Les dernières lettres (1841) sont écrites au gré de ses voyages. Si les deux amants ne vivent plus vraiment ensemble, leur
relation épistolaire ne s’est pas pour autant étiolée.
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ES PAGES
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FOuRMILLANT DE DéTAILS SuR L
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ACTIVITé ARTISTIquE DE L
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éPOquE DONT ELLES TRADuISENT L
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EFFERVESCENCE
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PERMETTENT DE SuIVRE LES MéANDRES DE CETTE GRANDE HISTOIRE D
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AMOuR
,
IMAGE PARFAITE Du ROMANTISME
.
Les lettres, pour la plupart non datées, n’ont pas été reliées dans l’ordre chronologique.
[Paris, vers le 27 avril 1833],
quelques mois seulement après leur rencontre :
Depuis lors, il me semble que vous revivez
en moi : il n’est pas jusqu’à votre démarche si digne, et même votre son de voix grêle et impressif que je n’imite et ne
retrouve, et cela sans effort
[…] Il termine en allemand : “
écrivez-moi comment je puis vous répondre, car je crains.”
Vendredi, 1 heure du matin [3 mai 1833] :
J’ai réentendu hier soir, à la soirée de l’Europe littéraire, la Symphonie
fantastique de Berlioz
[cette exécution eut lieu le 2 mai]
; jamais cette œuvre ne m’avait paru aussi complète, aussi vraie.
Si je ne suis pas tué d’ici à la fin de Juin, probablement je me mettrai à l’œuvre, je l’arrangerai pour piano, quelque peine
et difficulté qu’il y ait à cette entreprise.
[Entre janvier et avril 1834]
, entièrement en allemand
:
Jusqu’à maintenant je n’ai pas encore trouvé de
trou à rats
convenable ; mais j’en visiterai encore quelques un demain dans la rue abcd
[…]
Ich bin allein, ich bin immer allein. —
Qu’on se souvienne de moi ou qu’on m’oublie
[…]
Restez-moi, reste-moi… Je suis et ai et ne veux rien d’autre.
[Entre le 5 et le 14 mai 1833] :
J’ai revu cette semaine notre ami Victor
[Hugo]
et Dumas ; décidément c’est le seul monde,
la seule société que je fréquenterai désormais ; le reste me paraît si vide, si ennuyeusement vain.
”
[Paris, 15 et 16 mai 1833] :
Je souffre, j’ai besoin d’être seul
[…]
Dès demain je m’installe chez mon excellent ami Erard
qui est à Londres ; j’occuperai une petite chambre, rue du Mail, où je lirai, travaillerai, étudierai du matin au soir. Ma
mère et Berlioz auront seuls la permission de forcer la consigne ; tous mes autres amis me croiront partis
[…]
Une seule
passion, une seule foi est restée debout dans mon cœur, c’est la foi, la passion du travail
[…]
Oh ! voyez-vous, Madame, il
y a des hommes que Dieu a marqués au front, pour vivre et mourir en vain… éternellement trompés et détrompés.
[21 ou 22 mai 1833] :
Enfin, une lettre de vous !... Dieu soit béni. Je désespérais
[…]
Je suis absolument seul, seul, non
pas à 6 lieues de Paris, mais à Paris même, au centre de Paris
[…]
Dimanche dernier de midi à 3 heures une grande scène
pathétique rue des Anachorètes : Ch
[opin]
(l’amico) et votre très humble serviteur
[…]
Prières, larmes, fureur, reproches,
sanglots, rien n’y a manqué, c’était magnifique
[…]
Je suis seul, j’ai toujours été seul, qu’on se souvienne de moi ou qu’on
m’oublie. Cet hiver sera, je l’espère, le dernier. Restez à moi, reste à moi... Tel je suis, ne veux et n’ai rien d’autre.
[Vers le 23 mai 1833] :
Billet témoignant des scènes qui, parfois, opposaient les deux amants :
L’explication est dure : je
l’ai peut-être méritée. Quoiqu’il en soit je suis content d’avoir été ainsi jugé
[…] Il enchaîne en allemand, lui disant qu’il
l’attendra demain toute la journée, au deuxième étage de la rue Erard et termine par deux vers de Victor Hugo.
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