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brisé mille fois ; mais le doigt de la Providence ne vous a pas abandonné, pour quoi vous lui devez, au maître-autel de
la métropole portugaise, un beau
Te Deum
en faux-bourdon. Invitez votre secrétaire particulier Heim
[Alexandre
Heim]
à y chanter sa partie ; il a une très belle voix, sans que ça paraisse, et une très belle bouche comme vous savez,
vous verrez qu’il enchantera tous les fidèles de la ville capitale qui ont du goût pour la musique de la chasse au lion.
À propos de votre secrétaire, dites-moi bonnement, vous ai-je trompé ? Bon enfant, bon caractère, serviable,
intelligent, honnête homme. Écoutez, si vous en êtes mécontent, f...-le à la Sainte Inquisition, et faites-moi brûler
le faquin dans un joli petit auto-da-fé.
C’est un spectacle dont un ambassadeur peut bien se régaler sans tirer à
conséquence. Je voudrais voir la grimace qu’il ferait, il a tout ce qu’il faut pour être plus laid que le Diable, quand il
commencerait à sentir le chaud.
Dites-moi donc, général, entre nous (car il ne faut pas que les Relations extérieures le sachent), dites-moi,
est-il vrai
qu’il vous a été dit, dans vos instructions secrètes, de m’envoyer de tout ce que vous trouveriez de bon sur votre
route ? Pruneaux, cuisses d’oies, jambons, et puis du vin qui va venir,
et puis... et puis... ma foi le Gouvernement n’a
pas pu mettre plus de délicatesse dans sa conduite envers mon estomac. Malgré cela, comme je ne suis sensé connaître
que vous dans cette affaire, et que vous avez bien gardé le secret, c’est à vous que j’en dois les remercîmens ostensibles..
Je tue toujours, par ci par là, quelques lapins. Nous avons été décadi dernier à St-Germain où nous avons fait une jolie
chasse. En passant, nous avons apperçu la Garenne de Colombe, et j’ai juré, sacré après vous, tout comme si vous aviez
été là présent dépouillé tout un de vos qualités ; car, à la réflexion, je sais qu’on ne jure point la personne d’un
plénipotentiaire. Qu’elle me permette cependant d’
oublier la qualité éminente pour lui dire dans le langage de la
simple amitié : “Adieu, mon cher général, je vous embrasse, et je vous souhaite joie, santé et prospérité au gré de
vos désirs...”
»
Grand clinicien, Jean-Nicolas Corvisart
(
1755
-
1821
) chercha à donner des bases scientifiques à la médecine en la
fondant sur l’anatomie pathologique. Il utilisa la méthode de percussion pour le diagnostic des maladies cardiaques et
créa l’enseignement clinique au lit du malade.
Il fut le médecin personnel de Napoléon I
er
.
305. CHASSELOUP-LAUBAT
(François de). Lettre signée au maréchal Jean
Lannes
. Alessandria [Piémont],
28 messidor an XIII [17 juillet 1805]. 2 pp. 1/4 in-4, adresse au dos.
200 / 300
«
Il y a sans doute une attraction entre les bons et honnêtes gens, je lui obéis en vous faisant part du désir et presque
du besoin que nous avons d’avoir de vos nouvelles, je dis nous, car ma femme, pénétrée, comme moi, de la douceur et
des bontés de madame la maréchale, s’en inquiète et me demande souvent si je vous ai écrit... Nous sommes à la
campagne, mais je suis plus souvent sur les chemins ; mes travaux manquent de bras et de beaux tems, nous avons
des séries d’orages qui leur nuisent beaucoup ; il me faudrait un régiment de plus et une absence de pluie de deux
mois ; l’empereur doit m’envoyer le régiment, je ne sais à qui m’adresser pour avoir le reste. Sa Majesté est sortie de
l’Italie
sans prendre de décrets me concernant, je n’en suis pas moins confiant dans ses bontés
[Napoléon était venu
se faire couronner roi d’Italie en mai
1805
]
... Vous devez être sans doute un des premiers de l’Ordre de la Couronne
de fer
[équivalent de la Légion d’honneur dans le nouveau royaume d’Italie]
.
J’aime à croire que S. M. se rappelera
que j’ai fait toutes les guerres d’Italie, que j’ai usé pour cet État ma santé, que j’y ai employé tous mes moyens et
sacrifié mon agrément, j’ose dire même une partie de ma fortune,
car, pour n’avoir pas pu aller dans ma province, je
viens de perdre 50.000 f...
Si je reste toujours pauvre, il faut du moins que les honneurs me dédommagent...
»
Le général de Chasseloup-Laubat, qui servait en Italie pratiquement depuis
1796
, serait admis peu après dans l’Ordre
de la Couronne de Fer et nommé en août
1805
à la tête de l’artillerie de l’armée d’Italie sous les ordres du maréchal
Masséna.
Brouille du maréchal Lannes avec Napoléon I
er
après Austerlitz
306. COMPANS
(Jean-Dominique). Lettre autographe signée au maréchal Jean
Lannes
. Schönbrunn, 7 janvier 1806.
3 pp. 2/3 in-folio.
400 / 500
Longue et belle lettre amicale adressée au maréchal qui, sur une fâcherie avec l’empereur, avait
brusquement quitté la Grande Armée après la campagne d’Austerlitz.
Le motif de cette saute d’humeur
demeure inconnu, mais probablement lié à ce que Lannes aurait estimé être un défaut de reconnaissance à son égard.
Chef d’état-major du maréchal Lannes dans la campagne d’Austerlitz, le général Compans connaissait intimement
celui-ci depuis leur service de campagne en
1794
dans l’armée des Pyrénées-Orientales.
Le général lui donne des nouvelles des hauts officiers de leur connaissance, dont Mortier, qui venait de succéder à
Lannes, et Soult dont Compans venait de devenir chef d’état-major («
il n’a pas perdu une occasion de me sourire. Mais
quel sourire !
») : «
... Dans les quatre premiers jours de mon arrivée à Vienne, il y eut à Schowbron
[le palais de
Schönbrunn]
, deux parades auxquelles j’assistai. Je me vis entouré, pris, laissé, repris par
cent personnes qui toutes
cherchèrent ou à m’arracher des détails sur les circonstances qui avaient motivé votre départ,
ou à découvrir jusqu’à
quel point je pouvais exprimer mon mécontentement de n’être pas porté sur la liste des promotions. Mes réponses
furent prudentes. J’étais trop bien sur mes gardes pour me laisser surprendre.
Si j’ai rencontré quelques courtisans
qui ne pouvaient dissimuler la joie qu’ils éprouvaient de votre départ, combien n’ai-je pas vu de personnes
recommandables
qui en ressentent le plus vif regret,
qui désirent ardemment votre réconciliation
et qui espèrent




