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sens de Dieu.
Je me rends compte de ce que peut avoir de ridicule une pareille affirmation mais je veux braver le
ridicule. Eh bien j’ose dire que...
une invraisemblable inspiration m’a dicté des pages où je réconcilie Nietzsche (un
vrai catholique celui-là !), Dostoïevsky (qui m’a formidablement accouché), St-Jean de La Croix... et Élie Faure... Je
crois vraiment avoir fait un ouvrage important et qui subitement a réorienté mon âme jusqu’alors très désemparée...
Vous êtes évidemment la première personne à qui je le montrerai. Je continue de croire qu’il va avoir, qu’il devrait
avoir une énorme influence.
C’est toute la vie intérieure qui est projetée dans la morale, dans la politique, dans
l’esthétique...
» —
S.l.n.d. : «
Pour vous prouver... à quel point il était loin de ma pensée de faire contre vous un
pamphlet... permettez-moi... de copier pour vous les notes qu’à 2 h. du matin l’autre jour je me sentis obligé d’écrire
à propos de vous... En vérité, je vous confesse que
je n’ai pas de plus cher espoir que de vous convertir. Et chaque jour
vous trouvez place dans mes prières auprès de Gide et de trois autres esprits dont la détresse m’est douloureuse...
Ce que vous appelez un pamphlet était à mon sens une candide psychanalyse que je m’étais efforcé de vouloir précise
et curative. Pardonnez la... Voici donc ces notes :
“L’erreur capitale d’Élie Faure, c’est de croire que la beauté d’un art
est la mesure de la vérité de la religion qui l’engendra
... Comme le Dieu protestant a pour fin la création d’une morale
humaine, celle du Dieu de Faure c’est le renouvellement d’une esthétique humaine.
On sent là le défaut d’un
anthropocentrisme exigeant. Il confond le sentiment religieux et la foi...
Ce que rien n’établit, c’est que l’esthétique
soit l’expression suprême de l’âme et comme l’unique but qu’elle doive se proposer.
C’est par une impulsion purement
arbitraire et qui lui fait prendre son propre goût comme critérium de la vérité universelle qu’il met l’art, ou le génie
de quelqu’ordre qu’il soit, au sommet des fonctions de l’Esprit.
L’art est encore une dégradation de notre activité. Et
qui ne diffère que faiblement du jeu de l’enfant, par exemple...
»
Joint,
une note autographe d’Élie Faure sur le christianisme (
1
/
2
p. in-
16
).
« Personne, plus que nous, n’aime et n’admire la vie et la nature... »
107. SIGNAC
(Paul). Lettre autographe signée. Paris, 25 mars [1903]. 4 pp. in-12 carré, en-tête imprimé à son
monogramme, vestige d’enveloppe.
800 / 1 000
Défense et illustration du néo-impressionnisme,
en réponse à Élie Faure qui, en mars
1903
, consacra plusieurs
articles au Salon de la Société des artistes indépendants.
«
Je suis très touché et très honoré de l’étude si sympathique et si précise que vous venez de publier dans
L’Aurore
sur
notre art. Croyez bien que je préfère cette sérieuse critique aux vains éloges d’autres journaux.
Mais, je tiens à vous affirmer que personne, plus que nous, n’aime et n’admire la vie et la nature. Nous nous sommes
efforcés de nous créer une belle boîte à couleurs pour pouvoir exprimer les splendeurs et les magnificences qu’elles
nous offrent.
Soit, nous avons renoncé à rendre les tristesses et les noirceurs, qu’elles présentent aussi. Mais, songerait-
on à refuser à l’admirable
[Eugène]
Carrière le droit de renoncer au vert pomme et au jaune citron ?
Examinez de près ce tableau de Cross, “
La Plage ombragée”
et voyez s’il n’est pas un doux poème de vie et de
bonheur exprimé, sans littérature, par de beaux moyens de peintre.
Voyez, si par l’harmonie des lignes et des teintes,
par le choix du sujet, la beauté des gestes, la noblesse du décor, les rythmes de la composition, il ne correspond pas au
signalement de la parfaite œuvre d’art. Supposez ce tableau reproduit en blanc et noir ; cette épreuve aurait toute la
beauté, je crois, d’une reproduction d’un Poussin ou d’un Puvis. Et croyez-vous pouvoir affirmer que la beauté et la
pureté des teintes employées par l’artiste, viennent en quoi que ce soit, amoindrir ces qualités ? À mon avis, au
contraire, le charme de la couleur, est un nouvel et puissant appoint.
Oh ! ce rêve : un Carrière peint par un Renoir !...
»
« Cette fleurette, qu’à mon retour de Constantinople,
j’ai cueillie “au pied de Parthénon”... »
108. SIGNAC
(Paul). Carte autographe signée. « La Hune » à Saint-Tropez (Var), «
28 mai
» [1907]. 2 pp. in-12 oblong,
en-tête imprimé à son monogramme et son adresse de Saint-Tropez, petites fentes pratiquées par Signac pour y
glisser une fleur ; enveloppe.
600 / 800
Souvenir du voyage que Paul Signac effectua à Constantinople,
du
28
mars au
15
mai
1907
. Il y réalisa plusieurs
œuvres, notamment dans l’idée de poursuivre sa série des
Ports
débutée en
1904
, par exemple
La Corne d’or. Matin
(musée d’Orsay).
«
Tous mes remerciements, cher Monsieur, pour l’envoi et votre bon livre...
Vous aimez l’art ; de toutes vos forces, vous savez le faire aimer et le défendre.
Permettez-moi de vous adresser, en
souvenir sympathique, cette fleurette, qu’à mon retour de Constantinople, j’ai cueillie “au pied de Parthénon”...
»
Joint
, la fleur séchée en question, démembrée.




