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CHATEAUBRIAND (François-René de).
1768-1848. Ecrivain, diplomate.
3 L.A. à sa « chère sœur » (duchesse
de Duras). Vallée-aux-Loups,
juin-juillet 1810.
9 pp. in-4.
Belle correspondance intime adressée à
Claire de Kersaint, duchesse de Duras; Cha-
teaubriand est en pleine rédaction de son
Itinéraire de Paris à Jérusalem
et envisage
d’écrire ses Mémoires, évoquant sa ran-
cœur d’avoir été écarté du monde littéraire
par l’Empereur. Lui assurant un attachement
aussi inviolable que sincère et profond, Cha-
teaubriand confie à la duchesse ses doutes
et sa fatigue, mentionnant sa liaison avec la
comtesse Nathalie de Noailles.
De la Vallée, ce 25 juillet (juin?).
Cha-
teaubriand lui demande pardon de son retard
à lui répondre, étant allée à Méréville [chez son
ami Alexandre de Laborde et la sœur de ce-
lui-ci, la comtesse Nathalie de Noailles], mais
se veut toujours un frère tendre et dévoué qui
ne lui ôtera jamais l’amitié qu’il lui a juré.
(…)
Je ne suis pas resté aussi longtemps à Mére-
ville que je le désirais parce que mes affaires
m’ont rappelé à Paris.
Je vais, je crois enfin,
mettre l’Itinéraire sous presse et je vous
envoie cinq ou six mois d’un travail continu
et excessivement fatiguant.
Mais aussi après
cela je serai débarrassé de toute étude et libre
d’aller mourir hors de France ou d’y commen-
cer mes grandes recherches sur l’histoire (…).
J’ai maintenant un secrétaire qui travaille à mes
côtés et que je suis obligé de diriger à chaque
instant (…).
Val de Loup, ce lundi 9 juillet.
(…). Je vais être come malheureux, galérien
enchaîné pendant 5 mois à revoir le manuscrit
et corriger les épreuves.
La besogne est si
mauvaise et si difficile que je suis obligé de
prendre un secrétaire et de travailler avec lui
15 ou 16 heures par jour. Mais enfin, il faut
sortir de là. Cet ouvrage imprimé, je n’aurai
plus rien qui entrave ma vie
et je pourrai,
selon les temps et ma destinée, ou prendre
quelque long travail ou abandonner ce pays
dont je suis làs plus que jamais (…). Je suis
n
é
sous quelque méchante étoile dans la sai-
son des vents et au bord de la mer. J’ai désiré
toute ma vie le calme et jamais je n’ai pu l’ob-
tenir. Tout finit heureusement dans le monde,
je vieillis et j’arriverai au bout de mon songe
tout comme un autre. Voilà le bon de l’affaire.
Mais vous, ma sœur, vous êtes heureuse, tran-
quille, votre avenir est fait. Vous savez ce que
vous deviendrez (…).
Espérant la revoir à Paris
lorsque l’hiver sera là, il précise lui-même qu’il
ne compte quitter son désert qu’au mois de
janvier lorsque son
Itinéraire
paraîtra.
Val de
Loup, le samedi 20 (juillet).
Il est heureux de
recevoir ses lettres qui le délassent du travail
pénible qu’il s’est assigné :
(…) le double inté-
rêt d’un voyage et d’une sorte de Mémoires de
ma vie. Je suis fort triste en l’écrivant, parce
que cela me force à me replier sur moi-même,
à descendre dans mon cœur, à considérer le
passé et à craindre l’avenir.
Un homme qui
écrit ses mémoires a fini sa vie et il n’est
plus que le juge et le spectateur de ce qu’il
a été.
Vous avez cru mal à propos cette fois
que toute ma peine tenait à un sourire. C’est
une suite de réflexions très sérieuses que je
fais depuis assez longtemps. Quand je vois
que malgré tous mes efforts je n’ai pu à l’âge
où je puis acquérir un cœur dont je sois sûr,
ni me créer un avenir, ni obtenir le repos de
la vie intérieure, ou de la fortune, je me laisse
aller malgré moi à la tristesse. Je ne sais très
sérieusement ce que je deviendrai, où je fini-
rai mes jours. Les ressources me manqueront
tôt ou tard, et comme les liens qui pouvaient
autrement me retenir sont à tout moment prêt
à se rompre, il faudra que je remette ma vie
aux hazards d’une nouvelle destinée (…).
Puis
il évoque les prix décennaux qui ont été
décernés à certains écrivains sur décret de
Napoléon et dont il ne fait pas partie.
Mon
étoile m’a bien servi (…). Trouvez-vous rien
de plus honorable que de ne pas être nommé
par ces gens-là tandis qu’ils mentionnent ho-
norablement MM. Durieu, Fabre, Jouy, &c. et
d’autres grands hommes? (…) Ils n’ont osé
ni m’insulter, ni me couronner, et ce pauvre
abbé De Lille auquel ils vont accoler Gaston
! Il faut qu’il expie les admirables vers de La
Pitié.
Fontanes et Bonald partagent avec moi
l’honneur de l’oubli.
Dieu veuille maintenant
que les journaux me laissent en paix et n’aillent
pas ramener mon nom sur la scène
Publiées ans la correspondance de Cha-
teaubriand (II-445-446 et 449).
1 800 / 2 000 €
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CHATEAUBRIAND (François-René de).
1768-1848. Ecrivain, diplomate.
L.A.S. à l’ambassadeur d’Angleterre.
Paris, 10 février 1824.
1 p. ½ in-8 bi-feuillet.
Lettre à Sir Granville, à propos de Louis-An-
toine d’Artois, duc d’Angoulême, héros de
la campagne d’Espagne.
J’ai prié M. de Poli-
gnac
[ambassadeur de France en Angleterre],
de remercier M. Canning
[ministre des Affaires
étrangères britannique]
et Lord Liverpool
[Ro-
bert Jenkinson, membre influent du Parlement
anglais]
de la justice qu’ils ont rendue à Mgr le
duc d’Angoulême et à notre armée. Le ministre
français mettre tous ces soins à entretenir la
bienveillance et d’harmonie entre les deux
gouvernements (…)
400 / 500 €
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