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les collections aristophil

littérature

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équivoques pour principes. C’est ce qui m’a

fait souhaitter que la satyre de BOILEAU sur

les équivoques fut un peu meilleure.

Il me parait que vous autres Parisiens vous

allez voir une grande et paisible révolution

dans vôtre gouvernement et dans vôtre

musique. Louis 16 et Gluk vont faire de nou-

veaux français ».

Il déplore le départ à l’armée de Jean-Baptiste

de LISLE : « je n’aurai plus de nouvelles. Il avait

une pitié charmante pour ma curiosité ; il me

donnait des thêmes toutes les semaines ; il

égaiait le sérieux de ma vie, car je suis très

sérieux ; je fais mes moissons, je plante, je

bâtis ; j’établis une colonie qu’on va peut être

détruire. Voilà des occupations graves.

Portez vous bien, Madame, aiez du plaisir si

vous pouvez, cela est bien plus important, et

beaucoup plus difficile. Je vous suis attaché

depuis bien longtemps ; mais à quoi cela

sert-il ? Je vous suis inutile, je suis vieux, je

vais mourir. Adieu, Madame, je vous aime

comme si j’avais encor vingt ans à vivre gaie-

ment avec vous. Le vieux malade de Ferney »…

Correspondance

(Pléiade), t. XI, p. 738.

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VOLTAIRE (1694-1778).

L.S. « V » et 2 lettres dictées, [Ferney]

février-mars 1776, au comte de

TRESSAN ; les lettres sont écrites

par son secrétaire Jean-Louis

WAGNIÈRE ; 2, 2 et 2 pages et demie

in-4.

1 000 / 1 500 €

Voltaire prend la défense de DELISLE DE

SALES, condamné au bannissement à vie

pour sa

Philosophie de la nature

.

11 février

… « je vois que l’on commet une

injustice ridicule et affreuse. Tout me per-

suade qu’il y a un parti pris d’oprimer ceux

qui ont la vertueuse folie de vouloir éclairer

les hommes ». Il rappelle la mésaventure

du « pauvre LA HARPE » l’année passée :

« Jugez si l’homme [Voltaire lui-même] qui

se plaignit à vous d’une épitre qu’on lui

imputait, avait raison de se plaindre. Vous

savez qu’il n’y a nul ouvrage qu’on ne puisse

empoisonner, et nul homme qu’on ne puisse

persécuter ». Il s’inquiète (sans le nommer)

pour « l’infortuné » DELISLE : « quel est le

scélérat qui le poursuit ? pourquoi on l’ac-

cuse d’être l’auteur d’un ouvrage qui n’est

pas sous son nom ? quelles procédures

on a faites contre son ouvrage et contre sa

personne. Est-il décrété de prise de corps ?

[…] Il faut, dans ces affaires, en agir comme

en temps de peste […] Fuiez vite, allez loin,

revenez tard. […] Votre homme fait fort bien

d’adorer l’écho de Franconville ; les échos

de ma retraite saluent très humblement ceux

de la vôtre »….

3 mars

.

« 

L’apôtre prétendu de la Tolérance

pourait bien en être le Martyr. Il scait très

bien que la cabale du fanatisme est plus

animée et plus dangereuse que la cabale

contre M

r

TURGOT. Le vieil apôtre est obligé

dans le moment présent d’aller faire un petit

voiage en Allemagne pour des affaires indis-

pensables. Mais, en quelque endroit qu’il soit

il prendra un intérêt bien vif à Monsieur De

L…. auquel il conseille de ne jamais exposer

sa personne. L’effervescence est trop vio-

lente. On n’est que trop bien informé des

résolutions prises par des assassins en robe

noire, les uns tondus, les autres en bonnet

quarré. Tout cela est affreux, mais très digne

d’une nation qui n’a encor assassiné que

trois de ses rois, qui n’a fait qu’une grande

S

t

Barthelémy, mais qui en a fait mille petites

en détail. Les ministres, tout sages et tout

éclairés qu’ils sont, ne pouraient s’oposer aux

barbaries que les persécuteurs méditent »…

17 mars

. Il a pu faire agir M. d’ARGENTAL

en faveur de Delisle de Sales : « il déteste la

persécution, et chérit la philosophie. Il me

parait qu’on ne persécute dans le moment

présent que M. TURGOT. Celui là se tirera

d’affaire fort aisément ; il a du génie et de la

vertu, son maître parait digne d’avoir un tel

ministre ; et je ne crois pas que Messieurs

veuillent faire la guerre de la fronde pour

des corvées. Je dois à ce digne ministre

la supression de toutes les gabelles, et de

tous les commis qui désolaient mon petit

païs, moitié français, moitié suisse »… Il parle

des travaux de Tressan sur l’électricité : « Je

me suis mêlé d’électriser le tonnerre dans

le jardin que je cultive auprès de ma chau-

mière. Il y a longtemps que je regarde cette

électricité comme le feu élémentaire qui est

la source de la vie. […] Continuez, philosophez

dans votre retraitte. Votre printems a été

orné de tant de fleurs, qu’il faut bien que

votre automne porte beaucoup de fruits. Il

n’y a plus de jouïssance pour moi qui suis

dans l’extrême vieillesse ; mais vous me

consolerez, vous me donnerez des idées,

si je ne puis en produire ». Il parle enfin du

livre de BAILLY « sur l’ancienne astronomie.

Il y a des vues bien neuves et bien plausibles

[…] Ce livre recule furieusement l’origine

du monde, s’il y en a une. Remarquez en

passant que le petit peuple juif, qui parut

si tard, est le seul qui ait parlé d’Adam et

de sa famille, absolument inconnus dans le

reste du monde entier »...

Correspondance

(Pléiade), t. XII, p. 428,

458 et 477.

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VOLTAIRE (1694-1778).

P.A.S. « Voltaire gentilhomme ord

e

du Roi », « au château de Ferney » 25

avril 1777 ; 1 page oblong in-8.

1 800 / 2 000 €

« Je donne pouvoir general et special a

Monsieur du Frénoi procureur au parlement

de Paris de poursuivre mes droits sur la

succession de M le duc de BOUILLON de

prendre chez monsieur du Tertre rue de La

Tissanderie et chez tous autres dépositaires

mes contracts qui etablissent mes creances,

obtenir mon payement, donner quittance, et

agir judiciairement en mon nom »…

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VOLTAIRE (1694-1778).

L.S. « V », [Ferney] 28 juillet 1774, à la

marquise du DEFFAND ; la lettre est

écrite par son secrétaire Jean-Louis

WAGNIÈRE ; 3 pages in-4.

1 500 / 2 000 €

Jolie lettre du « vieux malade de Ferney »

à la marquise du Deffand

.

[Le salon de Marie de Vichy-Chamrond, mar-

quise du DEFFAND (1697-1780) avait accueilli

tous les beaux esprits de son temps et les

Philosophes ; remarquable épistolière, elle

resta en relations avec Voltaire, qui répond

ici à sa lettre du 13 juillet.]

« Je n’ai point de thème aujourdhui, Madame,

j’ai envie de vous écrire, et je n’ai rien à vous

dire. Quand je vous aurai souhaitté un bon

estomac, de la dissipation et de l’amusement,

il en résultera seulement que je vous aurai

ennuié.

Le conte que vous m’avez fait de ce nou-

veau conseiller qui n’osait chopiner avant que

ses anciens chopinassent est un vieux conte

que j’ai entendu faire avant que Madame de

CHOISEUL fut née.

J’ai un neveu qui est gros comme un muid,

et qui est Doyen des Conseillers clercs du

nouveau parlement ; il faut me pardonner

de prendre un peu le parti de sa compagnie.

L’ancienne n’était guères plus savante, et était

certainement plus tracassière. Si vous vous

faites lire l’histoire vous aurez remarqué que

depuis François 1

er

le parlement de Paris a cru

toujours ressembler au parlement d’Angle-

terre. C’est précisément comme si un de nos

consuls se croiait consul romain. Le monde

a toujours été gouverné par des équivoques.

Toutes nos querelles de religion ont eu des