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52. SEGALEN (Victor).

L

A

P

AIX À L

’O

PIUM

— A

UTOUR DE L

’O

PIUM

.

D

EuX MANuSCRITS AuTOGRAPHES

, chacun

signé

V. S.

, [1906-1907], 4 pages in-4 et une page in-4 (272 x 215 mm), écrites au recto à l’encre brune,

sous chemise demi-maroquin noir moderne.

4 000 / 6 000 €

T

RèS RARES ET éTONNANTS MANuSCRITS D

uN ARTICLE ET D

uNE NOTE SuR L

OPIuM

.

Importants manuscrits, confirmant la récente découverte que Segalen est bien l’auteur de cet article signé de ses seules

initiales. L’article parut au

Mercure de France

le 1

er

décembre 1906, suivi, dans celui du 15 avril 1907, d’une note sur le

même sujet. Restés inconnus, ces deux textes ont été restitués à Segalen par Gilles Manceron dans sa biographie de

l’écrivain (

Segalen

, Lattès, 1991, p. 230-232).

Segalen, qui terminait alors

Les Immémoriaux,

réagit ici contre un article de Jean Ajalbert (

Le Matin

,

5 octobre 1906), en faveur d’un récent décret chinois proscrivant l’usage de l’opium.

Son article, très ironique, et même démysthificateur, provoqua une polémique,

qui se poursuivit dans la revue en 1907, et l’obligea à rédiger une note pour clore

le débat. Segalen était, tout comme son ami Claude Farrère, un adepte convaincu

de l’opium.

Ces textes, très personnels, montrent également tout l’intérêt qu’il attachait déjà

à la Chine, où il ne se rendra qu’en 1909.

Le début, très sarcastique, donne le ton de l’article :

L’opium, entre autres vertus,

a cette dernière, & singulière : de laisser intacte la raison de ceux qui le fument ;

de faire divaguer, en revanche, tous ceux-là qui parlent de lui. Ce serait donc une

première invite à se taire à son endroit.

Segalen va cependant réfuter successivement

diverses

assertions douteuses.

D’abord,

la Chine et l’opium

: cet édit chinois n’est en réalité destiné qu’à gagner du

temps :

ce délai de dix années suffisant pour leurrer dès maintenant et décevoir dans

le futur l’évidente pression de la “vertu” occidentale.

[…]

Dans dix ans ! Là-bas, le

recul vers l’avenir est tout avantage pour le présent.

quant au

“subtil opium”

:

cette

magie ne pèse et n’opère que sur l’épilogueur : l’opium l’hallucine, littéralement, et

puis le déchaîne. Cependant que le fumeur, l’esprit libre, dispos, aiguisé un peu, lit sans

sourciller ni sourire la chronique où il est parqué parmi le “bétail proscrit”. Lequel des

deux est vraiment l’halluciné ?

Puis Segalen se moque de

l’administration métropolitaine des tabacs qui spécule sur

“les hideux abus” — style d’anti-opiomane-du nicotinisme ; qui bénéficie sur les

probables accidents cardiaques, l’affaiblissement de la mémoire, les stomatites, les ulcères

et les cancers possibles !

Et il termine de manière fort amusante, en préconisant

l’opium

diplomatique : Il serait le grand pacificateur

[…]

donnez aux dits représentants des pipes,

des lampes, des aiguilles, des nattes et de l’opium. Puis, laissez-les fumer à loisir. — Vous

serez étonnés de l’ingéniosité courtoise des débats

[…]

Et l’on aurait ainsi obtenu, du même

coup, la paix à l’opium, et la paix par l’opium.

Dans sa note

Autour de l’Opium,

il s’amuse

de voir vérifiée son assertion précédente, que l’opium faisait

divaguer

(au sens propre) ceux

qui en parlent, et notamment Ajalbert dans ses répliques. En plus, l’opium transforme en

graves vérités historiques

de simples

informations qu’on pouvait tenir comme provisoires.

Il conseille donc de

relire les fortes déclarations de M. Carl Siger, qui rassérèneraient le plus

inquiet des fumeurs, — à supposer qu’un fumeur ait besoin d’autre recours que l’opium

lui-même.

Comme l’indiquent des indications typographiques d’une autre main, ces deux manuscrits ont

servi à l’impression dans le

Mercure de France.

D’

uNE GRANDE RARETé

. La presque totalité des manuscrits de Segalen se trouvent à la BnF,

légués par sa fille Annie Joly-Segalen.

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Victor SEGALEN

(1878-1919)