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2.

Guillaume APOLLINAIRE

(1880-1918).

M

anuscrit

autographe signé,

La Vie anecdotique

. La nouvelle

religion de la vélocité. – La science futuriste. – Umberto Boccioni. – Futurisme italien

, [1916] ; 8 pages petit

in-fol., la plupart sur papier mauve, montées sur onglets sur des feuillets de papier vélin fort, en un volume

petit in-fol. relié demi-maroquin rouge à grain long à bande, étui (

Semet & Plumelle

).

5 000 / 6 000 €

T

rès

intéressante chronique

sur

le

futurisme

italien

, publiée dans

Le Mercure de France

du 16 octobre 1916, sous

la rubrique « Revue de la quinzaine ». Le manuscrit, qui a servi pour l’impression, présente des ratures et corrections,

et des variantes avec le texte définitif ; une page est écrite au dos d’une enveloppe adressée au « Sous-Lieutenant

Guillaume Apollinaire » à l’Hôpital du Gouvernement italien, à Paris (3 août 1916).

« Je signale à ceux qui se demandent si la guerre a développé le sentiment religieux le nouveau manifeste futuriste où

M

arinetti

fonde

la nouvelle religion de la vélocité

[…] paru dans le premier numéro de

l’Italia futurista

 »… Apollinaire

attendait plutôt un manifeste d’

Irreligion futuriste

. « Fondateur de religion ! Vous voilà fondateur de religion ! C’est

une situation sociale par le temps qu’il court. Car il ne s’agit pas là d’une hérésie plus ou moins chrétienne, ou de

nouvelles pratiques superstitieuses purement

extérieures. […] Au lieu de Divinité vous dites

Vélocité ; sans le savoir les Allemands ont bien

fondé la religion de la Férocité. Mais comme

vous je préfère la Vélocité qui est une déité

plus moderne bien qu’elle paraisse peu se

soucier de la durée de la guerre »… Il ironise

sur l’influence que dut exercer sur Marinetti,

son expérience de « volontaire cycliste », et cite

quelques extraits de son « tableau historico-

lyrique de la vitesse », et les « demeures de

cette divinité » : les gares ferroviaires, les

ponts et les tunnels, les circuits d’automobiles,

les stations radiotélégraphiques, les cités à

punch

comme Milan, etc. Puis il s’attaque aux

futuristes qui donnent en plein dans l’absurde,

dans leur

Science futuriste

, manifeste qui

« s’intitulerait plus justement

la curieuse

ignorance futuriste

car le but qu’ils assignent

aux recherches désordonnées aux intuitions

contradictoires des adeptes de cette bizarre

science, c’est l’ignorance absolue »…

Puis il annonce la mort à la guerre du futuriste

Umberto

B

occioni

, qui avait commencé par

être peintre. « Plus tard Boccioni abandonna

l’esthétique plus verbale que plastique des

états d’âmes pour une sculpture cette fois plus

neuve et plus plastique dont il avait trouvé la

source dans les ouvrages de Rosso et dans

l’atelier de Picasso »… Il était le seul des

compagnons de première heure qui ne se fût

pas écarté du « pape Marinetti »…

Il conclut sur le futurisme italien : « C’est ainsi,

que cessant d’être une école tapageuse, il peut

devenir un mouvement important. Marinetti

qui a en Amérique la réputation d’être un

homme politique remarquable ferait peut-

être bien de laisser de côté dans la conduite

des affaires spirituelles de son école cette

intransigeance encyclopédique qui devient

plus démodée à mesure que les affaires

de l’Italie et de l’univers deviennent plus

sérieuses. Il n’est pas sans talent. Il est peut-

être temps pour lui d’asseoir sa réputation sur

une œuvre solide. À moins qu’il ne considère

que ses “manifestes” sont l’œuvre importante

de sa vie. Il y excelle, en effet. Et s’il lui plaît

qu’il manifeste tant qu’il voudra, adepte gentil

de la sagesse cinématique d’Épicure ».