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les collections aristophil
LES ANNÉES 1920 - 1930
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GAUGUIN PAUL
(1848-1903)
Noa Noa
, livre illustré moderne.
Paris, 1926. In-4 broché, chagrin citron, emboîtage titré.
1 500 / 2 000 €
Édition fac-similé
de ce texte autobiographique, rédigé à Paris en 1893
à partir de notes prises sur l’île, présente avec passion les coutumes,
l’histoire et les paysages de Tahiti : « […] pour chanter et causer on
s’assemble dans une sorte de case commune. On commence par
une prière, un vieillard la récite d’abord consciencieusement et toute
l’assistance la reprend en refrain ! Puis on chante […] ».
À travers cet ouvrage, dont l’iconographie est composée d’un
mélange de dessins, d’aquarelles, de gravures, de monotypes et de
photographies, Gauguin souhaite éclairer le public sur ses toiles peintes
en Polynésie qui peuvent paraître trop mystérieuses ou ésotériques.
Une partie du texte paraît dans La Revue Blanche en 1897 puis, par
extraits, dans La Plume et L’Action humaine (1901).
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GIDE ANDRÉ
(1869-1951)
Ensemble de trois lettres autographes signées adressées
à la poétesse Lucie DELARUE-MARDRUS, concernant
son roman
L’Immoraliste
.
1 000 / 1 200 €
1/ Lettre autographe signée « A. Gi. », sans date [1902], 2 pages in-8
à l’encre sur un double feuillet de papier vergé.
2/ Lettre autographe signée, sans date [1902], 3 pages in-8 à l’encre
sur un double feuillet de papier vergé. Un mot biffé et corrigé à la
sixième ligne de la deuxième page.
3/ Lettre autographe signée et datée « Cuverville 23 juin [1902] »,
2 pages in-8 à l’encre sur papier.
Ces trois lettres ont été adressées au cours du mois de juin 1902 à
la poétesse Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945) depuis la propriété
familiale de Cuverville, en Normandie. André Gide les a écrites peu
après la première édition, tirée à 300 exemplaires seulement de son
roman
L’Immoraliste
, publié au Mercure de France. La destinataire
venait de commencer sa carrière littéraire avec le recueil de poèmes
Ferveur
(1902), dont il est question dans une des lettres.
Il est vrai que la poétesse avait bien saisi les enjeux du livre, écrivant
dans son article : « Si nous voulons essayer de dégager la difficile
morale de L’Immoraliste, disons que, même en restant impuissant
comme Michel, il est utile, il est nécessaire que chaque homme ait
le courage d’aller jusqu’au bout de lui-même […] Et le seul crime
humain, l’unique pêché originel, [c’est] le Mensonge ».
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GIDE ANDRÉ
(1869-1951)
Si le Grain ne meurt
, épreuves corrigées avec annotations
autographes.
Sous deux emboîtages titrés, recouverts de papier glacé
in-4 et in-12.
2 000 / 3 000 €
Feuillets d’épreuves corrigés pour la première édition en librairie de
son ouvrage
Si le Grain ne meurt (
Nrf, 1924-1926). Ensemble important
de 163 feuillets in-4, provenant de différents tirages avant mise en
page avec de nombreuses annotations autographes, et d’environ 400
feuillets in-16 tirés après mise en page.
Si le Grain ne meurt
, mémoires littéraires, confession impudique,
fresque sociale et familiale. Gide avait affirmé très tôt le désir de
publier des mémoires de son vivant, et avait ouvert dès 1893 un
dossier de notes classées chronologiquement, intitulé « De me
ipso ». Il en poursuivit la rédaction jusqu’en 1919, et le fit imprimer
sous le titre Si le Grain ne meurt en 1920-1921, en deux volumes
tirés à 13 exemplaires, destinés à ses proches. Il se décida à publier
l’ouvrage en librairie en octobre 1926 (Nrf, 3 volumes datés 1924),
mais s’attira d’abord des reproches unanimes de ses proches et
de la critique. Il expliqua alors que cette publication était pour
lui un choix fondé sur une impérieuse nécessité intérieure. De sa
main, il a changé tous les noms propres – dont celui de sa femme
Madeleine en Emmanuelle, comme dans
Les Cahiers d’André
Walter
–, supprimé des passages portant des attaques désobligeantes,
ajouté plusieurs phrases entières, retravaillé le style de nombreux
passages. Ainsi, au sujet de sa tante adultère et des souffrances
de sa cousine à ce sujet, Gide biffe presque tout ce paragraphe :
« Je pense aujourd’hui que rien n’affectait davantage cette enfant que
de devoir cacher à son père qu’elle vénérait ce secret de polichinelle,
dont riaient les bonnes ». Il le remplace par « Je pense aujourd’hui
que rien ne pouvait être plus cruel, pour une enfant qui n’était que
pureté, qu’amour et que tendresse, que d’avoir à juger sa mère et à
réprouver sa conduite ; et ce qui compliquait le tourment, c’était de
devoir garder pour elle seule, et cacher à son père qu’elle vénérait, ce
secret qu’elle avait surpris je ne sais comment et qui l’avait meurtrie
– ce secret dont on jasait en ville, dont riaient les bonnes » (p. 103).
Autre passage très modifié : « Surtout, j’aurais voulu me faire aimer ;
je donnais mon âme en échange. Cette préoccupation me posséda si
fort que, longtemps ensuite, je ne pus écrire et j’allais presque dire :
penser, qu’en face de ce petit miroir ; pour prendre connaissance de
mon émoi, de ma pensée, il me semblait que, dans mes yeux, j’avais
d’abord besoin de la lire. Tout ce que j’écrivais alors se ressentait de
cette complaisance ». Gide y a porté diverses corrections, et a modifié
entièrement la dernière phrase, biffée : « Surtout, j’aurais voulu me
faire aimer ; je donnais mon âme en échange. En ce temps, je ne
pouvais écrire, et j’allais presque dire : penser, me semblait-il, qu’en
face de ce petit miroir ; pour prendre connaissance de mon émoi, de
ma pensée, il me semblait que, dans mes yeux, il me fallait d’abord
la lire. Comme Narcisse, je me penchais sur mon image ; toutes les
phrases que j’écrivais alors en restent quelque peu courbées » (p. 196).
Gide revient ainsi sur la période de sa vie antérieure à 1896 : il retrace
sa jeunesse, souligne les contrastes familiaux (industriels normands
catholiques jansénistes et vieille souche huguenote d’Uzès), expose son
goût pour la nature et la musique, l’importance chez lui du sentiment
religieux, étroitement lié à son amour pour sa cousine Madeleine
Rondeaux. Il aborde également son amitié avec Pierre Louÿs.




