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181.

Guillaume APOLLINAIRE

. L.A.S.,

9 rue Henner

[vers 1908], un « cher poète » ; 3 pages et demie in-8.

800 / 1 000€

« Hier j’étais fort gêné lorsque vous êtes parti. J’aurais voulu vous retenir mais comme vous ne m’aviez pas parlé

de votre acceptation ou refus je n’ai pas osé vous en parler. Mon amie m’a fait remarquer que-même peut-être

n’aviez pas osé en parler. C’est en effet possible et s’il s’est ainsi produit une double manifestation de timidité je

suis désolé. Je croyais que la mienne surpassait tout ce que l’on peut imaginer en ce genre. En ce cas, vous n’auriez

rien à m’envier de ce côté. Si effectivement, c’est cela qui s’est produit je suis navré. Votre couvert était mis, lorsque

vous êtes parti. Je vous supplie de me pardonner donc ma timidité et la glace étant rompue de vouloir bien refaire

un autre soir le voyage à travers Paris jusqu’à la rue Henner pour dîner avec nous. Vous aurez mardi ou mercredi les

vers et la biographie »…

182.

Guillaume APOLLINAIRE

. L.A. (minute), [mai 1918], au critique d’art Louis

D

imier

; 4 pages in-8, en-tête

Ministère des Colonies. Cabinet du Ministre.

2 000 / 2 500€

Très intéressante lettre sur sa place dans les lettres et les arts modernes

.

Il remercie Dimier de son « excellent article. Je lis vos articles avec beaucoup de plaisir et je les crois très profitables.

Je suis d’une génération qui n’a pas jeté le trouble ni dans les arts ni dans les lettres, mais nous sommes nés dans le

trouble, si nous n’avons pas remis de l’ordre partout du moins l’avons-nous tenté. En tout cas, on rendra plus tard à

la génération à laquelle j’appartiens, cette justice qu’elle a travaillé avec des matériaux tout neufs ceux qu’on nous

fournissait étant inutilisables.

Ce que vous avez écrit touchant le goût me suggère cette réflexion qu

’il y a des moments où le goût se forme ou

se modifie et que par conséquent il n’est pas juste de condamner dans l’art et dans les lettres tout ce qui est nouveau

au nom du goût. La première fois qu’un jeune homme prend du tabac, cigare pipe ou cigarette, il ne le goûte pas.

Tandis que par la suite son goût s’

étant formé il préfère la pipe à la cigarette ou inversement. Bien plus, un fumeur

accoutumé au caporal par exemple ne goûte point le tabac anglais. Vienne une disette de tabac français, et le

fumeur de caporal finit par fumer du tabac anglais et en distingue les différentes espèces préférant l

’une ou l’autre.

De même, en ce qui concerne les arts et les lettres modernes je vous lis avec plaisir parce que vous appartenez

à une génération qui n’est entrée dans la lutte quotidienne que sur le tard. Votre esprit comme celui de vos amis,

mûri par l’

étude et la réflexion met de l

’ordre partout où la mienne avait apporté de nouveaux matériaux qui valent

souvent qu’on les utilise. L’

œuvre que vous accomplissez paraît si digne d

’intérêt que pour ma part, je vous suis avec

attention, durant une retraite, qui était nécessaire après des efforts où nul ne nous avait ni soutenus, ni avertis des

dangers, ni réconfortés le cas échéant.

Nous rentrerons un jour dans la lutte ayant profité j’espère, de votre expérience, de votre enseignement et vous

ayant vu peut-être venir jusqu’

à nous. »

Correspondance générale

(n° 1862, extraits).