Previous Page  252-253 / 276 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 252-253 / 276 Next Page
Page Background

250

251

les collections aristophil

littérature

263

VOLTAIRE (1694-1778).

MANUSCRIT autographe ; 1 page et demie in-fol. (31 x 21,6

cm, bord légèrement effrangé, et le haut légèrement rogné

sans toucher le texte).

6 000 / 8 000 €

Manuscrit de notes et pensées, qui semble inédit, notamment

sur l’Orient, avec un extrait du

Contrat social

de Jean-Jacques

Rousseau

.

« Il n’y a jamais de finesse dans les ecrits des orientaux. L’esclavage

qui ailleurs a retréci l’esprit, l’a rendu outré chez eux. Ils prodiguent

les titres à leur maitre. Ils traittent tout de meme ; leur esclavage est

hiperbolique.

Leur roy est frere du Soleil, et ils baisent la poussiere de ses pieds,

que diront-ils du soleil ?

L’esprit fin et délicat s’introduisit à Rome du temps d’Auguste. La

puissance du maitre était grande, mais les dehors simples. L’image

de la république subsistait. On pensait au republicain et on n’osait

s’expliquer ouvertement.

On s’acoutuma à faire entendre plus qu’on ne dit, c’est là la deli-

catesse de l’esprit. En Orient on a toujours dit plus qu’on ne peut

entendre, c’est l’esprit ampoulé. On fait sauter les collines, et reculer

les montagnes. Il n’y a pas meme une idée fine dans Homere. Il y

en a mille dans le Tasse.

Les universitez furent instituées pour l’avancement des Sciences, et

on ne put jamais rien savoir qu’en suivant une route contraire à celle

des universitez. Ainsi Galilée, Descartes, Bacon, Dumoulin. On navait

institué que des écoles d’erreur »... Etc.

Au verso : « Quand un sauvage veut avoir un fruit il coupe l’arbre.

Cela n’est pas vrai le sauvage nest pas si fou. […]

Tous les siecles se ressemblent-ils ? Non pas plus que les differents

ages de l’homme. Il y a des siecles de santé et de maladie.

265

VOLTAIRE (1694-1778).

L.A.S. « V », Ferney 24 janvier [1765], au comte d’ARGENTAL,

« envoyé de Parme etc » ; 3 pages in-4, adresse (légères

effrangeures sur les bords, pli médian fendu).

8 000 / 10 000 €

Amusante lettre citant une lettre de Frédéric II, et traitant de fou

Jean-Jacques Rousseau

.

[Charles-Augustin Ferriol, comte d’ARGENTAL (1700-1788), admi-

nistrateur et diplomate, alors ambassadeur de France à Parme et

Plaisance, fut un des plus fidèles amis et correspondants de Voltaire,

qui l’appelait, avec sa femme, ses « divins anges ». Voltaire surnom-

mait FRÉDÉRIC II « Luc » du nom du singe favori du roi de Prusse.

Le comte d’Argental venait d’être attaqué par un certain Treyssac de

VERGY dans son libelle

Lettres à Mgr le duc de Choiseul

.]

Voltaire commence

ex abrupto

par un « Extrait de la lettre de Luc

du 1

er

janvier, arrivée à Ferney le 19 à cause des détours », et il

cite cette lettre de FRÉDÉRIC II : « détrompé des longtemps des

charlataneries qui séduisent les hommes, je range le teologien,

l’astrologue, l’adepte, et le medecin dans la meme catégorie. J’ay

des infirmitez et des maladies. Je me guéris moy meme par le

régime et par la patience... Des que je suis malade je me mets à un

régime rigoureux ; et jusqu’icy je m’en suis bien trouvé... Quoyque

je ne jouisse pas d’une santé bien ferme, cependant je vis, et je ne

suis pas du sentiment que notre existence vaille qu’on se donne la

peine de la prolonger »…

Puis il commente : « Voila les propres mots qui font soupçonner, à

mon avis, qu’on n’a ny santé ni guaité.

Mon divin ange j’ay encore moins de santé mais je suis aussi gay

qu’homme de ma sorte. Je n’ay actuellement que la moitié d’un œil

et vous voyez que j’écris tres lisiblement. Je soupçonne avec vous

que le tiran du tripot [le duc de RICHELIEU] a contre vous quelque

rancune qui n’est pas du tripot. N’y a t’il pas un fou de Bourdeaux

nommé Vergi qui aurait pu vous faire quelque tracasserie ? Ce monde

est hérissé d’anicroches. Jean Jaques ROUSSEAU et aussi fou que

les Déon et les Vergi ; mais il est plus dangereux. […]

Vous serez peutetre surpris que Luc m’écrive toujours. J’ay trois

ou quatre rois que je mitonne. Comme je suis fort jeune il est bon

d’avoir des amis solides pour le reste de la vie.

Divins anges ces quatre rois la ne valent pas une plume de vos ailes ».

Correspondance

(Pléiade), t. VII, p. 1019.

A Genes libertas ecrit sur les fers des galeriens ».

Après deux vers de Jephté, cette citation du

Contrat social

 : « La

religion cretienne a porté necessairement la guerre ».

264

VOLTAIRE (1694-1778).

L.A.S. « V », [aux Délices] 13 juin [1764], à Madame

CONSTANT PICTET à Lausanne ; 1 page in-4, adresse avec

restes de cachet de cire rouge (fentes aux plis du feuillet

d’adresse).

6 000 / 8 000 €

Sur l’affaire Calas

.

[Charlotte PICTET (1734-1766) avait épousé en 1757 Samuel CONSTANT

DE REBECQUE (1729-1800), mariage encouragé par Voltaire. Jean

CALAS avait été exécuté à Toulouse le 10 mars 1762 ; il sera réha-

bilité le 9 mars 1765, après la campagne de Voltaire en faveur de la

famille Calas. Quant au « fornicateur de Genève », il s’agit du genevois

Robert Covelle qui, ayant mis enceinte une femme, fut condamné à

demander pardon, genoux en terre.]

« Les ames les plus vertueuses sont toujours les plus tendres ma belle

voisine. Je ne suis pas étonné que vous vous intéressiez au triomphe

de l’innocence. C’est une belle fete pour un cœur comme le votre.

Le procez des Calas contre les assassins de leur pere etait un peu

plus considerable que celuy du fornicateur de Geneve.

Je suis chargé de vous representer quelque chose de plus interessant

pour moy, c’est d’avoir un tres grand soin de votre santé, de ne manger

de ne boire que ce qu’on vous a prescrit. Ayez sur cet article un peu

de superstition, c’est la seule occasion où l’on doive en avoir »...

Correspondance

(Pléiade), t. VII, p. 735 (sans la date).

263

264