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109.

Felix MENDELSSOHN-BARTHOLDY

(1809-1847). L.A.S., Berlin 31 décembre 1843, à François Barthélemy

A

rlès

-

D

ufour

, à Lyon ; 3 pages grand in-4, adresse (quelques rousseurs et légères fentes, trace d’onglet) ; en français.

2 000/3 000

B

elle

lettre

s

expliquant

sur

son

refus

d

écrire

un

opéra

français

,

et

sur

la

situation

en

A

llemagne

.

La lettre d’Arlès-Dufour est arrivée au moment de son départ de Leipzig, de son déménagement, et depuis son arrivée à Berlin « mille

affaires musicales & non-musicales m’ont obsédé tous les jours ». Il a su par Duveyrier le plan conçu avec Arlès : « Mais quant à l’idée

d’écrire pour la scène Française je vous avouerai que j’y suis toujours aussi opposé que je l’étais & je ne crois pas que je pourrai jamais

m’y reconcilier. Je ne vous parlerai pas de mes raisons, parce que c’est plutôt le sentiment qui me dicte cette resolution que des raisons

– & pourtant je crois aussi que j’en pourrais trouver d’assez suffisantes, & quant à l’effet qui sans contredit est plus grand pour un

Opéra Français & représenté pour la 1

ère

fois à Paris, […] c’est justement pour ne

pas

viser à l’effet, ou bien pour ne pas y être contraint

malgré moi, que je veux écrire en Allemand & pour ma patrie. Du moins le seul effet auquel j’aimerais aspirer serait celui que me ferait

l’ouvrage à moi-même pendant que je l’écris tout seul, & je doute fort que cet effet serait celui que le grand public aime & recherche en

France, tandis qu’il m’a quelquefois bien guidé pour mon pays. Je vous dirai même que tout le Romantique, tel qu’on le comprend en

France dans ce moment, tel que Duveyrier lui-même paraît le comprendre en voulant faire un

Diable amoureux

du

Lionel

de

S

chiller

,

tel qu’il est même dans votre idée quand vous supposez ce Lionel le mauvais génie de Jeanne, n’a jamais pu m’inspirer ou éveiller mes

sympathies. Je ne le comprends pas d’un bout à l’autre, quoique j’aime bien mon Shakespeare comme on peut l’aimer, ou peut-être

justement

parce que

je l’aime tellement. Mais les diables amoureux, les diables bienfesants, les innocences séduites & les séducteurs

innocents – je ne sais pas pourquoi je n’y crois pas, & pourquoi je ne leur trouve rien de poëtique quand je le rencontre dans les ouvrages

de l’époque ». Duveyrier avait prévu cette objection : « si je persistais dans mon idée de ne composer que pour la scène Allemande il

avait un sujet tout disposé, dont le scenario est presque achevé, & qu’il croit réunir toutes les conditions que je désire trouver », et qu’il

aimerait bien pouvoir lire ; mais il craint « qu’il ne se décidera pas sitot à aborder le sujet que vous aimez tant & que trouve aussi de

toute beauté ». Il aimerait que leur projet de collaboration puisse se réaliser.

Il termine en évoquant la situation en Prusse « & les progrès (en sens contraire) qu’on y fait ». Revenu à Berlin, « je trouve comme tout

est resté dans le même état où je l’ai vu il y a douze ans tandis que dans le reste de l’Allemagne on change, on travaille, on avance de

tous les côtés. Tout ce qui se fait chez nous se fait à l’intérieur, par contradiction, presqu’à la dérobée – mais il ne s’en fait pas moins, &

l’énergie en est peut-être à la fin plus irrésistible »…

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