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LAFAYETTE
, Gilbert du Motier, marquis de
Lettre autographe à Louis Marie, vicomte de Noailles
Au camp, 4 novembre 1780
2 pp.1/2 in-4
[en français]
LE GÉNÉRAL GREENE NOMMÉ COMMANDANT EN CHEF
DE L’ARMÉE DU SUD PAR WASHINGTON. LE GÉNÉRAL
LAFAYETTE NOMMÉ COMMANDANT EN SECOND.
GENERAL GREENE IS APPOINTED AS COMMANDER
IN CHIEF OF THE SOUTHERN ARMY BY WASHINGTON.
GENERAL LAFAYETTE IS APPOINTED AS HIS SECOND IN
COMMAND
J’ai retardé ton exprès pendant deux jours, mon cher ami, et
les ai employés à retourner les moyens de faire ce qui te peut
convenir, en même temps que je te donnerais un conseil dicté
par ma tendresse pour toi.
Je te dirai premièrement qu’ayant un grand nombre d’officiers
plus anciens que moi dans l’armée, le choix du général
Washington ne pouvait tomber sur moi sans faire un très
mauvais compliment à tous les autres. D’ailleurs le général
Greene, outre son ancienneté, a beaucoup d’esprit et de
talents, et le général lui avait des obligations particulières. En
étant le second de cette armée, je suis en liberté d’être ici ou
là-bas suivant les circonstances.
Quelque soient tes projets, mon cher frère, tu sens que ni le
Congrès ni le général Washington ne feront rien avant d’avoir
consulté M. de Rochambeau, et tu le connais assez pour
prévoir la réponse. Mais dans tous les cas, le premier pas est
que tu viennes ici. Rien n’est plus simple que le voyage. Il ne
peut donner aucun soupçon à vos généraux, et puis quand
tu seras ici nous causerons bien mieux qu’on ne peut le faire
par lettres sur le parti qu’il te conviendra de prendre, et sur le
moyen de venir à bout de nos désirs.
Je ne partirai pas dans aucun cas avant les premiers jours de
décembre. Je te prie de n’en pas parler ; il peut se présenter
des circonstances qui changent mes projets ; mais je crois
bien cependant aller passer mon hiver au Sud. Une de mes
raisons pour désirer de causer est que je crains toujours de
voir tomber ces diables de lettres en mains ennemies. Fais-
moi savoir quand tu viendras. Charlus j’imagine et Damas,
peut-être le chevalier de Chastellux t’accompagneront ; j’ai
grande envie d’en être averti d’avance parce que je voudrais
être chez moi ce jour-là et que souvent je cours les champs.
Viens, mon ami, dans le courant de ce mois ; c’est là le premier
pas. D’ici tu pourras ou écrire ou aller parler suivant que nous
le jugerons convenable. Je joins ici la lettre en question.
Adieu, je t’embrasse avec un cœur plein de ce que désires, et
qui y pense à tous les moments de la journée.
I delayed your express for two days, my dear friend, and used
the time to mull over the means of doing what may suit you
and at the same time of giving you some advice dictated by my
affection for you.
First I shall tell you that, as there are a great number of officers
senior to me in the army, General Washington’s choice could
not have fallen on me without doing a very grave disservice to
all the others.
Besides, General Greene has much spirit and talent, in addition
to his seniority, and the general has special obligations to him.
As I am the second in this army, I am at liberty to be here or
there according to the circumstances.
Whatever your plans, my dear brother, you realize that neither
Congress nor General Washington will do anything before
consulting M. Rochambeau, and you know him well enough to
predict the answer. In any case the first step is for you to come
here. Noting is more simple that the trip. It cannot cause your
generals any suspicion, and then when you are here we shall
talk much better than we can by letters about the course it is
advisable for you to take and about the means of achieving
our desires.
In any case I shall not leave before the early part of December.
Please don’t talk about it. Circumstances may arise to change
my plans, but in the meantime I really believe I shall go to spend
my winter in the South. One of my reasons for wanting to talk is
that I am always afraid of seeing these confounded letters fall
into enemy hands. Let me know when you will come. I imagine
Charlus and Damas and perhaps the chevalier de Chastellux
will accompany you. I would very much like to be notified in
advance, because I would like to be at home that day and I am
often wandering about the country.
Come, my friend, in the course of this month. That is the first
step. From here you can either write or go to talk, as we shall
deem appropriate. I enclose here the letter in question. Adieu,
I embrace you with a heart full of what [you] desire, and as one
who thinks about it every moment of the day.




