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Marcel PROUST
.
L..A.S., [1922, à Henri
P
inard
] ; 5 pages et demie grand in-8.
M
agnifique
lettre
inédite
sur
le
souvenir
de
R
obert
de
M
ontesquiou
, quelque temps après son décès (11 décembre
1921), à l’occasion de la parution d’un ouvrage posthume
[
Le Mort remontant
ou
La Trépidation, scènes de mœurs
mondaines
, Émile-Paul frères, 1922]. La lettre est adressée
à l’exécuteur testamentaire de Montesquiou et son dernier
secrétaire.
« L’émouvant envoi m’est bien parvenu, dans son tragique
familier. Je vous adresse tous mes remerciements que je vous
exprimerai mieux dès que je serai en état de lire le livre. Je
suis en ce moment si gravement malade que, si ce n’avait été
la volonté de vous remercier de m’avoir mis par ce livre en
communication posthume avec Monsieur de Montesquiou
– volonté qui m’a fait prendre un médicament puissant, à
l’effet bref, et sans lequel il m’eut été impossible d’écrire – je
n’aurais pas fait cette exception unique à la règle qui m’est
imposée, non seulement par les médecins, mais par le mal
– du silence absolu. L’adjectif posthume convient bien mal
à ce qui touche Monsieur de Montesquiou. Jamais mort ni
vivant ne me parurent si vivants ». Il sent ses forces, réveillées
artificiellement, le quitter déjà ; il est si faible qu’il ne peut
même pas ouvrir le journal. Il s’étonne de ne pas connaître son
correspondant, qui se dit « un ami de toujours » du défunt, et
tente de l’identifier : « Serait-ce par hasard vous qui le soir de
la 1
ère
[…] de
S
t
Sébastien
d’
A
nnunzio
, vîntes chercher notre
Maître et ami en voiture pour le ramener au Vésinet et nous
déposâtes en route. Si c’est vous, je me souviens très bien et
très agréablement de votre visage »… Il lui récrira bientôt car
il a l’intention depuis longtemps, « de ne publier aucune étude
avant celle que je veux écrire sur Mons
r
de Montesquiou. Or
il me sera précieux à ce moment là de me concerter, fût-ce
par correspondance avec vous. Moi aussi je suis un ami de
toujours de Mons
r
de Montesquiou. Il y a bien trente ans que
je fis sa connaissance. Vous ne m’en serez pas moins utile car
il me manque les dix dernières années, pendant lesquelles la
maladie me tint éloigné de lui. Vous avez été plus heureux,
puisque vous n’avez cessé de le voir »…
6 000 / 8 000
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