54
–
20
septembre
1919
. «
...
Je ne m’occupe de cette “revue” que de façon “officieuse”
[les
Cahiers vaudois
,
dont il était
le principal animateur et contributeur]
. Si j’ai consenti pourtant à jouer ce rôle et si M. de Weck
[l’écrivain et diplomate
fribourgeois René de Weck, alors en poste à Paris, qui tenait une chronique des lettres romandes au
Mercure de France
]
,
sur ma demande, a pris la liberté de solliciter votre collaboration, c’est que je vois très bien les services qu’une
entreprise de ce genre pourrait rendre (surtout en ce moment-ci). Il y a un public
considérable
de lecteurs, généralement
mal renseignés et plus mal dirigés, mais plein de bonne volonté et qui
achète
et continue d’acheter, malgré la hausse ;
beaucoup de jeunes gens susceptibles de se passionner, s’ils en trouvaient l’occasion ;
nous représentons malgré tout
la France
en dehors de ses frontières politiques
, ce qui est à considérer ; on parle de la nécessité d’activer les
échanges
,
etc. Je ne fais qu’indiquer le thème ou les thèmes : ils sont nombreux et essentiels...
»
94. RECLUS
(Famille). Ensemble de 16 lettres et cartes adressées, la plupart adressées à Élie Faure. 1902-1916 et s.d.
400 / 500
–
Reclus (Armand)
. Lettre autographe signée. S.l.,
12
février
1912
. Annonce à Élie Faure la mort de son beau-père
Guignard.
Officier de marine, Armand Reclus
(
1843
-
1927
) fit partie de l’équipe qui explora sur place le tracé du
canal de Panama
et en mena les premiers travaux. Contrairement à ses frères Élie et Onésime, sa sensibilité le
rapprocha des thèses de l’Action française.
–
Reclus (Élie)
.
5
missives autographes signées, soit :
4
lettres et une carte, dont une avec apostille autographe signée
de l’épouse de celui-ci, Noémie Reclus. Bruxelles,
1902
-
1903
et s.d. Magnifique correspondance dans laquelle il
prodigue rudement mais amicalement ses conseils à Élie Faure relativement à ses textes polémiques et à ses critiques
d’art dans
L’Aurore
, par exemple, concernant les articles d’Élie Faure sur Caran d’Ache et Jean-Louis Forain. —
Bruxelles,
29
novembre
1902
: «
... Tu cognes sur le bourgeois – on sent que cela te fait plaisir – mais on ne voit pas
assez le pourquoi. Fais donc parler ton adversaire. C’est plus honnête, et quand on a raison, c’est plus habile...
» —
Bruxelles, [vers
1903
], sur le désir d’Élie Faure de publier ses articles en recueil : «
... Tu as des instincts, que tu prends
pour des faits acquis, des pressentiments que tu confonds avec des doctrines. Et ces doctrines, tu songes déjà d’en être
le héraut et l’apôtre ? Patience, mon jeune ami, patience ! Prends le temps de transformer tes instincts en connaissances,
en science consciente d’elle-même et bien ordonnée... Qu’il ne t’arrive pas la mésaventure advenue à ce pauvre Francis
Jammes. Il avait débuté par une demi-douzaine de sonnets qui annonçaient le vrai poète. On le lui dit abondamment,
il le crut surabondamment, il éreinta sa Muse qui en est restée fourbue, et depuis il ne fait plus que des “jamessiades”.
Il n’avait pas un bonhomme d’oncle pour lui dire : “Sache attendre, mon garçon. Attendre pour devenir ce que tu
es”...
»
Homme politique, écrivain et ethnologue, Élie Reclus
(
1827
-
1904
) affichait un socialisme anarchisant
qui lui valut d’être exilé trois fois de France, en
1851
après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, en
1871
après
la Commune qui l’avait fait directeur de la Bibliothèque nationale, et en
1893
après l’attentat de Vaillant. Réfugié alors
en Belgique, il devint professeur de mythologie à l’Université libre de Bruxelles.
« Toute espèce de livre est pour moi une confrontation d’homme à homme... »
93. RAMUZ
(Charles-Ferdinand). 3 lettres autographes signées à Élie Faure. L’Acacia à Lausanne, 1918-1919.
400 / 500
–
28
avril
1918
. «
Votre lettre m’arrive avec quelque chose comme deux mois de retard et je tiens à vous en accuser
réception, sans être bien sûr que cet accusé de réception vous arrive.
Peut-être ferais-je mieux de le confier au Rhône
qui s’attarde longuement sous mes fenêtres avant de reprendre, non loin d’ici, sa grande magnifique course vers la
mer :
j’use de moyens moins romantiques, quoique peut-être moins sûr... Ne me remerciez pas... de ce pauvre petit
article : ce n’est rien. Je n’y ai rien indiqué d’essentiel, parce que je n’ai pas su. Et puis c’est aussi que je n’aurais pu le
faire sans prendre un ton beaucoup plus personnel qui m’eût été sans doute interdit ;
nous avons une pudeur qui nous
empêche de toucher publiquement aux choses qui nous sont le plus précieuses ; il faut se comprendre sans
s’expliquer.
J’aime... votre ferveur et la
qualité
surtout de cette ferveur. Vous avez parlé du Midi comme personne n’en
a parlé ; c’est que vous appartenez à ce Midi-là et c’est ce Midi-là que j’aime. Et je me flatte, moi aussi, riverain du
Rhône, d’y appartenir quelque peu...
»
–
10
mars
1919
. «
...
J’en suis venu au point que pour des raisons essentielles de divergences d’opinion toute espèce
de débouché m’est fermé dans ce pays qui est apparemment le mien.
J’aurais aimé signaler aux quelques personnes
que je sais qui vous admirent ici, la nouvelle source de ferveur et d’idées qu’est votre roman. Elles le découvriront bien,
j’espère, sans moi. Vous devinez peut-être... l’horreur que j’ai des phrases et combien je m’en voudrais de vous écrire
une lettre “d’auteur”, vous devinez aussi combien peu je me reconnais le droit de “critiquer” ;
toute espèce de livre
est pour moi une confrontation d’homme à homme.
J’ai l’impression d’être en votre présence et les pensées que nous
avons pu échanger sont difficilement exprimables, tellement elles sont nombreuses et complexes, sur une pauvre
feuille de papier à lettres...
»




