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les collections aristophil
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BERNANOS Georges
(1888-1948) romancier et écrivain de
combat.
65 L.A.S. « G. Bernanos » (une « votre vieil ami », une non
signée), 1939-1942, à Charles OFAIRE ; environ 170 pages
in-4 ou in-8 (trous de classeur), montées sur onglets sur de
À. de papier vélin d’Arches ; reliure demi-maroquin vert à
coins (dos passé), étui (
Devauchelle
).
4 000 / 5 000 €
Importante correspondance du Brésil durant la guerre à son ami
et éditeur Charles Ofaire
.
Désespéré par la démission des responsables politiques français
impuissants face à la montée du nazisme, Georges Bernanos s’exile
volontairement en Amérique latine, deux mois avant la signature
des accords de Munich. Après un bref passage par Rio de Janeiro,
il s’établit dans l’état du Minas Gerais, d’abord à Pirapora, puis à
Barbacena, où il achète une ferme (
Cruz das Almas
) et où il réside
jusqu’à la Libération.
Éditeur suisse installé à Rio, Charles OFAIRE y a fondé sa maison
d’édition Atlantica Editora, où il fait paraître
Monsieur Ouine
en
1943. Il fait également publier les articles de combat de Bernanos,
dans des revues étrangères, principalement latino-américaines, qu’il
recueille entre 1943 et 1945 en 4 volumes intitulés
Le Chemin de la
Croix-des-Âmes
.
Certaines lettres sont adressées simultanément à Ofaire et à sa femme.
Bien que traitant, pour l’essentiel, de la publication des articles de
Georges Bernanos entre 1939 et 1943, elles accordent une large place
aux combats politiques et au travail littéraire de l’écrivain.
Bernanos se désole de la défaite des armées françaises en mai
1940 : « Nous buvons depuis des jours, à long traits, l’angoisse et
l’humiliation. Les hommes de Munich ont accompli leur tâche » (21
mai 1940). L’honneur de la France est sali par cette déroute militaire
et morale : « Une Revue,
Dublin-Review
, m’a demandé par câble,
il y a trois semaines, un article “sur la guerre, S
t
Louis, Jeanne
d’Arc, et l’honneur français”. Ça manque un peu de tact de me
demander de parler en ce moment de l’honneur français. Tant pis »
(28 novembre 1940). Bernanos se montre aussi circonspect quant à
la fiabilité de l’allié anglais, dont l’aviation a détruit la flotte française
dans le port de Mers-el-Kébir, le 3 juillet 1940. En plus des articles
pour la presse sud-américaine, il doit penser aussi « à la B.B.C.,
bien que je commence à trouver bien décevante et
bien suspecte
cette obstination du gouvernement anglais non seulement à refuser
de reconnaître un gouvernement
légal
de la France libre, mais à
reconnaître ociellement celui de Pétain, auquel les français libres
font la guerre. Si ça continue, notre situation sera intenable vis-à-vis
du public français mal informé, auquel on fera croire de plus en
plus que nous sommes de simples exécutants des consignes de la
propagande anglaise […]. Je mets dans le même sac le totalitarisme
de Mussolini et la démocratie de M. Ford. Merde et merde. Vive le
Brésil ! » (15 décembre 1940). Bernanos suit de près les événements :
« Je n’ai jamais tant rigolé qu’en lisant la liste du “Grand Conseil” de
Vichy. Pesquidoux ! les premiers ouvriers de France ! Abel Bonnard !
et tout… et tout… et tout, ma chouère ! » (26 janvier 1941).
Dans ses lettres, Bernanos évoque longuement ses travaux littéraires,
liés aux combats politiques. De Belo Horizonte, en juillet 1940, il
indique : « Dans ma campagne de presse, je tiens beaucoup à ne pas
causer d’ennuis, à ne gêner en rien le gouvernement brésilien par des
polémiques personnelles, ce qui serait mal reconnaître l’hospitalité
si courtoise qui m’a été donnée ici. J’ai l’intention de commencer
une série d’articles, qui seraient le développement d’un plan général,
ce qui permettrait de les faire paraître ultérieurement en brochure.
J’ai pensé à ce titre : “Un Français vous parle” »… « Mon procédé a
toujours été de scandaliser quelques imbéciles pour contraindre les
autres à réfléchir. » (10 février 1941). L’écriture sert ainsi de viatique pour
sensibiliser les hommes, particulièrement les Français, aux causes qu’il
défend : « Si je me sens très peu capable de défendre mes intérêts
personnels, je ne voudrais pas qu’on crût là-bas que j’abandonne
mes livres à leur sort, lorsqu’il s’agit de leur rayonnement possible
et des idées que j’y défends » (juin 1941). La littérature comme arme
doit être utilisée de la manière la plus ecace possible, au risque de
passer à côté de l’essentiel : « Je me reproche de n’avoir pas assez
dit quelle est la fonction de la France dans le monde en face des
salauds de l’un et de l’autre bord » (20 mai 1942).
Il envoie à Ofaire, qui se charge de la dactylographie et de la traduction,
ses articles destinés à diÀérentes revues, notamment
O Jornal
à
Rio,
la Prensa
et
Sur
à Buenos Aires ; il s’inquiète de la censure
et surveille de près les traductions qui ne reflètent pas toujours
exactement sa pensée. Il travaille à ses
Lettres aux Anglais
, dont il
attend la publication avec impatience au Brésil et chez MacMillan
à New-York ; la troisième fait déjà 210 pages ! (juillet-août 1941). Il
envoie des exemplaires aux critiques brésiliens, ne voulant pas qu’ils




