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LEVI-STRAUSS (Claude). 1908-2009.
Anthropologue et ethnologue.
Manuscrit aut. [Prologue pour Saudades
do Brasil]. S.d. (1994).
13 pp. ½ in-folio
au verso de feuillet à en-tête du Collège de
France, nombreuses ratures et corrections.
Important manuscrit de premier jet servant
de Prologue au livre
Saudades do Brasil
,
l’avant-dernier publié par Lévi-Strauss aux
éditions Plon en 1994. A travers ce véritable
album où sont sélectionnées et commen-
tées près de 180 photographies parmi les
3000 clichés qu’il réalisa entre 1935 et 1939,
le célèbre ethnologue et père de l’anthropo-
logie structurale nous livre le récit de ses
aventures lors de ses expéditions en Ama-
zonie, en nous faisant part de ses premiers
travaux sur les Indiens du Brésil. Mais l’au-
teur veut avant tout, nous révéler un monde
aujourd’hui disparu ; avec un regard nostal-
gique, il apporte un témoignage sur le Brésil
et ses sociétés coupées de toute modernité,
encore existantes il y a soixante-dix ans.
Ce prologue comble
un manque de ce que
l’objectif est foncièrement impuissant à cap-
ter.
Désenchanté et nostalgique, Lévi-Strauss
revient sur son parcours d’ethnologue, justi-
fiant son approche écologique du monde et
des individus. Il affirme que les Indiens d’Amé-
rique ne sont pas les primitifs nous renvoyant
l’image de notre développement, mais des sur-
vivants d’une catastrophe dont nous sommes
collectivement responsables : le dépouillement
des peuples de l’Amazonie, berceau des
civilisations andine.
(…) Quant en 1541, une
expédition espagnole, qui s’était fourvoyée,
s’aventura sur le fleuve qu’on allais appeler
l’Amazone, sans autres ressources que de le
descendre, et parvint finalement à la mer, elle
rencontra tout le long du fleuve de véritables
villes qui, au dire du chroniqueur de l’expédi-
tion, le Frère Gaspar de Carvajal, s’ étendaient
sur plusieurs lieues, comprenaient plusieurs
centaines de maisons, toutes d’une blancheur
éclatante (ce qui suppose qu’elles n’ était
pas seulement des huttes). Une nombreuse
population les habitaient, formant le long du
fleuve, une suite pratiquement ininterrompue
de grandes chefferies tantôt alliées tantôt hos-
tiles (…). Des routes larges et bien entretenues
bordées d’arbres fruitiers allaient aux intérieurs
des terres entre des champs cultivés. Des for-
tifications de bois ornées de sculptures monu-
mentales et on voyait aussi des forteresse (…).
Ces Indiens qu’on pourrait voir comme le plus
des peuples dits «primitif » sont en réalité,
les
plus gravement frappés par le cataclysme de
la découverte et des invasions subséquentes,
victimes des maladies, des génocides, de la
colonisation et aujourd’hui des expansions
territoriales.
Et c’est le sentiment de cette
dernière et cette fois définitive dépossession
qui me saisit en contemplant des photogra-
phies double[men]t impuissantes à me rendre
l’image de ce que, comme photographies elles
seront de toute façon incapable de traduire, et
comme document, témoignage passé qui n’est
et ne sera jamais plus. (…).
Et Levi-Strauss
cite le cas de Sao-Paolo et son urbanisation
excessive qui, en cinquante ans, a englouti les
traces du passé et la nature luxuriante de jadis.
Claude Lévi-Strauss ayant donné toutes
ses archives à la Bibliothèque Nationale de
France, ses manuscrits en collection privée
sont rarissimes.
Joint à ce manuscrit, une lettre autographe
signée de l’auteur,
proposant ce manuscrit à
la vente (du 9 septembre 1994, 1 p. in-8, en-
tête du Laboratoire d’Anthropologie sociale).
4 000 / 5 000 €
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