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ce qui lui reste de force à proscrire les Communes. C’est un homme attaqué par des loups et qui s’occupe à tuer des puces » (28 mars)…
Témoignage d’horreurs sur la fin de la Commune : « Tous mes amis arrêtés, fusillés, disparus. J’errais seul par les rues, heurtant le pavé
des barricades, trébuchant sur les cadavres, coudoyant les patrouilles, éclaboussé par les tombeaux remplis de morts, étourdi par les
coups de grâce qui achevaient les blessés », etc. (10 avril)... Conditions dans lesquelles il souhaite publier une histoire de la Commune,
combinaison d’un journal, collaboration de l’imprimeur Juste
V
ernouillet
, comparaison des avantages et désavantages de paraître à Paris
ou Bruxelles… Sous le pseudonyme « Solange », il évoque l’éventuelle levée de l’état de siège, pèse l’intérêt d’une publication rapide
ou différée de l’histoire et du journal, souligne le risque de dislocation du pays : « 2 provinces détachées, six départemens pourris de
prussiens, trente neutralisés, Nice et Savoie centrifuges, Paris dépeuplé, le reste de la France aux Jésuites de Rome ! », etc. (10 juin)…
Il parle de secours aux proscrits, et exhorte son ami à rester en sécurité, loin des rigueurs de Thiers… Intérêt pour d’autres auteurs de
Lachâtre : Karl
M
arx
, Eugène
S
ue
… Prédictions politiques : les monarchistes rallieront
T
hiers
, l’opinion se radicalisera. « Je n’espère
donc ni la levée de l’état de siège, ni l’amnistie ; ni rien qui resssemble à la république avec républicains » (13 novembre)… Il ne faut pas
croire à « la baisse même de la terreur honnête et modérée […] l’armée est tout et le peuple rien » (24 novembre)…
1873
. Il promet de fournir des souvenirs sur Eugène
S
ue
pour la biographie que prépare Lachâtre… Il s’alarme à l’idée que Lachâtre
rentre, sous l’« orgie sanglante » de Thiers : « Vos œuvres sont vos crimes. Il faut tuer les républicains pour refaire la royauté. Elle se
refait par la complicité même de l’opposition. Quand les Prussiens seront payés et renvoyés, quand la république chargée comme la boue
d’Israël, de toutes les iniquités, des capitulations, des exécutions, des transportations, et du paiement des milliards aura fait la place
nette, alors vive le roi ! » (30 janvier)… Réaction d’orgueil ironique à sa condamnation par le Conseil de Guerre : « En 44 condamnation
à la prison ; en 49, à la déportation ; en 73, à la mort. Il y a progrès ; je monte en grade » (2 avril)… Il s’inquiète pour Lachâtre de l’état
de l’Espagne (2 août)… La chute de Thiers correspond à une loi de la science politique : « la réaction brise ceux qui la font. M. Thiers est
tombé après avoir tué la Commune de 71 ; comme Cavaignac après avoir tué la Commune de 48 ; comme Robespierre après avoir tué
la Commune de 93. – Et c’est justice que l’assassin de Paris n’ait pas eu la gloire d’être le libérateur de la France et le fondateur de la
république »… Évocation des querelles entre des hommes de l’internationale (Vésinier, Landeck, Vaillant, Arnault, etc.).
1874
. Observations sur la chute de Castelar et la restauration de la dynastie bourbonne en Espagne, et les déboires de Lachâtre en
Belgique… Il rappelle ses paroles : « ne vous fiez pas à la parole des soldats vous seriez condamné autant qu’on peut l’être ; ne vous fiez
pas à la parole des avocats, vous serez confisqué le plus possible. […] Ce n’est pas seulement la maison Lachâtre qui me semble menacée,
c’est la maison du peuple français ; et la vôtre peut quelque chose pour la sienne. Versailles consomme son crime. Après avoir tué la
commune, il tue la nation ; après Paris, la France »…
1875
. Communication du texte d’une lettre de
G
aribaldi
(copies jointes) à donner à la presse, « pour la
propagande française
»
(25 janvier)… Examen d’une proposition de journal. « Ma pensée, comme je vous l’ai dit dans les quelques lignes qui accompagnaient
la
Lettre au peuple
, était d’arracher Paris à la gauche par une série d’épîtres
apostoliques
, c’est-à-dire gratuites, mais non périodiques »
(17 juin)… Nouvelles affligeantes de la justice de Paris ; c’est le triomphe des assassins... Débats sur le projet d’un journal d’exil.
La Voix
du proscrit
de Ledru,
Le Nouveau Monde
de Louis Blanc,
L’Espérance
de Leroux,
L’Homme
de Ribeyrolles, etc., sont tous morts de faim :
« Une feuille d’exilé a les mêmes frais et moins de recettes qu’une autre. Qu’offre-t-elle aux internés de France. La prison » (15 août)…
1876
. L’amnistie se gâte : « Victor
H
ugo
malgré tout son talent, ne la sauvera pas. Avoir choisi le 18 mars pour déposer son projet de
loi, idée de poète. Sa proposition d’amnistie le jour même de l’insurrection est une véritable provocation au refus. La raison le dit… mais
la poésie, que voulez-vous ? Toujours la pose ! Politique de théâtre. Sensation. L’auteur applaudi et nous condamnés. Nous aurons un
feu d’artifice d’antithèses, un bouquet de fleurs de rhétorique et d’humanité, un effet éblouissant ; puis la fumée, la nuit sombre et les
baguettes noircies nous retombent sur le nez » (20 mars)… « L’état de siège est levé, la vente des journaux libre. Nous tenons le droit que
nous souhaitions. […] Ne voyons que Paris ! Là seulement nous pouvons satisfaire notre conscience, payer notre dette, venger les morts,
délivrer les vivants, ramener les proscrits, sauver commune et République, la France et l’humanité » (6 avril)… Il combat les hésitations
de Lachâtre à investir dans un journal français, rappelle le succès du
Combat
, et commente les maladresses des
Droits de l’Homme
.
« L’ennemi le plus à craindre par nous n’est pas
Dufaure
, c’est
Gambetta
, et le plus sûr à combattre c’est
Gambetta
et non
Dufaure
. Soyez
certain que
Mac-Mahon
nous laisserait frapper
Thiers
à notre aise ; et la guerre à
Thiers
serait à la fin plus utile et moins coûteuse que
la guerre à
Mac-Mahon
» (22 mai)… « Ce n’est pas en amusant le peuple qu’on le soulève, c’est en le passionnant. On ne fait pas sauter
les trônes avec des bons mots. On ne fait pas d’explosion avec un grelot, mais avec un brûlot. Si l’âme de Rousseau n’eût pas enflammé
la Montagne, tout l’esprit de Voltaire n’eût pas fait couper le cou du roi à la Gironde. Le peuple qui rit est désarmé » (26 novembre)…
1877
. L’ami
G
ambon
lui apprend que Lachâtre va s’éloigner à Naples… Il n’accepterait de diriger
La Marseillaise
de Duportal que si
elle changeait de titre et adoptait la voie que lui-même tracerait ; il blâme la politique indécise du journal, et « je crains et je pleure la
chûte d’un peuple qui est mien et qui plus qu’un autre incarne l’humanité. L’erreur de Condorcet et de toute la philosophie de son
siècle dont Süe s’est fait le disciple à la fin de sa vie, c’est que le Progrès est éternel… Distinguons… Éternel dans le tout, oui ; mais
dans la partie, non. Hommes, peuples races naissent, croissent, baissent et meurent tour à tour. […] La France, aujourd’hui, est entre un
cadavre, la bourgeoisie, et un enfant, le peuple. Le mort saisira le vif, si nous ne pouvons enterrer l’un et élever l’autre » (16 juillet)…
1878
. Il l’entretient de leur journal,
La Commune
: finances, saisie des premiers numéros, cautionnement à confier au citoyen Castelnau,
ami et collaborateur de Delescluze, assignation par la police correctionnelle pour non-paiement d’une amende, plaintes concernant le
Dr Lux (pseudonyme) et l’administrateur Avenant, etc. « Quel jour que celui où nous pourrons lancer le premier numéro du journal
Le
Travail
! Vous à Paris, le rêve devient réalité, même quand je serais à Londres » (12 octobre)… Plusieurs fois il est question d’un sauf-
conduit pour que Lachâtre se rende à Paris…
1879
. Nouvelles réflexions sur l’amnistie : Versailles n’avait pas le droit de punir, et n’a pas le droit de gracier ; le devoir du proscrit
est de ne rentrer que quand il peut faire prévaloir sa cause et faire rentrer les autres… Il avait pressé Lachâtre de rentrer pour lancer
le journal ; il ne s’était pas trompé : pas d’amnistie : « Conservateurs et cannibales, canaques et canailles sont d’accord pour grâcier
le moins possible. Donc 2% jusqu’à présent, quel raffinement de torture ! » (24 janvier)… Avis sur
Le Travail
: déclaration, titre,




