner
[vers 1908], un « cher poète » ; 3 pages et demie in-8.
800 / 1 000€
« Hier j’étais fort gêné lorsque vous êtes parti. J’aurais voulu vous retenir mais comme vous ne m’aviez pas parlé
de votre acceptation ou refus je n’ai pas osé vous en parler. Mon amie m’a fait remarquer que-même peut-être
n’aviez pas osé en parler. C’est en effet possible et s’il s’est ainsi produit une double manifestation de timidité je
suis désolé. Je croyais que la mienne surpassait tout ce que l’on peut imaginer en ce genre. En ce cas, vous n’auriez
rien à m’envier de ce côté. Si effectivement, c’est cela qui s’est produit je suis navré. Votre couvert était mis, lorsque
vous êtes parti. Je vous supplie de me pardonner donc ma timidité et la glace étant rompue de vouloir bien refaire
un autre soir le voyage à travers Paris jusqu’à la rue Henner pour dîner avec nous. Vous aurez mardi ou mercredi les
vers et la biographie »…
182.
Guillaume APOLLINAIRE
. L.A. (minute), [mai 1918], au critique d’art Louis
D
imier
; 4 pages in-8, en-tête
Ministère des Colonies. Cabinet du Ministre.
2 000 / 2 500€
Très intéressante lettre sur sa place dans les lettres et les arts modernes
.
Il remercie Dimier de son « excellent article. Je lis vos articles avec beaucoup de plaisir et je les crois très profitables.
Je suis d’une génération qui n’a pas jeté le trouble ni dans les arts ni dans les lettres, mais nous sommes nés dans le
trouble, si nous n’avons pas remis de l’ordre partout du moins l’avons-nous tenté. En tout cas, on rendra plus tard à
la génération à laquelle j’appartiens, cette justice qu’elle a travaillé avec des matériaux tout neufs ceux qu’on nous
fournissait étant inutilisables.
Ce que vous avez écrit touchant le goût me suggère cette réflexion qu
’il y a des moments où le goût se forme ou
se modifie et que par conséquent il n’est pas juste de condamner dans l’art et dans les lettres tout ce qui est nouveau
au nom du goût. La première fois qu’un jeune homme prend du tabac, cigare pipe ou cigarette, il ne le goûte pas.
Tandis que par la suite son goût s’
étant formé il préfère la pipe à la cigarette ou inversement. Bien plus, un fumeur
accoutumé au caporal par exemple ne goûte point le tabac anglais. Vienne une disette de tabac français, et le
fumeur de caporal finit par fumer du tabac anglais et en distingue les différentes espèces préférant l
’une ou l’autre.
De même, en ce qui concerne les arts et les lettres modernes je vous lis avec plaisir parce que vous appartenez
à une génération qui n’est entrée dans la lutte quotidienne que sur le tard. Votre esprit comme celui de vos amis,
mûri par l’
étude et la réflexion met de l
’ordre partout où la mienne avait apporté de nouveaux matériaux qui valent
souvent qu’on les utilise. L’
œuvre que vous accomplissez paraît si digne d
’intérêt que pour ma part, je vous suis avec
attention, durant une retraite, qui était nécessaire après des efforts où nul ne nous avait ni soutenus, ni avertis des
dangers, ni réconfortés le cas échéant.
Nous rentrerons un jour dans la lutte ayant profité j’espère, de votre expérience, de votre enseignement et vous
ayant vu peut-être venir jusqu’
à nous. »
Correspondance générale
(n° 1862, extraits).




