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Mercredi 26 février 2020

MATHIAS & OGER - BLANCHET

AUTOGRAPHES

splendides, et quel irrésistible mélancolie dans ce calme de la fin ! Encadrer toutes ces douleurs dans l’idée de progrès, c’est une haute

pensée. Vous m’avez nommé deux fois dans cette belle œuvre ; cher poète, je ne vous en remercie pas, je vous aime.

[…]

Au moment même

où votre œuvre vous fait glorieux, la persécution vous fait populaire. Je vous envoie du fond du cœur, mon plus fraternel serrement de main.

Victor Hugo.

»

On cherchait un prétexte pour poursuivre Eugène Pelletan. Il fut fourni, le 3 novembre 1861, par un long article de six colonnes :

La liberté

comme en Autriche

. Pelletan y posait le paradoxe que représentait le spectacle de l’Autriche, symbole même de l’absolutisme en Europe, à

l’intérieur duquel l’empereur François-Joseph introduisait des réformes libérales, et de la France, patrie de la liberté, soumise à l’omnipotence

de Napoléon III. Poursuivi pour “excitation à la haine et au mépris du gouvernement”, il fut condamné à trois mois de prison et 2000 francs

d’amende.

La somme était lourde, et Eugène Pelletan peu fortuné. Il lui fallut vendre sa bibliothèque. L’opposition au régime, cependant, commençait à

se répandre, notamment parmi les étudiants, aux yeux desquels Eugène Pelletan faisait figure de maître. Aussi les volumes de sa bibliothèque

furent-ils achetés à fort prix et, dès le lendemain... restitué !

La prison politique, sous le second Empire, n’était pas désagréable. Elle présentait même l’avantage de fournir un certificat indiscutable de

républicanisme.

1 500 / 2 000

317. HUGO Victor

[Besançon, 1802 - Paris, 1885], poète et écrivain français.

Lettre autographe, signée «

Victor Hugo

», adressée à Eugène Pelletan. «

Hauteville house 15 janvier 

» [1863 ?] ; 3 pages in-12.

En décembre 1861, Eugène Pelletan comparut pour délit de presse devant la 10

e

chambre correctionnelle, il fut condamné à une peine de

3 mois de prison, qu’il accomplit dans le « 

pavillon des princes

 » de Ste Pélagie.

« 

Cher philosophe, toute mon âme est à vous quand je vous lis. Cet extrait des

Fêtes de l’intelligence

qu’un journal m’apporte, est une

émouvante et profonde page. C’est une sorte de tableau double où je suis et où vous êtes. J’y vois ma figure et votre regard. Je me ses

étroitement uni à vous. Nos deux esprits se pénètrent ; nos deux cœurs aussi. Pourquoi mon exil n’est-il pas la prison, quand vous y êtes ?

Pourquoi votre prison n’est-elle pas l’exil quand j’y suis ? Que de choses douces et bonnes nous nous dirions entre les quatre murs de Ste

Pélagie que vous avez habités, ou encore entre les deux infinis du ciel et de la mer que j’habite. Quelle volupté que les mélanges austères

des pensées fortes ! J’ai lu votre

Babylone [

La Nouvelle Babylone. Lettres d’un Provincial

paru en 1862]

applaudissant à chaque page. M.

Lacroix vous a dit sans doute qu’à Bruxelles je lui prêchais sans cesse un livre de vous. Un roman de vous, résumant dans une idée humaine

et sociale, toute votre puissance actuelle, aurait j’en suis certain, un resplendissant succès. Il vient en mémoire à un écrivain

comme vous

est un des besoins de son époque. Vous

[…]

êtes lumière. Que deviendrait, sans les hommes comme vous, ce triste monde cruel qui a deux

pôles, le crime et le vice, et où la matière fait la nuit. Je me laisse aller à causer avec vous comme je causerais avec Platon. Mais avec Platon

vaillant. Donc sérénité intrépide en face des persécutions de toute sorte est un des beaux spectacles de ce temps.

À bientôt n’est-ce pas ? ou ? Partout. J’ai l’espérance de vous serrer bientôt la main. Je n’ai plus assez de place pour vous dire combien je

vous aime. Victor Hugo.

»

Il rajoute en travers des deux pages : « 

Vos admirables pages ont été lues en famille à cette table de Hauteville house, où j’espère vous

viendrez un jour prendre place entre les fils et le père, comme le frère de l’un, et des autres aussi.

 »

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