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103

252.

Albert SAMAIN

(1858-1900) poète. L.A.S., Vence 21 mars 1899, [à Robert de

M

ontesquiou

] ; 4 pages in-8 (deuil).

400/500

T

rès

belle

lettre

à

propos

des

A

utels

privilégiés

de

M

ontesquiou

. « Quel beau titre qui me donne à moi comme la sensation

d’une soie ou d’une dentelle sur du marbre ! C’est bien en effet une communion que nous faisons avec vous à chaque autel, et

qu’il y a de piété ardente et d’émotion vraie dans vos attitudes. Je vis ici forcément dans une atonie morale et intellectuelle ; cette

soudaine bouffée d’art, cet extrait concentré des sucs les plus riches et les plus subtils m’a violemment saisi, et quelque chose a

résonné en moi qui n’avait pas résonné depuis longtemps. J’aime chez vous cette passion d’admirer, je dirais cet amour d’admirer,

qui semble faire de votre âme un perpétuel frémissement. Là est pour vous le trésor intarissable de joie, et tel il apparaît dans

cette prodigue merveille de vos citations. Invinciblement on pense à quelqu’enchanteur qui plongerait ses mains dans des tas de

pierres et de perles, rubis, émeraudes, saphyrs, diamants, et les prendrait par poignées, et les laisserait couler entre ses doigts pour

s’enivrer de chatoiements, de feux et d’éclairs ! Ainsi pour chaque œuvre élue c’est un reliquaire que vous édifiez »... Il évoque

ceux consacrés à Chassériau, Guys et Blake... « Il y a une exaltation d’art forte et douce qui dilate toute l’âme »...

O

n

joint

4 L.A.S. de Léon

B

ocquet

à R. de Montesquiou, Lille 1902, à propos d’Albert Samain.

253.

George SAND

(1804-1876).

M

anuscrit

autographe signé « G. Sand »,

Le Toast

, [1832] ; 7 pages et quart in-8.

7 000/8 000

M

anuscrit

complet

,

de

premier

jet

,

de

ce

conte

romantique

,

un des

tout

premiers

textes de

G

eorge

S

and

romancière

. Il a paru

dans les

Soirées littéraires de Paris

, recueil publié chez Janet en décembre 1832, peu après les romans

Indiana

et

Valentine 

; il a été

recueilli dans

La Coupe

chez Calmann-Lévy en mars 1876.

« L’action se passe aux Pays-Bas au XVII

e

siècle. Le vieux gouverneur de Berg-op-Zoom, Sneyders a épousé une jeune et belle

Espagnole, Juana. La pauvre Juana, qui a grandi sous le soleil de l’Andalousie, s’ennuie et languit dans ce pays humide et triste,

entourée de Hollandais lourds et prosaïques. “Joignez à l’influence du climat la société d’un mari fort riche, fort sensé, fort

entendu en ce qui touche ses affaires et son gouvernement, mais fort ennuyeux, il faut bien le dire, et vous comprendrez que la

belle et tendre Juana pouvait bien avoir le mal du pays...” Elle a, comme on peut s’y attendre, les yeux noirs et tristes, la pâleur

mate et l’air mélancolique de la soumission, traits d’une femme bien connue de George Sand, qui avait le malheur de vivre depuis

neuf ans avec un mari qui, quoiqu’il ne fût pas gouverneur de Berg-op-Zoom, n’en était pas moins aussi prosaïque que l’honorable

Sneyders. Heureusement pour la pauvre Juana, il se trouvait dans la maison du gouverneur un jeune page aux yeux noirs, Ramiro,

né aussi dans la chaude Espagne, amateur de musique, chantant parfaitement les anciennes romances espagnoles ; il était, en outre,

“d’une noble et antique maison, ce qui, dans ce temps-là, ne gâtait rien”, ajoute l’auteur, qui, de la première à la dernière ligne

de cette gentille bluette, ne se départit pas d’un ton gai, léger, plein d’humour et d’entrain le plus parfait. Sneyders aurait pu,

semblerait-il, ne pas avoir trop d’inquiétudes, vu la conduite irréprochable de sa jeune femme et la chaste innocence de son page de

seize ans, et compter, en plus, sur “le climat refroidissant de la Flandre”. Il n’aurait donc dû avoir aucun motif de jalousie, “ce dont

il était contrarié parfois autant que flatté

car il y a certaines liaisons pures, discrètes, mystérieuses, qui font plus de tort au repos d’un

mari que de franches et loyales infidélités

”. En vain Sneyders essaye-t-il d’espionner les jeunes gens, il perd son temps. “On peut

surprendre en flagrant délit des coupables, découvrir les manèges de la passion, – on ne peut surprendre ou démasquer un amour

pur, profond et innocent”. Sneyders se met à railler le page, se moque de sa musique et de ses empressements ; peine inutile !

Alors, il recourt au crime, déguisé de la plus belle façon. Sous prétexte d’une mission urgente, Sneyders envoie le jeune page chez

le gouverneur d’Anvers, son parent, espérant qu’il y sera retenu comme otage espagnol ou même tué (l’action se passe à l’époque

de la lutte des Pays-Bas contre l’Espagne), d’autant plus que le gouverneur est l’ennemi juré du père et de toute la famille de

Ramiro. Mais le vieux Sneyders se réjouit trop tôt d’avoir éconduit le jeune homme ; il a trop compté sur la perfidie de son parent,

homme d’honneur ; il a oublié que le petit dieu capricieux protège ses fidèles adorateurs et se moque des vieillards, ses ennemis.

Un jour, après un bon diner et après avoir aiguisé sa langue sur l’“Espagne, les femmes, les romances, les petits chiens et les pages,

joueurs de guitare ”, Sneyders veut méchamment faire boire Juana à la santé du gouverneur d’Anvers. Il triomphe perfidement de

sa victoire sur Ramiro et se réjouit déjà de sa mort, lorsque Juana, au désespoir du péril que court le jeune homme, prend le verre

en main et, bouleversée par la cruelle plaisanterie de son mari, s’écrie : “Si la confiance des Anversois dans leur gouverneur est si

aveugle, dit-elle, c’est qu’apparemment ils le savent incapable d’une action lâche et d’un crime inutile”. Tout à coup une jeune voix

se fait entendre sous la fenêtre, chantant le refrain d’une romance favorite de Juana, et celle-ci boit joyeusement à la santé de “son

ami et parent, le glorieux gouverneur d’Anvers”. Après avoir calmé sa bien-aimée, Ramiro se cache pour échapper à la vengeance

du très cher Sneyders, qui, cette fois, aurait certainement tout fait pour le perdre. La victoire reste à la jeunesse. Ramiro et Juana

ne se reverront peut-être plus, mais ce moment de bonheur a compensé tous leurs chagrins. L’amour a vaincu et se rit des vieux

maris, des chaînes, des proscriptions, des défenses, des lois et des sévices. Vive l’amour, vive tout sentiment pur et humain, voilà

ce que nous dit ce petit conte gracieux et gai, écrit d’une plume alerte et avec une verve et un entrain tout à fait surprenants. » (W.

Karénine,

George Sand, sa vie et ses œuvres

, t. I, p. 379-382).

Rédigé à l’encre brune sur 7 feuillets (les deux premiers doubles, filigrane

J. W

hatman

1832), très remplis de sa toute première

écriture, très petite, le manuscrit a servi pour l’impression ; il présente de

nombreuses

ratures

et

corrections

. Il est signé en

fin « G. Sand ». Une note de sa main en tête a été soigneusement biffée avant la composition du texte : « M

me

Tastu voudra bien

intituler le conte à son gré. Si elle trouve l’histoire trop longue, elle trouvera bien le moyen d’y faire des coupures ».

Reproduction page 105