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les collections aristophil

littérature

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VOLTAIRE (1694-1778).

L.S. « Voltaire » avec 2 lignes

autographes, Ferney 19 janvier 1767,

à Antoine

LE BAULT

, conseiller au

Parlement de Bourgogne, à Dijon;

la lettre est écrite par son secrétaire

Jean-Louis WAGNIÈRE ; 1 page in-4,

adresse avec cachet de cire rouge

aux armes (brisé).

1 500 / 2 000 €

« Il y a environ six semaines que j’ai reçu

cent bouteilles de vin sans aucun avis, et

comme nous sommes bloqués actuel-

lement de tous cotés par les soldats et

par les neiges, il ne m’est pas possible

de savoir d’où ce vin nous est venu. Je

soupçonne que c’est vous qui me l’avez

envoié, et je voudrais savoir ce que je vous

dois. Plut à Dieu que vôtre bonté put nous

consoler dans la disette extrème où nous

sommes de tout ce qui est nécessaire à la

vie ; nous manquons de tout sans aucune

éxagération. Nous sommes précisément

à Ferney comme dans une ville assiégée.

Je ne m’attendais pas à soutenir icy les

horreurs de la guerre dans mes derniers

jours. Cela serait bien plaisant si cela n’était

pas insuportable »… Il ajoute de sa main :

« Jay lhonneur d’etre avec bien du respect

Monsieur votre tres humble et tres obeissant

serviteur Voltaire ».

Correspondance

(Pléiade), t. VIII, p. 880.

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VOLTAIRE (1694-1778).

L.S. « V », Ferney 28 f

évrier 1767

, au

comte de TRESSAN ; la lettre est

écrite par son secrétaire Jean-Louis

WAGNIÈRE ; 4 pages petit in-4.

1 000 / 1 500 €

Belle lettre sur le

Portrait historique de

Stanislas le Bienfaisant

de Tressan, et

sur NEWTON

.

Son ouvrage a fait sur Voltaire « l’impres-

sion la plus tendre. Voilà comme je vou-

drais qu’on fît les oraisons funèbres. Il

faut que ce soit le cœur qui parle. Il faut

avoir vécu intimement avec le mort qu’on

regrete. C’étaient les parents ou les amis

qui faisaient les oraisons funèbres chez

les romains. L’étranger qui s’en mêle a

toujours l’air charlatan. Il y a même une

espèce de ridicule à débiter avec emphase

l’éloge d’un homme qu’on n’a jamais vu ;

mais, où sont les Courtisans dignes de

louer un bon roi ? il n’y a peut être que

vous »...

Il a su les revers de fortune de Tressan :

« je croiais qu’on vous avait dédommagé.

Vous comptez donc allez vivre en philo-

sophe à la campagne. Je souhaitte que

ce goût vous dure comme à moi. Il y a

treize ans que j’ai pris ce parti dont je me

trouve fort bien. Ce n’est guères que dans

la retraitte qu’on peut méditer à son aise ».

« Je signe de tout mon cœur votre pro-

fession de foi. Il parait que nous avons

le même catéchisme. Vous me paraissez

d’ailleurs tenir pour ce feu élémentaire

que NEUTON se garda bien toujours d’ap-

peler corporel. Ce principe peut mener

loin, et si Dieu par hazard avait accordé

la pensée à quelques monades de ce feu

élémentaire les docteurs n’auraient rien

à dire ; on aurait seulement à leur dire

que leur feu élémentaire n’est pas bien

lumineux, et que leur monade est un peu

impertinente »...

Il parle encore de la goutte qui fait souf-

frir Tressan, fait un compliment pour sa

fille, évoque la cour de Lorraine qui « va

s’éparpiller, et la Lorraine ne sera plus

qu’une province »...

Correspondance

(Pléiade), t. VIII, p. 982.

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VOLTAIRE (1694-1778).

L.S. « V », 12 février 1768, [au comte de

ROCHEFORT et à Madame] ; la lettre

est écrite par son secrétaire Jean-

Louis WAGNIÈRE ; 3 pages in-4.

1 500 / 2 000 €

Charmante lettre à de jeunes mariés, les

remerciant d’un envoi de champagne, et

désavouant son dialogue philosophique

Le Dîner du comte de Boulainvilliers

.

[Né en 1738, Jacques de Rochefort d’Ally,

dit le comte de ROCHEFORT, jeune officier,

avait épousé le 3 mai 1767 Jeanne-Louise

Pavée de Provenchères, que Voltaire sur-

nomma « Madame Dix huit ans » puis « Mme

Dix neuf ans ». Voltaire publia

Le Dîner du

comte de Boulainvilliers

, dialogues philoso-

phiques irreligieux, en décembre 1767, mais

le désavoua aussitôt en l’attribuant au poète

satirique Saint-Hyacinthe, mort en 1746.]

« Hier il arriva dans ma cour, couverte de

quatre pieds de neige, un énorme panier de

bouteilles de vin de Champagne. À la vue de

ce puissant remède contre la glace de nos

climats et celle de la vieillesse, je reconnus

les bontés de deux nouveaux mariés qui

dans leur bonheur songent à soulager les

malheureux. C’est une vertu qui n’est pas

ordinaire. […] Votre nectar de Champagne

vient d’autant plus à propos, que celui de

Bourgogne a manqué cette année. Vous êtes

venus à nôtre secours dans le temps que

nous étions livrés à nos ennemis, au plat

vin de Beaujolois et de Mâcon ». Il les invite

pour « en passant venir boire de votre vin.

Nous aurons certainement la discrétion de

ne pas tout avaler et nous vous réserverons

votre part bien loyalement ».

Il est « très affligé d’un bruit qui court dans

Paris, que j’ai diné autrefois avec le comte

de Boulainvilliers et l’abbé Couet. Je vous

jure que je n’ai jamais eu cet honneur. C’est

une chose cruelle de m’attribuer toutes les

fadaises irréligieuses qui paraissent depuis

plusieurs années. Il y en a plus de cent.

Les auteurs se plaisent à me les imputer.

C’est un funeste tribut que je paie à une

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réputation qui me pèse plus qu’elle ne me

flatte. Il est très certain que ce diné dans

lequel on ne servit que des poisons contre

la religion chretienne est de S

t

Hyacinthe,

et qu’il fut imprimé et suprimé il y a qua-

rante ans juste. Cela est si vrai qu’on parle

dans ce petit livre du commencement des

convulsions et du Cardinal de Fleuri, et que

tout y atteste l’époque où il fut composé. Je

sais par une triste expérience combien les

calomnies les plus absurdes sont dange-

reuses, et viennent m’assieger jusqu’au fond

de ma retraitte, et empoisonner les derniers

jours de ma vie. Votre amitié, Monsieur,

et la justice que vous me rendez sont mes

consolations. J’y ajoute celle d’emploier

mes derniers jours à la gloire de la patrie

et de la religion, en donnant une édition du

Siècle de Louis 14

augmentée d’un grand

tiers. Voilà ma seule occupation ; il n’est

pas juste qu’on cherche à me perdre pour

toute récompense »...

Correspondance

(Pléiade), t. IX, p. 312.