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« Ça m’est très bon de retrouver en toi ce qui est moi,
de penser comme tu penses, ce que tu penses... »
87. NADAR
(Félix Tournachon, dit). Correspondance de 32 missives (30 lettres et 2 cartes), soit 30 autographes
signées et 2 autographes, dont 2 incomplètes. 1900-1905 et s.d. Dont 6 avec grand en-tête illustré à son nom et au
ballon monté ; une quinzaine d’enveloppes conservées.
2 500 / 3 000
Nadar marseillais.
Après la cession de son affaire parisienne à son fils Paul, en
1894
, Nadar vint se fixer un temps à
Marseille, en raison de l’état de santé de son épouse et pour tenter de remédier à ses difficultés financières. Il y fonda
en
1897
une nouvelle maison de photographie, tenue par des employés, mais où il se réservait les prises de vue des
personnalités. En juin
1899
, il céda contre rente la direction de cet atelier à deux amies, Germaine Sallenave et Marie
Gilard. Cette dernière, surnommée Miche, était la sœur de Suzanne Gilard, l’épouse d’Élie Faure. Le docteur Faure était
par ailleurs le neveu d’Élisée Reclus, grand ami de Nadar depuis l’époque de la Commune. Un des célèbres portraits
d’Élie Faure fut pris dans l’atelier Nadar de Marseille vers
1903
.
Belle correspondance familière évoquant entre autre son atelier marseillais et ses souvenirs d’aérostier.
Nadar et Élie Faure étaient très proches, comme le soulignent ici le tutoiement, les adresses «
mon Élie
» et les
signatures «
Tonton Nadar
», et la présente correspondance parle de vacances communes, donne des nouvelles de la
belle-sœur d’Élie Faure, évoque des envois de livres, des corrections d’épreuves d’articles de Nadar. Celui-ci annonce à
Élie Faure qu’il va lui léguer ses papiers (octobre
1902
) et lui demande de l’aide pour éviter Bicêtre à son frère cadet
(«
il faut que mon amitié pour toi soit grosse, à tant abuser de la tienne !
»,
16
décembre
1902
).
– Marseille, septembre
1900
. «
Des personnes ordinairement mal informées t’ont renseigné à mon endroit, mon Élie :
défie-toi des gens qui cafardent. Quand il m’arrive,
quatre ou cinq fois
dans le mois de me donner la jouissance de voir,
d’une chaise de café, le défilé de la canebière, pour payer, en toute justice, le loyer de ma chaise, je distille 8 à 10 gouttes
de verdoyante
[c’est-à-dire d’absinthe]
dans un verre d’eau et ça me fait à peu près le même effet que si je prenais
mon orgeat avec des lunettes vertes...
Mais c’est cocasse tout de même de m’entendre, à mon retour d’âge, traiter de
pochard,
moi qui ai passé plus des trois quarts de mes quatre-vingts ans à ne boire que de l’eau, sans jamais –
à la
lettre
– une goutte de liqueur ni de vin !...
»
– Marseille, octobre
1901
. «
En très hâte, – un service à te demander d’archi-urgence... L’ami Borie
[André Borie]
,
correspondant du
Monde illustré
vient me voir et, en parlant du
ballon de La Vaux
[l’aéronaute Henry de La Vaux
effectua des expériences en ballon à Paris en
1900
]
, me demande pour son journal
un article que j’étais à conclure et
dont le
clou
est un souvenir d’Henri Rivière
[le peintre]
, une bonne fortune d’actualité. Un autre gros
illustré
parisien
avait devancé, mais comme ils ne me soufflèrent mot des conditions et que mes tout à l’heure 82 ans ne sont pas riches,
fais ton possible pour courir présenter la chose à ce
Monde
... ou encore au
Matin
qui, je crois, ne demandera pas mieux.
La publicité d’un quotidien porte mieux, mais auquel, pour ne pas frayer avec l’ennemi ? Avant tout,
rien au
Figaro
,
– et non plus sans la condition
première, absolue
, de l’ennui des épreuves que je retournerai dare-dare...
Encore, au
Petit journal
, mais, mais ?... d’abord ça va prendre bien de la place... La dernière page, rétrospective et
personnelle, fait longueur et le morceau devient un peu gros.
Mais tu comprends que j’y tienne
...
»
– Marseille, «
31 8
bre
» [probablement
1902
].
«
...
Sans épouser à l’heure qui me sonne tes modernités de facture, oui,
encore,
très bon ton article de Zola
[paru dans
L’Aurore
le
17
octobre
1902
, peu après la mort de l’écrivain le
29
septembre
1902
].
Ça m’est très bon de retrouver en toi ce qui est moi, de penser comme tu penses, ce que tu penses.
J’aurais ajouté q.q. chose à ta pesée comparative de Balzac avec Zola.
Ceci : autant ta
conclusion
de Zola est saine,
humaine, vivifiante, autant de l’autre la
résultante
est desséchante, léthifère. L’un est resté stérilement tourné sur
hier
,
la mort ; l’autre regarde et voit
demain
, la vie.
Je crois essentiel d’insister sur la démoralisation, le découragement,
la dissolution que nous laisse Balzac, monarchique et papiste.
Et parfois que de sottise dans le tranchant de ses
affirmations !... Comme je voudrais être avec toi, te tenir là, te dire...
»
Nadar évoque également ses portraits par les peintres
Carolus-Duran
et Georges
Mita
(
4
mars
1903
),
son épouse
et collaboratrice Ernestine
(«
Nous devons le témoignage à qui nous donna l’exemple
»,
31
octobre, probablement
1902
), Eugène
CarriÈre
(
31
octobre
1902
,
4
mars
1903
), Honoré
Daumier
(
18
juin
1901
), Anatole
France
(
1
er
novembre
1900
), Urbain
Gohier
(
19
juillet
1900
), l’écrivain et homme politique Clovis
Hugues
, ancien
communard marseillais (
9
février
1904
), l’homme politique et ethnologue anarchiste Élie
Reclus
(
9
février
1904
),
Laurent
Tailhade
(
19
juillet
1900
), l’
Exposition universelle
(
7
novembre
1900
), etc.
Joint :
un brouillon autographe de lettre de Nadar au verso d’une page autographe d’un texte de lui sur Élisée Reclus
(ce brouillon accompagnait la lettre de Nadar à Élie Faure du
2
octobre
1905
). – Une carte de visite autographe signée
de Nadar à Clovis Hugues devant servir de recommandation à Élie Faure auprès de lui (s.l.n.d.). –
2
cartes autographes
signées de Nadar à des journalistes (dont une à Philippe Gille) par lesquelles il demande d’annoncer la vente aux
enchères des collections de son ami l’écrivain et aquafortiste Aglaüs Bouvenne (toutes deux datées de Dax le
1
er
novembre
1891
). – Une lettre adressée à Nadar par un ami (
1891
).
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