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HISTOIRE
croient « que je me juge un personnage trop important pour tenir
compte d’eux » (25 avril 1942).
Il n’en néglige cependant pas son œuvre romanesque. Dès mai 1940,
il charge Ofaire d’envoyer à Plon le dernier chapitre de
Monsieur
Ouine
« commencé en 1931, annoncé religieusement, depuis, chaque
année » qu’il vient de terminer. Il reçoit des propositions du Canada,
de Londres…
Sous le Soleil de Satan
est « traduit et mis en vente
depuis des mois » chez Mac Millan à New-York (5 février 1942).
Le 19 octobre 1942, il accepte les conditions de l’éditeur Brown à
Londres, pour la vente des droits définitifs de
Monsieur Ouine
, mais
émet des réserves.
Bernanos évoque aussi sa famille : sa femme Jeanne, ses enfants,
notamment ses fils Yves et Michel qui tentent de rejoindre la France
Libre ; ses amis d’ici et d’ailleurs. Apprenant la condamnation à mort
de quatre dominicains, il s’inquiète du sort du père Brückberger, qui
lui a consacré une étude (5 juillet 42).
Il charge son « chercharlofaire » de diverses commissions : une selle
pour son cheval (mai 1941), du tissu pour des coussins et un divan ; il
fait même un croquis (mardi 2 septembre 1942). On le voit pris par le
découragement : « Je succombe sous le poids des petites misères,
des petites misères quotidiennes, des petites misères anonymes,
comme un vieil âne sous un sac de pommes de terre » (décembre
1942). Mais souvent l’humour prend le dessus, par exemple quand il
inscrit cet en-tête fantaisiste : « Barbacena. Château de la Cruz das
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BERTHIER Alexandre
(1753-1815) maréchal et ministre de la
Guerre.
L.S. « Alexandre », Paris 10 juin 1811, au général
BELLIARD
;
2 pages in-4.
300 / 350 €
Vigoureuse réprimande au général Belliard qui voulait présenter
sa démission à l’Empereur
.
[Auguste-Daniel BELLIARD (1769-1832), qui s’était illustré en Égypte,
commandait alors en Espagne.]
Berthier n’a pas remis cette lettre à l’Empereur « car Sa Majesté
m’auroit certainement ordonné de vous dire que vous aviez sans doute
perdu la tête […] ;
qu’o rir sa démission pour n’avoir pas exécuté un
ordre, c’est déclarer qu’on ne veut pas obéir ; c’est s’exposer aux
suites que peut avoir la désobéissance : que ces 4 mille hommes
et ces 1200 chevaux auroient pu sauver l’armée du Midi
; que vous
auriez pu évacuer Cuenca ou tout autre point,
mais exécuter l’ordre
de l’Empereur
. Il y a dans votre lettre deux ou trois passages qui ne
sont pas d’un soldat, & si je les avois mis sous les yeux de l’Empereur,
Sa Majesté n’y auroit vu qu’un manquement à la discipline & peut-
être eut-Elle fait un exemple sévère ». C’est par égard à l’amitié qu’il
lui porte et à ses anciens états de service qu’il ne l’a pas remise à
Napoléon ; il lui a dit au contraire que ses ordres étaient exécutés :
« Dans cette protestation de sentimens d’honneur et de personnalité,
Elle n’auroit trouvé qu’aÀectation et indiscipline ; Elle m’eut dit que
l’honneur d’un Général consiste
à obéir, à maintenir les subalternes
sous ses ordres dans le chemin de la probité, à faire régner la bonne
discipline, à se livrer exclusivement aux intérêts d’État et du Souverain
et à dédaigner entièrement ses interets particuliers »…
Almas. Bâtiment C – annexe XIV – bureau 18 – 7
me
étage. Service de
la correspondance Sud-Américaine » (4 avril 1941).
Ce recueil de lettres est un reflet fidèle de la pensée et de la personnalité
de Bernanos. Sa langue fougueuse et caustique s’employait à entretenir
l’esprit de résistance, en toute circonstance.
Provenance
: Bibliothèque Dominique de VILLEPIN.
Feux & flammes.
Un itinéraire politique
. I
Les Voleurs de feu
(28 novembre 2013, n° 145).




