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10

7.

Antonin ARTAUD

(1896-1948). L.A.S., [1928], à Jean

P

aulhan

 ; 2 pages in-fol. à l’encre bleue sur papier

chamois (bords un peu effrangés, annotations typographiques aux crayons noir et rouge). 3 000 / 4 000 €

E

xtraordinaire

lettre

ouverte

à

J

ean

P

aulhan

, publiée avec de légères variantes en 1928 dans le n°11 de

La Révolution Surréaliste

.

« Jean Paulhan, après les explications auxquelles je me livrais en votre présence au sujet de cet obscène

C

laudel

,

en considération des services rendus et d’une amitié infiniment tiraillée et trouble, mais enfin parfois opérante, –

ramener mon réquisitoire à la simplicité des deux points dont témoigne votre lettre est une canaillerie pure et simple

mais qui ne vous défigure pas au contraire. Cette canaillerie m’éloigne de vous et en plus elle vous juge et souligne

votre facilité ». Il lui reproche d’avoir été absolument incapable de répondre à une question précise, tel un enfant qui

se dérobe : « Je n’ajouterai aucune injure à la qualification de votre attitude. Il en faut beaucoup plus croyez le bien,

pour me faire douter de moi. Je sais où j’ai mal mais ce n’est pas cette petite partie de mon esprit qu’un Jean Paulhan

peut atteindre ». Il ajoute un long

P.S.

, sur le théâtre d’Alfred

J

arry

 : « c’est le principe même du théâtre que votre

collaborateur [Jean

P

révost

] met en cause dans le n° de février de la NRF. Mais le théâtre de Jarry n’a rien à faire avec

le théâtre. Tout ceci par conséquent ne nous intéresse pas. Je ne répondrai donc pas à votre imbécile de collaborateur.

[…] Je fais d’un texte exactement ce qui me plait. Mais un texte sur un scène est toujours une pauvre chose. Je

l’agrémente donc des cris et des contorsions qui ont un sens naturellement, mais qui n’est pas pour les porcs. Je ne

m’étonne donc pas que le nain qui signe ces critiques ait vu dans une représentation semblable une pièce de comédie

moderne. – Une autre raison pour laquelle j’appréhende de vous confier ma réponse est que je devrais m’exposer à

l’un des châtrages en long et en large des textes […] auxquels vous nous avez habitués ».

8.

Antonin ARTAUD

(1896-1948). L.A.S., Rodez 2 juillet 1944, à Pierre

S

eghers

 ; 2 pages et demie petit in-4

sur des pages de cahier d’écolier (fentes réparées en haut des deux feuillets).

1 500 / 2 000 €

B

elle

lettre de

R

odez à

l

éditeur

P

ierre

S

eghers

,

relative

à

une

adaptation

d

’E

dgar

P

oe

par

A

rtaud

.

Il lui envoie une adaptation de l’

Israfel

d’Edgar

P

oe

qu’il vient de faire : « ce sont

les idées d’Edgar Poe […] je n’en ai négligé,

rejeté, oublié ou écarté aucune. Et j’ai

cherché à ce qu’aucune des modulations

internes de la transe spécifique du poète

ne demeure inerte en français. Mais

pour cela je me suis contraint à inventer

des images et à amener au jour des

accents qui répondissent à ma perception

propre du même état poétique, et de la

même élévation en esprit. L’inspiration,

la délibération passionnelle initiale sont

d’Edgar Poe, mon travail est celui d’un

ouvrier émotif qui transborde de langue à

langue non pas des tournures de syntaxe

et des formes grammaticales mais ces

perceptions innées du verbe par lesquelles

le poète demeure en contact éternel

avec les mondes d’inhumanité. Je sais

parfaitement ce qui manque à mon travail

pour être digne de son modèle mais pour

que je puisse avoir moi aussi l’originalité

spontanée que je me rêve depuis tant

d’années et que je me sens sourdre et

battre dans le cœur il faudrait que les

circonstances de ma vie matérielle fussent

moins terribles ; et la vie matérielle est

terrible pour tous aujourd’hui : la guerre

mange notre pain quotidien et moi en

plus je suis prisonnier mais depuis sept

ans que ma souffrance dure Dieu fera

certainement quelque chose pour la faire

enfin cesser »…