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les collections aristophil
LES ANNÉES 1920 - 1930
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COCTEAU JEAN
(1889-1963)
Lettre autographe signée adressée à Henry BARBUSSE.
S. d., [1927], 1 page in-4 à l’encre sur papier bleu.
200 / 250 €
« Mon cher Barbusse, Je vous aime, vous respecte et vous admire
beaucoup, vous le savez. Vous savez aussi combien mon cœur se
révolte avec les vôtres. Je vous embrasse. Jean Cocteau.
P.S. Ne doutez jamais de ma profonde gratitude pour votre clairvoyance
et ne me confondez pas avec les esthètes du scandale et les
conservateurs de vieilles anarchies. J. C. ».
Cette déclaration d’admiration de Jean Cocteau pour Henri Barbusse
surprend d’abord, tant l’auteur de
Thomas l’imposteur
et celui du
Feu
(deux romans radicalement différents sur la Première Guerre
Mondiale) semblent éloignés.
Pourtant le communiste militant qu’était Henri Barbusse avait fait
l’éloge littéraire de Jean Cocteau, et ce dernier avait écrit à propos
de la Révolution russe : « Je refuse absolument de critiquer un peuple
qui change de peau ».
Le post-scriptum vise directement les surréalistes, « esthètes du
scandale », avec qui Cocteau était alors en conflit violent, et que les
communistes regardaient d’un œil méfiant.
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COCTEAU JEAN
(1889-1963)
Lettre autographe signée adressée à Jean Marais.
S.l.n.d. [circa 1940], 1 page in-4 à l’encre sur papier.
1 000 / 1 500 €
Lettre amoureuse de Jean Cocteau à Jean Marais signée d’une étoile
et relative en partie à la pièce de Jean Cocteau
Le Bel indifférent
joué
par Edith Piaf et Paul Meurisse.
« […] Il n’y a que de toi, que de tes lettres, mon bel ange, que je reçois
du calme et des forces. Nous avons obtenu ce soir le sursis de Paul
Meurisse. Piaf était folle de joie et je la comprenais. Il pourra donc
créer le rôle. Mon ange adoré. Je t’écris mal parce que je suis... très
nerveux à cause de l’attitude idiote de Bébé (Christian Bérard). […]
Mais si tu arrives alors tout sera superbe […] ».
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COCTEAU JEAN
(1889-1963)
La Poësie
, manuscrit autographe.
S.l.n.d., 5 pages in-4 au crayon sur papier.
1 000 / 1 200 €
« La poësie si j’osais la définir serait l’élégance même. est donc normal
qu’elle joue de la plus petite chose à la plus grande - mais grande ou
petite la chose devient souvient invisible lorsque la poësie l’habite […]
faut croire que ce monde pris naissance dans un certain désordre
qui devint notre ordre et en quelques sorte notre style personnel
[…] J’ai remarqué que je prenais le style du personnage que je joue,
dans la vie, non pas que je me pousse dans ce sens pour me donner
le réalisme qui est à la base de toute poësie. C’est celui qui me
permettrait de montrer au jour tous les défauts que j’ai essayé de tirer
de moi. J’aimerais presque toujours jouer des rôles qui ne sont pas
pour moi... Les êtres anti-poëtiques sont les êtres qui veulent écrire
le langage poëtique. Le cinéma permet de dépasser les frontières
humaines, comme le prouve « orphée » parce qu’il nous montre de
qui l’écriture ou l’imagination nous offre de nous […] La poësie est une
haute élégance morale. Oui la poësie est lente et nous jugeons parfois
trop vite. La lumière des poëtes est aussi longue à vous arriver que
celle des étoiles […] notre époque ou la poësie se cache de plus en
plus et se montre sans cesse là où on ne croyait pas l’attendre. Le
comble de la poësie c’est de n’avoir pas « l’air poëtique ». L’artisanat
est la poësie même. J’aime rendre réalisable l’irréalisable. Ce qui me
donne le plus de courage mais hélas on ne fait pas ce qu’on veut. La
définition de moi-même : le travail et le désir de plaire aux quelques
personnes qui comptent à mes yeux ».
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COLETTE SIDONIE-GABRIELLE
(1873-1954)
À l’ombre du Mal
de Henri-René LENORMAND,
manuscrit autographe signé.
1924, 7 pages in-8 et in-4 à l’encre sur papier bleu.
1 000 / 1 500 €
Manuscrit autographe signé de Colette, critique destinée au journal
Le Matin de la pièce
À l’ombre du Mal
d’Henri-René Lenormand.
« […] Le mâle, l’inégal, l’attachant talent de Lenormand chérit, encore
une fois l’Afrique. Une étude de mœurs coloniale, encore ? Non.
L’âme noire, l’âme jaune, n’ouvrent pas plus leurs autres secrets pour
l’auteur à l’ombre du mal que pour nous-mêmes […] ».
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CREVEL RENÉ
(1900-1935)
La Mort Difficile
, manuscrit autographe signé.
« 29 septembre 1925 », 88 pages in-folio à l’encre noire ou
violette sur divers papiers vélin lignés ou non, numérotées
de 1 à 71, monté sur onglets et relié en un volume in-folio
pleine toile chagriné bordeaux, doublures et gardes de
papier imprimé or à motifs de cœurs, emboîtage demi-
chagrin bordeaux titré or (Alain Lobstein). (Quelques petites
taches d’encre ; infimes jaunissements).
30 000 / 50 000 €
Précieux manuscrit autographe complet et vraisemblablement
unique de l’un des plus beaux et tragiques romans de Crevel
publié
à Paris, chez Simon Kra, en 1926, pour lequel il inventa une forme
nouvelle de « roman poétique » proche du surréalisme et dont le
personnage principal, Pierre Dumont, est le double de son auteur, pris
dans l’éternel mal être de son homosexualité, de la fatalité familiale
et prémonitoire quant à sa fin tragique par suicide.
Titre autographe à l’encre bleue sur papier vergé fort : « Manuscrit
complet / La Mort difficile / Roman / par René Crevel / 1926. ». Le
chapitre IV intitulé « La nuit, le froid, la liberté, la mort » présente la
relation amoureuse et douloureuse que Crevel entretint avec le peintre
américain Eugene Mac Cown, portraituré ici sous les traits d’Arthur
Bruggle. Ce manuscrit, le seul connu de ce roman, comporte près
de 550 corrections autographes dont 22 lignes entièrement biffées.
Le texte est très proche de la version définitive avec toutefois de
nombreuses variantes (le premier et le dernier chapitres portent des
sous-titres différents : « Les Mères » au lieu de « De fil en aiguille » pour
le premier et « Ne sachant ni n’osant rien aimer » au lieu de « Secourir
encore » pour le dernier). Seul le tout dernier chapitre (occupant à
peine trois pages dans l’édition imprimée et à peine trois-quarts de
pages in-folio dans le manuscrit – page très corrigée) présente une
version toute différente de celle définitive imprimée. Ce manuscrit n’a,
semble-t-il, jamais été étudié. Dans une lettre de Crevel adressée à
Jouhandeau et conservée au Fonds littéraire Doucet, ce manuscrit est
qualifié de « manuscrit de travail » et on découvre combien l’écriture
de La Mort difficile précipita la rupture de la relation entre Crevel et
Eugene Mac Cown. Comme l’écrit Jean-Michel Devésa : « Il semble
que la lecture du manuscrit de travail de La Mort difficile ait secoué
Euguen Mac Cow qui, bouleversé par ce que son ami dévoilait de sa
personnalité, détruisit plusieurs de ses toiles. Crevel qui en fut navré
et qui, à cette époque, ne songeait pas à rompre, décida de rajouter
alors un bref épilogue au roman afin d’en atténuer la charge. » (J.-M.
Devésa, René Crevel et le roman, Rodopi, 1993, p. 237).
Est joint
un contretype d’une photographie de Man Ray montrant
Crevel avec Tzara jouant du banjo et un troisième personnage, vers
1925 (127 x 177 mm). Indications pour la reproduction au verso.
provenance
Ex-libris dessiné par B. Pascarel, à la devise : « Non inferiora secutus »,
collé sur le premier contreplat.
Détail
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