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les collections aristophil

littérature

recommande les « deux petits magots de princes de Meklembourg »

qui vont à Genève… « comptez que je voudrais vous embrasser ce

soir et que je vous aime passionement ».

Soleure 17 août

. « Le pigeon avance toujours vers le colombier et

quoyque ce ne soit pas à tire d’aile, il arrivera pourtant plustot qu’il

ne l’avait promis. Rien n’est si fidele qu’un vieux pigeon ». Il passera

probablement par Neuchâtel afin de « causer avec mylord maréchal

et de savoir des nouvelles veritables de la position du Roi de Prusse.

Il est bon d’avoir des amis partout. Non je passerai par Berne ». Il

pense à la terre de Champignelle : « il me faut des chateaux et j’en fais

en Espagne. […] Toutte l’Europe nous fait l’honneur de souhaiter que

nos affaires aillent mal, parce que nous nous mélons, diton, de ce qui

ne nous regarde pas. […] Les russes sont à Francfort sur l’Oder, chez

notre bon ami, mais il a toujours une forte armée. Dix mille anglais

avancent par l’Ostfrise. La balance est égale quoy qu’on dise, et le

resultat de tout cecy est que la France se ruine, et que les marquets

auront bientot de quoi l’acheter. Pour nous autres tachons d’acheter

un chatau, on n’est bien que chez soy, loin des folies et des horreurs

et des sottises du monde. Vive la paix et l’indépendance apuyée sur

l’aisance et embellie par les belles lettres. Vive surtout la Tessalie.

Je crois que vous l’habitez quelquefois. J’espere vous y voir bientot

entre Admette et Alceste »…

Correspondance

(Pléiade), t. V, p. 167, 170, 175, 177, 178, 187, 193 (extraits

d’après le catalogue de vente Cornuau, 21 février 1936).

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VOLTAIRE (1694-1778).

L.S. « Voltaire », aux Délices près de Genève 4 juin 1759, à

Antoine

LE BAULT

, conseiller au Parlement de Bourgogne,

à Dijon ; la lettre est dictée à son secrétaire Jean-Louis

WAGNIÈRE

 ; 2 pages in-4, adresse, cachet cire rouge aux

armes (brisé).

1 000 / 1 200 €

Spirituelle lettre sur un procès

.

« Pardonnez à mon importunité ; il ne s’agit que d’une vache, c’est

le procez de Mr Chicaneau, mais vous verrez par la lettre cy jointe

d’un procureur de Gex qu’une vache dans ce pays cy suffit pour

ruiner un homme ; c’est en partie ce qui contribue à dépeupler le

pays de Gex déjà assez malheureux ; les procureurs succent icy

les habitans, et les envoyent ensuitte écorcher aux procureurs de

Dijon. Un nommé Chouet cy devant fermier de la terre de Tournay

veut absolûment ruiner un pauvre homme nommé Sonnet, et ledit

Chouet étant fils d’un Sindic de Genêve croit être en droit de ruiner

les Français ; il a surpris la vache de Sonnet mangeant un peu d’herbe

dans un champ en friche, lequel champ je certifie n’avoir été labouré

ni semé depuis plusieurs années. Un grand procez s’en est ensuivi

à Gex, l’affaire a été ensuitte portée au parlement, il y a déjà plus

de frais que la vache ne vaut ». Voltaire implore les bontés de Le

Bault « pour un français qu’on ruine bien mal à propos. […] je crois

remplir mon devoir en demandant instamment votre protection

pour ceux qu’on opprime »…

Correspondance

(Pléiade), t. V, p. 511.

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VOLTAIRE (1694-1778).

L.A., [septembre-octobre 1759], à Mme d’ÉPINAY ; 1 page

in-8, adresse (fente au pli central).

4 000 / 5 000 €

Belle lettre sur sa lutte contre l’infâme

.

[Louise de La Live d’ÉPINAY (1726-1783), amie et protectrice des Philo-

sophes, est venue à Genève avec le baron von Grimm à Genève pour

se faire inoculer. Voltaire la charge ici de l’impression chez Cramer de

sa brochure

Relation de la maladie, de la confession, de la mort et

de l’apparition du jésuite Berthier

(directeur du

Journal de Trévoux

),

en riposte à la suspension de l’

Encyclopédie

.]

« Ma tres chere philosophe, ma bien aimée, la joie et le regret de

mon cœur mettez vite le veritable Crammer en besogne. L’apparition

poura bien valoir l’agonie. Petit caractere et net, afin de tenir peu de

place ; le plus d’exemplaires que Crammer poura. Le debit comme il

voudra, comme vous jugerez à propos, pourvu qu’il n’y ait point de

nom d’auteur tout va bien, tout est bon. Il faut rendre l’infame ridicule,

et ses fauteurs aussi. Il faut attaquer le monstre de tous cotez, et le

chasser pour jamais de la bonne compagnie. Il n’est fait que pour

mon tailleur et pour mes laquais.

Ma belle philosophe, je veux vous voir. J’ay la colique. Je soufre

beaucoup. Mais quand je me bats contre l’infame je suis soulagé.

J’embrasse le profete bohemien [GRIMM].

A demain l’apparition ».

Correspondance

(Pléiade), t. V, p. 620.

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VOLTAIRE (1694-1778).

L.A.S. « V », [vers le 15 mars 1759], au « ministre » Jacob

VERNES ; 1 page in-4, adresse (coins réparés avec perte de

deux fins de ligne).

10 000 / 12 000 €

Fameuse lettre, en partie inédite, où Voltaire nie être l’auteur de

Candide

.

[Le pasteur genevois Jacob VERNES (1728-1791), ami et correspondant

de Voltaire et Rousseau, rédigeait la revue

Choix littéraire

. En janvier

1759, Cramer avait publié à Genève

Candide, ou l’Optimisme, traduit

de l’allemand de M. le docteur Ralph

, rapidement suivi par l’édition

parisienne ; le livre fut aussitôt condamné à Paris et à Genève.]

« J’ay lu enfin Candide. Il faut avoir perdu le sens pour m’attribuer

cette couionnerie [le mot a été surchargé plus tard en

cochonerie

].

J’ay dieu mercy, de meilleures occupations. Si je pouvais excuser

jamais l’inquisition je pardonerais aux inquisiteurs du Portugal d’avoir

pendu le raisoneur Pangloss, pour avoir soutenu l’optimisme. En effet

cet optimisme détruit visiblement les fondements de notre relligion;

il mene à la fatalité; il fait regarder la chute de l’homme comme une

fable, et la malédiction prononcée par Dieu meme contre la terre,

comme vaine. C’est le sentiment de touttes les personnes religieuses

et instruittes, elles regardent l’optimisme comme une impieté affreuse.

Pour moy qui suis plus moderé je ferais grace à cet optimisme pourvu

que ceux qui soutiennent ce sisteme ajoutassent qu’ils croyent que

Dieu dans une autre vie nous donnera selon sa misericorde, le bien

dont il nous prive en ce monde suivant sa justice. C’est l’éternité à

venir qui fait l’optimisme, et non le moment présent. Vous etes bien

jeune pour pense[r à cette] eternité, et j’en aproche. Je vous souhait[e

le bien] etre dans cette vie et dans l’autre ».

Il ajoute, sur le feuillet d’adresse : « Apropos comment pouvez vous

trouver de l’esprit dans

Candide

 ? De la naiveté ouy, un air de plai-

santerie ouy. Mais un trait d’esprit, un tour fin je vous en défie »…

Correspondance

(Pléiade), t. V, p. 420 (texte fautif, sans le post-

scriptum).

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