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1. L’amiral Luc Urbain du Bouëxic, comte de Guichen (1712-1790).

2. Le général Henry Clinton (1738-1795), commandant en chef des

troupes britanniques.

3. L’amiral Charles Henri d’Estaing (1729-1794).

4. Charles-François, chevalier du Buisson des Aix (1752-1786),

embarqua avec Lafayette, en 1777. Ils avaient servi ensemble dans le

régiment des dragons de Noailles. Il fut aide de camp du général baron

de Kalb durant la Guerre d’Indépendance.

RÉFÉRENCES :

Lettres inédites du général de Lafayette au vicomte

de Noailles

, Paris, 1924, p. 2” --

Lafayette in the Age of the American

Revolution,

Cornell University press, 1980, pp. 204 et 508

25 000 / 35 000

et la gauche à l’escarpement de la Montagne. C’est en avant

de cette gorge que toute ma division légère était campée. Elle

couvrait toute la gauche et une partie du front de l’armée.

Mais si au lieu de prendre les routes de Paramus et Hakinsac

l’ennemi venait par Nordrech, il trouverait sur notre droite deux

gorges qui donnent également entrée dans nosmontagnes. C’est

là que je vais m’établir demain, du moins pour quelques temps.

Dans tous les cas, de quelque côté que l’ennemi vienne, je dois

marcher aux passages où je puis le combattre avec avantage, et

les mouvements de l’armée se règleront sur les circonstances.

Voilà, mon cher ami, quelle est notre position actuelle.

J’ai des excuses à te faire d’avoir ouvert une lettre pour toi,

mais elle m’est arrivée avec un paquet qui m’était adressé ;

d’ailleurs cette lettre n’est pas fort intéressante pour les secrets

qu’elle contient, elle est du chevalier du Buisson

4

quant à la

signature, car la diction et l’orthographe de la lettre prouvent

qu’il ne l’a pas écrite. Tu trouveras par le style que son amour

propre est content de son existence actuelle. Mais dans le

fond il s’est battu comme un diable à côté du Baron de Kalb.

Il avait dans l’armée un rang sans commandement ; on lui en

a donné un dans l’État du Nord Caroline qui, quoique civil,

a un beau nom ; il faut tâcher que ce compliment fait à sa

bravoure et à la mémoire du Baron de Kalb puisse lui être utile

en France où l’on ne fera pas tant de différence entre la milice

et l’armée. Mais j’ai peur que le malheureux ne meure car il

crache toujours le sang. Parle de lui à M. de Rochambeau et

présente lui ses respects.

J’espère, mon cher Vicomte, que nos maîtresses ne seront

jamais assez exigeantes pour nous empêcher de faire un

souper de filles, ni assez bêtes pour rompre une partie par

obéissance. Si j’avais une maîtresse, mon sentiment serait

en partie fondé sur la délicatesse ou fierté qu’elle montrerait

à ne pas témoigner de jalousie, et sur la liberté que j’aurais

de faire tout ce que je voudrais, même de la négliger, sans la

trouver jamais exigeante. Cette maîtresse alors m’attacherait

pour toujours, je le crois du moins ; si ce n’était plus par une

passion violente au moins par l’attachement le plus tendre. Je

n’aime pas les filles parce que la bêtise endort et l’impudence

dégoûte ; mais tant qu’elles auront mes aimables amis pour

amants, leur bon goût me raccommodera avec elles.

Adieu, mille compliments à la société des soupers. J’embrasse

Lauzun, Damas et Charlus qui peut lire cette lettre si elle

l’intéresse. Dans trois ou quatre jours je t’écrirai encore.

mountain. It is in front of this gorge that my whole light division

has been encamped. It has covered the whole left and part of

the front of the army.

But if instead of taking the roads fromParamus and Hackensack

the enemy came through Newark, they would find on our right

two gorges that also give access to our mountains. That is

where I am going to establish myself tomorrow, at least for a

time. In any case, from whatever direction the enemy might

come, I must march to the passes where I can fight them with

advantage, and the army’s movements will be adjusted to the

circumstances. That, my dear friend, is our present situation.

I have an apology to make to you for having opened a letter

for you, but it came with a packet addressed to me ; besides,

this letter is not very interesting for the secrets it contains. It

is from chevalier du Buisson, according to the signature, for

the diction and the spelling of the letter prove that he did not

write it. You will see by the style that his self-esteem is satisfied

with his present existence. But in fact he fought like a devil

beside the Baron de Kalb. He had a rank in the army without a

command ; he was given a rank in the state of North Carolina

which, although civilian, has a fine title. We must try to see

that this compliment to his bravery and to the memory of the

Baron de Kalb may be useful to him in France, where they do

not make so much distinction between the militia and the army.

But I fear that the poor man may die because he is always

spitting blood. Mention him to M. de Rochambeau and present

his respects.

I hope, my dear vicomte, that our mistresses will never be so

demanding as to prevent us from having supper with other

girls, or we so stupid as to break up a party out of obedience.

If I had a mistress, my feelings would be partly based on the

delicacy or pride she would display in not showing jealously

and on the freedom I would have to do anything I wanted,

even to neglect her, without ever finding her demanding. That

mistress then would bind me forever, at least so I believe, if not

by a violent passion, at least by the most tender attachment.

I don’t like girls because silliness is boring and impudence

disgusting ; but as long as they have my amiable friends for

lovers, their good taste will reconcile me to them.

Farewell, a thousand compliments to the supper group.

I embrace Lauzun, Damas, and Charlus, who may read this letter

if it interests them. In three or four days I shall write you again.