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Francis Jourdain]
. Je suis très ennuyé. Je croyais du premier coup lancer l’art contemporain dans des voies
nouvelles. Eh bien, je ne puis pas y arriver. Est-ce que par hasard les peintres auraient autant de mérite que nous ?
Je pars lundi soir pour mon pays. Il y a déjà une statue. Ça m’ennuie. J’aurais préféré être tout seul.
Si c’est vous
qui ayez à vous occuper de la mienne, faites-la déboulonne. Je vous rendrai la pareille si c’est moi qui
[aie]
à m’occuper
de la vôtre...
» Avec un croquis original le représentant nu sur un socle portant la légende «
À L. Philippe. Sa patrie
».
— [Paris],
18
février
1908
: «
Je n’ai pas pu aller vous voir samedi dernier parce que tous ces temps-ci j’étais encore
bien fatigué le soir. Dites-moi donc quand je pourrai aller vous remercier de m’avoir guéri. Je suis en train d’écrire une
petite chose pour vous. Je dis que la maladie m’a tenu lieu d’un beau voyage et que c’est bien triste de ne plus être
malade. Je vous montrerai ça quand ce sera terminé, et vous me traiterez d’hypocrite.
Je travaille pour l’administration
et je trouve que j’étais très bien au lit malgré la fièvre et la diète. Et puis quand je n’écrivais pas, j’avais tant de
talent !...
»
Joint,
une lettre et deux cartes de la mère de Charles-Louis Philippe, adressées à Élie Faure (
1910
et s.d., les cartes
postales portant au recto une vue photographique du monument funéraire de Charles-Louis Philippe).
Le dictateur Primo de Rivera
embaumé par un médecin anarchiste
91. PRIMO DE RIVERA
(José Antonio). Carte autographe signée, en français, adressée à Élie Faure. Madrid, 25 mai
[1930]. 2 pp. in-16 oblong, liseré de deuil.
150 / 200
«
Veuillez m’excuser si, à cause des nombreuses obligations que j’ai sur moi depuis la perte de mon père, je n’ai pas
trouvé un moment pour répondre à vos lettres. Je le fait maintenant pour vous remercier vivement les gentillesses que
vous avez eu pour nous, et pour vous dire que Maître Federico Diez... vous enverra un de ces jours le montant de vos
honoraires...
»
Le docteur Élie Faure avait mené à bien les opérations d’embaumement du corps du général Miguel Primo
de Rivera
, mort à Paris le
16
mars
1930
. En
1923
, celui-ci avait institué un régime dictatorial en Espagne avec
l’assentiment du roi, et était resté au pouvoir jusqu’en janvier
1933
. Ayant perdu ses soutiens, il avait alors démissionné
et s’était exilé en France.
Fondateur de la Phalange en 1933
, l’avocat et homme politique José Antonio Primo de Rivera était le fils du
dictateur. Il mourrait exécuté sur décision d’un tribunal populaire au début du soulèvement militaire de
1936
.
« Un encouragement à persévérer dans notre effort,
même impuissant, mal coordonné, promettant beaucoup et donnant peu... »
92. PUY
(Jean). Une lettre et 2 cartes, autographes signées. 1910-1921.
200 / 300
Talloires (Haute-Savoie),
15
juin
1910
: «
Errant dans les rues d’Annecy, j’avais acheté un opuscule sur Cézanne
[article paru le
1
er
mai
1910
dans le périodique
Portraits d’hier
]
, et ce fut un double plaisir pour moi quand j’ai vu que
vous en étiez l’auteur. Depuis, j’ai reçu celui que vous aviez eu l’amabilité de m’adresser. J’ai donc communié avec
vous toute une soirée, le temps de vous lire attentivement.
J’ai été à la fois ému et enthousiasmé par la physionomie
que votre écrit prêtait à Cézanne. Cet homme admirable qui savait sa valeur, mais souffrait de ne pas dire plus, ou
d’une façon plus compréhensible pour tous,
vous l’avez raconté comme seulement saurait parler du Dieu le grand
prêtre, avec un amour et une joie d’apôtre. Nous sommes à Annecy, beau pays, noble et riant à la fois, très semblable
aux paysages de “Hiero Huygie” ? le Japonais
[Hiroshige]
, par ces temps de pluies battantes et de brumes
vaporeuses...
» — Paris,
2
janvier
1921
:
«
Vous m’avez comblé avec le dernier envoi de votre livre d’
Histoire de l’art
.
La suite complète est une collection magnifique des œuvres des hommes, – et quel texte ! Comme c’est vu et senti d’un
point élevé. On s’y sent angoissé par le mystère de la destinée et le problème de la raison qui porte les hommes à
produire inlassablement des œuvres d’art.
Bien plus, pour nous autres modernes, c’est un encouragement à
persévérer dans notre effort, même impuissant, mal coordonné, promettant beaucoup et donnant peu ;
car nous ne
sommes que des chaînes involontaires ; une force extérieure nous mène ; nous ne sommes responsables ni de notre
génie, ni de notre sottise. Produire et nous efforcer, c’est notre but et notre raison d’être ; et qu’importe ce que nous
produisons.
Le tri des œuvres bonnes se fera de lui-même. Voilà le réconfort et la philosophie que je tire de votre
livre. Est-ce la course à l’abîme, en tout cas au mystère éternel
...
»
Peintre fauve, Jean Puy
avait fréquenté en
1899
l’académie Camillo, où enseignait Eugène Carrière, et s’y était lié
avec Derain, Manguin, et surtout Matisse. Il avait fait partie de leur groupe à l’exposition du Salon d’automne de
1905
qui fut l’acte de naissance du fauvisme.




